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12 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #philosophie

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Comment l’homme devint humain ?

12 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #philosophie

11 septembre 2010

Comment l’homme devint humain

Ethiopiques n° 25
revue socialiste
de culture négro- africaine
janvier 1981

De l’apport du Tiers-Monde à l’Universel ou
"Comment l’homme devint humain" [1]

par Makhily GASSAMA

Rechercher et, peut-être, récupérer « les occasions perdues de l’histoire et les dimensions perdues de l’homme ». [2]

« J’ai délivré les hommes
J’ai mis dans leur cœur d’aveugles espérances...
A parler franc, les dieux, je les hais tous ».

Ainsi délirait le Prométhée enchaîné d’Eschyle, tout heureux d’avoir fourvoyé l’Homme, en l’éloignant du divin, de l’Esprit, pour le livrer à ses appétits et le soumettre à l’unique loi de ses satisfactions, chaque jour plus exigeantes et plus cruelles. Ce fut un coup de théâtre aux dimensions imprévisibles, qui allait dévoyer, bouleverser l’histoire de l’humanité. Jusqu’au moment où l’Occident décide de prendre en charge, seul, à sa propre manière et pour ses propres fins, le destin des peuples, l’Homme, dans ses rapports avec la Nature, était un être simple, qui ne cherchait pas à transformer pour dominer, mais bien plutôt à trouver patiemment, obstinément, les voies d’une intégration harmonieuse dans le créé. [3]

L’Europe a changé tout cela, au nom de la Science, dit-on, parce que l’Europe aurait volé le feu [4] Est-ce vrai ? Nous allons voir de quelle haute flamme le monde s’éclairait avant le rapt de l’Occident. C’est l’avidité qui a tout bouleversé ; et la Science, et les forces sont ainsi mises au service des satisfactions délirantes : ce qui nous ramène à la vérité du Mythe. En Afrique Noire, on enseignait, on enseigne encore, dans les Bois sacrés ou la Case de l’Homme, les liens d’amitié que l’homme nouait, peut encore nouer avec la Nature, dans le respect de l’harmonie et, quand il le faut, du mystère que propose la création. Ce n’est plus l’Ordre de l’Occident. Celui-ci, pour étancher une soif sans cesse renouvelée, pour trouver les moyens de satisfaire des désirs que les frémissements du cœur ne réussissent plus à tempérer, a rompu brutalement - trop brutalement avec les sagesses patiemment élaborées par les peuples de quatre continents. Première et douloureuse sécession de l’Occident sur laquelle Roger Garaudy a eu le mérite et le courage de retenir notre attention.

Réfléchir sur l’avenir de l’homme

Fasciné par le caractère de plus en plus spectaculaire des découvertes scientifiques, il est temps, en ce dernier quart du XXe siècle, après la Deuxième Grande Guerre mondiale, qui fut, par excellence, celle de ::l’Intolérance, que l’homme prenne quelque distance par rapport à l’urgence de ses désirs, trop rapidement qualifiés de besoins, pour réfléchir sur son avenir. Peut-être est-il temps que l’homme occidenta1 cesse d’agir comme si le monde était un navire sans destination. C’est précisément à la remise en question de nos actes, à la contemplation de l’œuvre immense accomplie, à travers les âges, par les hommes de tous les continents, que R. Garaudy nous convie dans son œuvre : Comment l’homme devint humain, témoignage émouvant de l’ensemble de l’effort fourni par les Races, pour la gloire de l’Homme !
Pour l’homme moderne, surtout l’homme occidental, l’œuvre de R. Garaudy est une invite à l’humilité, car il n’existe pas de peuple sans Histoire ; il n’est pas de peuple qui n’ait « rien inventé ». Et le développement de l’Homme, aussi stupéfiant qu’il soit, par rapport à l’Histoire du Monde, « est, nous prévient Roger Garaudy, ce que sont à une année les trois minutes dernières... ». Le poète martiniquais n’a-t-il pas raison d’écrire que « l’œuvre de l’homme vient seulement de commencer » ?

Tolérance et fraternité

Comment l’homme devint humain se présente, dans une autre perspective, comme une invite à la tolérance, à la fraternité entre les différentes Races, les différentes ethnies, qui peuplent notre Terre, cette Terre qui, vue d’une autre planète, paraît « belle, lumineuse », une et pacifique » [5] Qu’on se souvienne ! Au Paléolithique supérieur (30 à 40.000 ans avant J .c.) le métissage biologique et culturel, qu’il s’agisse du métissage intra-racial ou interracial, était déjà un acquis de l’Histoire des hommes ! [6]. C’est dire, en d’autres mots, que la Civilisation de l’Universel à laquelle Roger Garaudy a décidé de consacrer le reste de sa vie, ne constitue pas, ne peut constituer, pour nous, un projet ou une utopie. Elle est, comme sont les lois de la nature. Pour le chercheur, il s’agit d’attirer l’attention du monde moderne sur cette réalité inéluctable pour qu’elle ne donne pas naissance à des monstres : il s’agit d’œuvrer en sorte que l’homme, qu’elle fera naître, soit un homme total ; je veux dire : un homme qui assimile, incarne les grandes vertus, que les Races ont élaborées pendant des siècles. L’équilibre de l’homme .moderne n’est-il pas à ce prix ? S’il est indispensable d’engager résolument la lutte pour « la construction d’une civilisation panhumaine », comme le fait R. Garaudy, en dépit du mélange des Races et des valeurs, « c’est que l’Euramérique la subit plus qu’elle ne la souhaite, n’y travaille », constate L. S. Senghor. « Ce qu’elle voulait, ce qu’elle cherche à imposer, dans les faits, poursuit l’auteur de Liberté 3, c’est sa propre civilisation comme civilisation universelle », mais non « de l’Universel », avec sa dialectique dans ses proclamations, mais avec, dans les faits, sa logique dichotomique, agressive, terriblement efficace pour construire un monde nouveau : un nouvel ordre économique mondial ».

Objectivité et sympathie

Ce qui, de prime abord, saisit le lecteur de Comment l’homme devint humain, c’est, d’une part, l’objectivité et la sympathie avec lesquelles l’auteur s’est penché sur « la totalité et l’unité de l’aventure humaine » ; d’autre part, son souci de proposer à la curiosité du grand public ce qui, jusque là, ne concernait que les spécialistes et les hommes de culture. Cette œuvre fera réfléchir [7]

Comment faire comprendre au grand public de l’Occident, que c’est en Afrique, que l’on a trouvé les plus vieux squelettes humains ; que c’est l’Afrique qui possède les plus vieilles industries lithiques ? Comment porter à la connaissance de ce public, que « dans les techniques de la métallurgie, les Indes du Ve siècle étaient parvenus à épurer le fer à un degré que l’Europe n’atteignit qu’au XIXe siècle » ; que « du XIIe siècle au XIVe siècle, les mathématiciens chinois apprirent au monde à résoudre des équations » et qu’en 1300, « le triangle (appelé en accident « triangle de Pascal » !) était déjà connu en Chine (quatre siècles avant Pascal) » ? Comment soutenir, devant ce public, que le papier et l’imprimerie « sont connus en Chine, 700 ans avant Gutenberg » ; qu’en Iran, Firdousi, un siècle environ avant les premières chansons de geste de l’Occident, écrit dans son Livre des Rois l’épopée des héros de son peuple », et qu’Ibn Khaldoum « trois siècles avant Montesquieu, à une époque où l’Europe ne connaissait que des « chroniqueurs », recherche les lois du développement historique, et au-delà du « hasard », les causes cachées » ? Est-il aisé de faire admettre à l’opinion occidentale, à l’heure de la greffe du cœur, qu’en médecine, l’encyclopédie médicale de l’Iranien Razi, traduite en latin, « fait autorité dans tous l’Occident médiéval » ? Et peut-on admettre, aujourd’hui, qu’au XVe siècle, « les bronzes du Bénin étaient plus fins que ceux des canons portugais » et que « la seule supériorité des Européens était celle des armes à feu » ? C’est bien cela pourtant, que R. Garaudy se propose de prouver par ses analyses, par la présentation des plus vieux textes de l’Humanité et par les centaines d’images qu’il offre à la curiosité et à l’intelligence du lecteur.

Supériorité de l’épée de fer sur l’épée de bronze

A la lecture, de Comment l’homme devint humain, on se rendra compte que des civilisations naissent et meurent, et qu’elles meurent, surtout, par la main de l’homme. Elles naissent dans le labeur, dans le sacrifice, les meurent dans le sang. Des civilisations, des Empires, qui constituent l’œuvre de tant de siècles, sont violemment ébranlées et finissent par s’écrouler. D’autres civilisations, d’autres Empires, qui ne sont pas nécessairement supérieurs, s’y substituent.
La Nature serait-elle donc plus clémente pour l’homme que l’homme lui-même ?
Un autre mérite de R. Garaudy est d’avoir démontré et prouvé que la victoire d’une civilisation sur une autre provient, surtout, de la supériorité des armes : celle « du cavalier et du char sur le fantassin, puis supériorité de l’épée de fer sur l’épée de bronze ». Triomphe de la matière sur l’Esprit ; de la force brute sur les valeurs spirituelles !

Dompter notre Histoire

Il est grave que l’Histoire, que nous bâtissons avec nos propres mains, nous échappe ; il est intolérable qu’elle nous conduise au « suicide planétaire » parce que nous lui permettons de se dérober au contrôle de la conscience.
Grâce aux moyens de communication de plus en plus sophistiqués, nous apportons, chaque jour, à chaque minute de notre existence, peut-être sans en avoir une conscience claire, quelque pierre à l’édification de la Civilisation de l’Universel. C’est déjà la rencontre des Peuples et des Races : « le rendez-vous du donner et du recevoir ». L’important est d’en prendre conscience. Car « il n’y a de véritable dialogue des civilisations, nous dit R. Garaudy, que lorsque chacun est convaincu qu’il a quelque chose à apprendre de l’autre ». Comment l’homme devint humain contribue considérablement à cette prise de conscience.
Et comme l’écrit l’Iranien Sohravardi dans son Bréviaire des Fidèles d’amour cité par R. Garaudy, « l’amour seul peut nous conduire à ce à quoi nous aspirons. Il faut donc se rendre soi-même capable d’éprouver l’amour... de se donner totalement à l’amour ». Ce n’est pas nous, Négro-africains, qui soutiendrons le contraire.
Car l’Histoire, la Géographie exigent que le Négro-africain s’ouvre et s’abandonne à l’Autre. [1 ]Nous en convenons à condition que l’Autre lui permette, en même temps, de demeurer enraciné dans ses valeurs. Nous obéissons à cette Volonté suprême dès lors que nous en serons plus riches, plus complets grâce aux vertus complémentaires des cultures ; parce que la connaissance, la reconnaissance et l’assimilation lucide des valeurs de l’Autre guideront, assurément et plus aisément notre monde vers la tolérance : donc vers la Paix.

[1] Comment l’homme devint humain, de Roger Garaudy, 338 pages. Editions Jeune Afrique, Paris, 1978. 

 

[2] « Ce livre s’adresse à ceux qui veulent participer avec nous à la recherche des occasions perdues de l’histoire et des dimensions perdues de l’homme ». R. Garaudy, Comment l’homme devint humain », p. 109.

[3] Le choix de l’Occident fut de prendre possession du monde par le calcul et la mesure, et de traiter la nature en conquérant. Son expérience fondamentale n’est plus : j’appartiens à la nature, mais : la nature m’appartient », R. Garaudy, ibid., p. 99.

[4] « Il ne s’agit pas de nier l’apport de l’Occident, mais de combattre le « préjugé classique » selon lequel les Grecs et les Romains, la tradition judéochrétienne et la Renaissance seraient les seules sources de toute culture ». R.G., ibid., p. 7.

[5] « Vue d’ici la terre est belle, lumineuse ; elle est une, et pacifique ». En foulant le sol de la Lune, le cosmonaute qui parlait ainsi était le premier homme à apercevoir la Terre dans sa totalité », R.G., ibid. p. 25.

[6] cf. L.S. Senghor, « Les fondements de l’Africanité », in « Négritude. Arabisme et Francité », Ed. Dar El Kitab Allubnani, Beyrouth, 1976.

[7] « Il (Comment l’homme devint humain ») n’est pas tourné vers le passé mais vers l’avenir. A ceux qui n’ont pas eu le privilège de la culture, il peut apporter le désir d’y atteindre. Chez ceux qui ont eu ce privilège, mais que le « préjugé classique » a limité à l’Occident, il éveillera sans doute une colère, un scandale peut être, mais il suscitera aussi le désir d’une ouverture, d’une perspective planétaire, d’une solidarité avec les autres civilisations », R.G., ibid., p. 7.

[8]  cf. L.S. Senghor, « Les fondements de l’africanité », op. cit.

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Comment les Etats-Unis ont occidentalisé le monde

12 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #politique

28 septembre 2010

Comment les Etats-Unis ont occidentalisé le monde

La troisième sécession de l'Occident, après cinq siècles de colonisation, et 2 guerres civiles européennes (de 1914-1918 et de 1940-1945) est celle de la mondialisation, c'est à dire de l'occidentalisation du monde sous direction d'une Amérique qui, réussit, du point de vue économique, à amasser, en 1945, la moitié de la richesse mondiale, aux dépens d'une Europe exsangue de l'Atlantique à l'Oural et d'un Tiers-Monde affamé.
Du point de vue politique, ce pays, qui avait consenti le minimum de pertes humaines, se voulut le maître du monde, dictant sa loi à l'Europe mendiante du Plan Marshall qui rouvrait à l'Amérique un marché européen ruiné par la guerre, imposant à Bretton-Woods un règne du dollar égal à celui de l'or, et, cinquante ans après, un traité de Maestricht où il est dit expréssement que "l'Europe ne pourra être" que "le pilier européen de l'Alliance Atlantique" (c'est-à-dire, en clair, une Europe, soumise aux lois américaines comme l'ont illustré les lois de Helms-Burton et les lois d'Amato, légiférant pour le monde entier en imposant ses embargos).
Le XXème siècle est né avec quelques années de retard : avec l'incendie de 1914, cette guerre d'où ne sortirent que des vaincus. Ce qui précède, les quelques années ou l'on dansait encore sur les volcans éteints de la ligne bleue des Vosges et de la Commune de Paris. Celle-ci avait éveillé les espérances messianiques de ceux qui n'ont pas et les sauvages terreurs de ceux qui ont. Elles n'en font pas partie.
Il n'y avait plus que des ruines, des monuments aux morts, et la conscience de l'effondrement de toutes les valeurs.
Sur les deux rives du Rhin la vie sociale marquait un recul historique d'un siècle : d'un côté avec une Chambre bleu horizon face à la colère des grèves de 1920, de l'autre avec la répression sauvage de Spartacus et de ceux qui en incarnaient les rêves : Liebnecht et Rosa Luxembourg.
Au delà des ténèbres se levait alors un nouveau matin, avec ses nouvelles espérances messianiques, aussi bien pour les peuples brisant le joug des anciens tyrans, que pour les artistes, les poètes, savants, les Anatole France comme les Aragon, les Langevin comme les Romain Rolland, qui saluaient l'aurore. En face la grande terreur des maîtres qui essayaient d'endiguer ce déferlement d'avenir, par une politique du fil de fer barbelé avec Clémenceau, ou le projet de Churchil de marcher sur Moscou en battant le rappel de tous les débris du passé pour empêcher de naître autre chose que ce qui est.
Le siècle entier allait être dominé par cette grande peur et cette promesse d'un monde autre. Par l'irrésistible ascension aussi du désespoir et de la fureur des vaincus : le traité de Versailles portait en lui le germe d'une nouvelle tuerie que seul Lord Keynes annonçait prophétiquement dans son livre : Les Conséquences économiques de la paix (1922) : "Si nous cherchons délibérément à appauvrir l'Europe centrale j'ose prédire que la vengeance sera terrible : d'ici vingt ans nous aurons une guerre qui, quel que soit le vainqueur, détruira la civilisation."
En exigeant de l'Allemagne, sous prétexte de réparations, la moitié de sa richesse, fut préparé le naufrage de tout un peuple : le désespoir et l'humiliation des coeurs, le torrent des faillites, et le chômage des multitudes. Les provocations des vainqueurs suscitèrent l'appétit de vengeance et le déchaînement du Tout plutôt que cela, qui assura le triomphe de la démagogie nationaliste la plus délirante, le désir à tout prix de sortir de la misère et du chômage. Il ne fallut que 16 ans de fermentation de ce bouillon de culture, pour assurer le triomphe de l'homme providentiel. Il accéda au pouvoir de la façon la plus démocratique du monde, obtenant, avec ses alliés, la majorité absolue au Parlement de la République de Weimar.
Nous avons montré, dans un autre livre, le parallélisme rigoureux entre la courbe de la montée du chômage et celle de la montée du National-Socialisme.
Hitler trancha le noeud gordien en transformant les chômeurs en ouvriers des usines d'armement, puis ceux-ci en soldats, et ces soldats en cadavres. Le problème était résolu.
Les conditions étaient remplies pour que la deuxième guerre mondiale ne soit que la suite de la première : conséquence de l'aveuglement des vainqueurs, et de l'ivresse qui s'était emparée d'eux pour avoir abattu le grand rival économique et politique de l'Angleterre et de la France.

Deux éléments nouveaux allaient alimenter le brasier et rendre plus redoutable encore la conflagration inévitable.
A l'Ouest était née une puissance nouvelle, celle des Etats-Unis, pour qui la guerre de 1914-1918 fut une affaire économique sans précédent au point d'en faire désormais une grande puissance.
Les Etats-Unis, était le seul pays au monde qui, depuis sa fondation, n'avait jamais connu d'occupation étrangère sur son sol, et s'était enrichi de toutes les misères du monde : de l'expulsion et du massacre des indiens à l'exploitation de la main d'oeuvre des esclaves noirs, à la relève de l'Angleterre en Amérique du Sud et de l'Espagne dans les îles. Les pertes de l'Europe au cours de la guerre de 1914-1918 avaient fait couler un pactole d'or de l'autre côté de l'Atlantique : par ses ventes et ses prêts l'Amérique était devenue désomais une puissance de premier plan. Il ne lui restait plus qu'à voler au secours de la victoire en débarquant en 1917, après Verdun, comme elle volera au secours de la victoire, une deuxième fois, en 1944, après Stalingrad. Elle était sûre ainsi d'appartenir, aux moindres frais, au camp des vainqueurs, et de régner sur une Europe exsangue, de l'Atlantique à Moscou, sa nudité revêtue de cadavres et de ruines, avec cinquante millions de morts.
L'autre acteur nouveau était à l'Est. L'URSS supportait, en 1944, le poids de 236 divisions des nazis et de leurs satellites alors que 19 seulement s'opposaient en Italie aux troupes américaines, et que 65 étaient réparties de la France à la Norvège.
Depuis l'accession d'Hitler au pouvoir, les EtatsUnis, l'Angleterre et la France, voyant en lui, comme le disaient les évêques allemands "le meilleur rempart contre le bolchevisme", lui avaient fourni les crédits et les armes (la France lui fournit du fer pour ses canons jusqu'en 1938, l'Angleterre négocia avec lui des crédits jusqu'en 1939, et les Etats-Unis maintinrent leur ambassadeur à Vichy).
En outre l'on avait cédé à toutes ses exigences : lui laissant, sans coup férir, s'emparer de la Bohème et dépecer la Tchécoslovaquie, réaliser l'Anschluss (l'annexion de l'Autriche), participer en Espagne à une non intervention lui permettant d'intervenir, avec son complice Mussolini et ses propres légions Condor, jusqu'aux frontières sud de la France, à Guernica.
Le symbole de tous ces abandons, celui de Munich, lui livrait l'équivalent tchèque de la Ligne Maginot, avec l'espoir évident de détourner les appétits de l'ogre vers l'Est et l'Union Soviétique. Les munichois, épaulés par la dictature polonaise interdisant à l'URSS de faire passer ses troupes sur son territoire pour affronter Hitler avant qu'il n'arrive aux frontières russes dès l'invasion de la Pologne, il ne restait plus à Staline, pour éviter de supporter tout le poids d'une inévitable poussée hitlérienne, qu'à gagner du temps par un pacte de non agression, symétrique de celui de Munich, pour se préparer à une guerre alors inévitable.
Hitler réussissait ainsi à n'avoir pas à se battre sur deux fronts et pouvait dévorer l'Occident avant de se ruer vers l'Est soviétique.
Quant aux Etats-Unis, le sénateur Truman (devenu quelques années plus tard le Président Truman) définissait parfaitement la ligne constante de la politique americaine : "Si l'Union Soviétique faiblit, il faudra l'aider; si l'Allemagne faiblit, il faudra l'aider. L'essentiel est qu'ils se détruisent l'un l'autre."
Il est significatif que pour avoir lu cette déclaration de Truman à Radio-France, à Alger, où j'étais devenu, après ma libération des camps de concentration, rédacteur en chef du journal parlé du matin, je fus chassé de mes fonctions par ordre du représentant américain Murphy, malgré l'approbation de mon texte par le Général de Gaulle. (Voir Tome I de Mon tour du siècle en solitaire.)
Les voeux de Truman furent réalisés de sorte qu'au sortir de cette deuxième guerre en Europe, beaucoup plus ravageuse que la première, le Plan Marshall permit à l'économie américaine de poursuivre son ascension, en faisant de l'Europe ruinée un client de nouveau solvable.
Ainsi le troisième tiers du siècle fut dominé par une guerre froide entre les richissimes Etats-unis et une Union Soviétique qui avait, à Stalingrad, brisé l'armée allemande et avait poursuivi l'ennemi jusqu'à Berlin où Hitler dut se suicider dans son bunker de la Porte de Brandenbourg. Après la véritable déclaration de guerre de Winston Churchill, dans son discours de Fulton, et son aveu qu'on avait "tué le mauvais cochon", c'est à dire l'Allemagne hitlérienne au lieu de l'URSS et de Staline, la course aux armements entre les Etats-unis se poursuivit dans l'espace, les succès de l'un, comme celle du premier Cosmonaute (Gagarine), entrainaient la surenchère du rival jusqu'au paroxysme de la guerre des étoiles imaginée par Reagan.
L'URSS s'était épuisée en supportant l'essentiel du poids de la guerre contre Hitler : ses terres les plus fertiles de l'Ukraine avaient été ravagées par l'envahisseur, et les centres industriels les plus décisifs avaient été détruits. Elle était inéluctablement dépassée par les Etats-Unis qui avaient au contraire tiré du carnage européen le plus grand profit.
Pour soutenir un tel effort les dirigeants soviétiques adoptèrent le modèle de croissance de l'Occident, reniant ainsi toutes les promesses du socialisme. Ils en moururent par implosion du système.
Je rencontrai Gorbatchev longtemps après qu'il eut déclenché l'avalanche. Précipitée par la prostitution politique d'Eltsine à ses conseillers américains (tels que Soros), la restauration du capitalisme en URSS porta ses fruits habituels : l'accumulation de la richesse à un pôle de la société et de la misère à l'autre. L'on vit naître, avec la vitesse de champignons vénéneux, des fortunes maffieuses qui firent de Moscou un marché alléchant pour Rolls Royce, et, en même temps, proliférer le chômage, l'exclusion, la mendicité, la délinquance et le crime. L'ancienne Union Soviétique rattrapait l'Amérique sur un point significatif: le trafic de drogues multiplié par 4 en deux ans.
Dans la conversation avec Gorbatchev, je lui dis quel espoir j'avais partagé à la lecture de son livre Perestroika, où apparaît la véritable finalité du socialisme : donner un sens non seulement au travail mais à la vie entière, aliénée par le monothéisme du marché. Un sens nouveau lorsqu'il écrivait par exemple cette parabole résumant l'opposition de l'expérience du travail en régime de marché, c'est à dire de jungle, ou en régime humain, c'est à dire divin : "Un voyageur s'approche d'un groupe de gens en train de bâtir un édifice et demande : Que faites-vous là ?"
L'un d'eux répond avec irritation :
- "Eh bien, tu vois ! Du matin au soir il nous faut transporter ces maudites pierres... ".
Un autre se lève, redresse fièrement les épaules, et dit :
- "Eh bien !, tu vois : nous élevons un temple !". (p. 36-37)
C'est ce que Marx avait profondément distingué : un système social, celui du marché, réduisant l'homme à sa seule dimension animale : le maniement des moyens, ou un système fondé sur ce qu'il y a de proprement humain en l'homme : la conscience des fins précédant l'organisation des moyens et leur donnant un sens. (Le Capital I, XV, 1). L'homme et son travail utilisé comme moyen, sans conscience du but et de la valeur humaine de ce qu'il fait, peut être remplacé,comme force motrice par exemple, par un âne ou par une machine.
L'erreur historique mortelle de Gorbatchev fut précisément de commencer par la réforme des Moyens, c'est à dire de l'économie, en la libéralisant c'est à dire en introduisant ce libéralisme qui est la liberté laissée aux forts de dévorer les faibles. Dès lors cette économie de marché, c'est à dire régulée (ou dérégulée) par les lois non humaines d'un régime où tout s'achète et se vend (depuis la cocaïne jusqu'à la conscience des hommes) selon le profit qu'on en peut attendre, fit, en moins de 3 ans, oeuvre de désintégration de tous les rapports humains. Gorbatchev croyait qu'il allait réformer le socialisme, ce qui survint ce fut la restauration du capitalisme, et du pire : non pas le capitalisme juvénil qui, en dépit de son inhumanité foncière, investissait au moins dans une économie réelle, créatrice d'entreprises, mais le capitalisme déchu, où la spéculation détourne de la production 80 % des capitaux, et où la corruption se substitue à la planification (devenue d'ailleurs sclérosée et irréaliste dans la phase décadente de l'Union Soviétique).
Ce primat accordé à l'économie libérale c'est-à-dire à un monde sans l'homme) désintégra toutes les structures de la société, accentuant les inégalités, cassant tous les rouages de l'Etat au profit de nationalismes parcellaires, d'intérêts monopolistiques étrangers, ou de cupidités individuelles.
C'était méconnaître l'essence même du marxisme de Marx, donnant priorité aux initiatives historiques conscientes de l'homme, au lieu de l'abandonner au déterminisme des lois du marché instituant, dès ses origines, la guerre de tous contre tous sous le nom de liberté confondue avec la concurrence darwinienne des fauves.
Lénine, après Marx, avait bien vu le rôle primordial de la conscience, mais dans la Russie de 1917, où la classe historiquement porteuse de cette conscience n'existait pratiquement pas. Lorsqu'éclata la Révolution d'Octobre 1917, la classe ouvrière représentait en Russie moins de 3 % de la population active. Ainsi fut crée un parti prétendant exprimer la conscience d'une classe qui n'existait pas. De là les glissements ultérieurs : un parti qui se voulait unique (à l'encontre de la pensée constante de Marx depuis la création de la Première Internationale) se donna pour la conscience d'une classe, puis les dirigeants parlèrent au nom de ce Parti, et finalement un seul à la place de la Direction qui avait cessé d'être collégiale et d'exprimer la volonté des communautés de base (soviets).
Bon ou mauvais (mais plus souvent mauvais que bon) ce Parti constituait la colonne vertébrale du pays. Il en était en principe la conscience. C'est à ce niveau de la conscience que pouvait commencer une réforme du système par une véritable révolution culturelle à l'intérieur du Parti. A une étape de l'histoire de l'Union Soviétique (où le niveau de culture de la majeure partie de la population, et les exploits de ses chercheurs et de ses savants qui avaient, en certains domaines, de la médecine à l'exploration spatiale, mis l'URSS à égalité avec les plus grands), l'heure était venue d'une inversion radicale de la conception même du Parti ; toutes les directives ne viendraient plus d'en haut, mais émaneraient au contraire des communautés de base (soviets -- c'est à dire conseils de paysans, d'ouvriers, d'artistes, de savants, de chercheurs en tous domaines), pour que l'initiative de construire un avenir proprement socialiste puise constamment son inspiration dans les expériences de ceux qui sont directement aux prises avec le réel et entendent en contrôler l'évolution.
Cette erreur fondamentale de ne pas commencer par une mutation radical du Parti (et non de l'économie) conduisit à la débacle.
L'Union Soviétique s'est effondrée précisément parce qu'elle n'a tenu aucun compte de la méthode de Marx et s'est contentée de répéter ses formules : Marx avait dégagé les lois de la croissance du capitalisme anglais au XIXème siècle. Les dirigeants et les soi-disant théoriciens soviétiques ont fait une répétition intégriste et dogmatique des théories de Marx en appliquant à l'Union Soviétique, au XXème siècle, les modèles de croissance du capitalisme anglais au XIXème siècle. Son implosion ne signifie nullement une faillite de Marx, mais une faillite de l'interprétation intégriste de Marx qui a conduit à imiter les méthodes de croissance du capitalisme qui reposaient sur l'exploitation des richesses des 3/4 du monde (appelé le Tiers Monde)
L'Union Soviétique est morte pour avoir trahi Marx et pour avoir adopté le modèle de croissance du capitalisme.
Je suis devenu marxiste parce que Marx n'a créé ni une religion, ni une philosophie mais une méthodologie de l'initiative historique nous permettant de dégager les contradictions d'une époque ou d'une société, et, à partir de cette analyse, de découvrir les moyens capables de les surmonter.
Il y eut deux grands analystes du capitalisme : Adam Smith et Karl Marx. Selon Adam Smith, si chaque individu poursuit son intérêt personnel, l'intérêt général sera réalisé, permettant le bonheur de tous.
Karl Marx qui avait profondément étudié Adam Smith, disait qu'en effet le capitalisme libéral créerait de grandes richesses, mais qu'en même temps il créerait une grande misère des masses et une inégalité croissante. Aujourd'hui où, en Amérique, 1% de la population possède 40 % de la richesse nationale et où, dans le monde, 75 % des ressources naturelles se trouvent dans le Tiers-Monde, mais sont contrôlées et consommées par 25 % de la population mondiale, il est facile de savoir qui avait raison : Adam Smith (répété au XXème siècle par les prétendus libéraux, comme Friedman aux Etats-Unis ou un Raymond Barre (son traducteur en France), ou bien Karl Marx ? La réponse est claire, c'est Karl Marx, et c'est pourquoi je suis resté marxiste car on ne peut rien comprendre à la situation actuelle du monde et à ses inégalités croissantes sans utiliser les méthodes de Marx et non pas celles d'Adam Smith, de Friedman ou de Von Hayek.
Le XXe siècle n'est donc pas la faillite du socialisme de Marx, mais la faillite du modèle de croissance qui a créé de telles inégalités que quarante-cinq millions d'êtres humains (dont treize millions et demi d'enfants -- selon les statistiques de l'UNICEF) meurent chaque année de faim ou de malnutrition. C'est dire que le système actuel de croissance des pays occidentaux (sous la direction des Etats-Unis) coûte au monde l'équivalent de morts d'un Hiroshima tous les deux jours. Quarante fois, chaque année, ce qu'a couté Auschwitz par an.
Je répète : un Hiroshima tous les deux jours. Quarante Auschwitz par an.
On ne saurait imaginer une gestion plus désastreuse de la planète sous la domination du pire ennemi de l'humanité : les dirigeants américains, de Reagan à Clinton, qui sont, avec leurs mercenaires israéliens et anglais, les pires terroristes du monde. Alors que, dans un langage commun à Hitler, à Clinton et à Netanyahou, l'on appelle terroristes les résistants à une occupation étrangère.
L'inversion du rêve initial de Marx et des militants d'Octobre 1917, découlaient de conditions objectives (comme autrefois la dégénérescence de l'idéal des Lumières et de 1789, en Terreur jacobine, en pourrissement du Directoire et finalement en dictature napoléonienne La France en sortit moralement désorientée par la Restauration avec ses régressions sociales, ses inégalités aggravées (comme la Russie d'aujourd'hui après la Restauration du capitalisme.)
Les principales dérives venaient d'abord d'une interférence constante entre les problèmes de la construction du socialisme et ceux du développement, du fait que le socialisme ne succédait pas à un capitalisme pleinement développé comme l'avait conçu Marx, mais d'un capitalisme retardataire, celui de la Russie. L'intervention extérieure et l'état de siège des pays capitalistes rendit la situation plus complexe encore.
Winston Churchill se flattera, dans son livre : The World Crisis (Londres 1929) d'avoir organisé contre la République des Soviets, "une croisade de 14 Etats ".
Le chiffre 14 évoque celui des 14 armées que l'Europe fit converger, en 1792, sous les ordres du Duc de Brunschwig, pour écraser Paris et la Révolution française. En France, Clémenceau déclare qu'il faut pratiquer à l'égard de la Russie rouge : "une politique du fil de fer barbelé".
Churchill, plus offensif encore, ajoute : "établir un cordon sanitaire et foncer sur Moscou."
Ce boycott affamera (Les affamés de la Volga auxquels Anatole France envoyait son Prix Nobel) le peuple russe. Enfin, résister à l'encerclement, au surarmement, et à la menace permanente de l'environnement haineux des dirigeants des pays Nantis, exigea une politique d'armement à outrance : Staline disait, en 1930, au XVI ème Congrès du Parti bolchevik : "Il nous faut 17 millions de tonnes d'acier.... nous devons combler ce retard en 10 ans ou ils nous écraseront."
Cet objectif fut atteint en 1941, à un coût humain effroyable pour le peuple soviétique. Mais, s'il ne l'eût pas été, qui aurait brisé l'armée nazie à Stalingrad ?
Il est vrai que cette politique féroce conduisit à une militarisation qui amena l'économie au chaos et les hommes au cachot.
L'ensemble de ces contradictions internes et des théorisations intégristes des dirigeants conduisit à l'implosion du système.

 

La première guerre, épuisant l'Europe, a fait des Etats-Unis une grande puissance économique.
La deuxième guerre mondiale fut la plus belle affaire des Etats-Unis : fournisseur de l'Europe, puis, dans une Europe une nouvelle fois exsangue, extraordinaire prêteur et investisseur, son potentiel économique a augmenté de 40 % grâce à cette deuxième guerre mondiale, et de 7 % encore avec la guerre de Corée.
Vertigineuse tentation, aujourd'hui, lorsqu'à la fois s'effondrent, à l'Est, les possibilités de résistance, et que les anciennes puissances coloniales autrefois rivales, l'Angleterre et la France, -- du moins leurs dirigeants -- se résignent aux rôles de supplétifs de l'armée américaine dans des entreprises n'opposant plus désormais l'Est et l'Ouest mais le Nord et le Sud.
Ainsi semble s'ouvrir l'ère d'un déchirement nouveau de la planète entre un Occident coalisé, du Pacifique à l'Oural, pour perpétuer l'hégémonie du Nord contre le Sud.
La guerre du Golfe fut le prélude annonciateur de ce danger de guerre des mondes. Le dévoilement progressif des objectifs de guerre des Etats-Unis est révélateur : invoquant d'abord, la défense du droit international, invariablement oubliée jùsque là pour toute invasion, il n'a pu échapper qu'aux naïfs, trompés par les médias, qu'il s'agissait d'une guerre du pétrole, principe de toute croissance à l'occidentale.
Puis l'objectif véritable fut avoué : détruire la puissance de l'Irak, seul pays du Tiers-Monde possédant peut être les moyens de faire obstacle aux visées hégémoniques de l'Occident et d'Israël au Moyen -- Orient.
Il s'agissait d'une véritable guerre coloniale.
Le peuple irakien, par la guerre économique que lui livraient les émirs du Koweit (téléguidés par les Etats-Unis), était privé, avec 7 dollars de moins par baril de pétrole, de la moitié de son budget et voué à la faillite.
Mais la faiblesse politique de Sadam Hussein tombant à deux reprises (par l'invasion de l'Iran et pour l'opération au Koweit) dans le piége américain, a offert au complexe mllitaro- industriel le prétexte idéal pour une lntervention massive préparée depuis un tiers de siècle (depuis le projet de nationalisation des pétroles par Mossadegh en Iran)
Reçu par Saddam Hussein à Bagdad, le 5 décembre 1990 j'ai essayé, pendant deux heures d'entretien, en présence de deux de ses ministres et de deux généraux de son Etat-Major, de le convaincre de deux choses : d'abord qu'il n'y avait aucune symétrie entre lui et les Américains. A sa frontière il y a une armée, et, chez lui, un peuple. Peut-être peut-il faire quelque mal à cette armée (hypothèse qui ne s'est pas réalisée), mais cette armée peut faire beaucoup de mal à son peuple. J'en concluais qu'il devrait accepter de retirer du Koweit son armée, à condition qu'elle soit relevée par des contingents arabes de pays demeurés neutres, comme l'Algérie ou la Tunisie, afin de préparer un referendum de tous les habitants du Koweit (immigrés et autochtones). Il me rappela ses propositions du 12 août : l'Irak se retirera du Koweit si toutes les décisions des Nations-Unies sont appliquées (par exemple contre l'annexion de Jérusalem-Est, condamnée par toutes les nations, y compris par les Etats-Unis). Sa suggestion était parfaitement justifiée. Mais la méthode employée : l'occupation militaire, donnait un prétexte aux prétendus soldats de droit pour détruire un peuple.
Depuis la fin du Mandat britannique sur l'Irak (1930) les compagnies pétrolières occidentales (unies dans Irak petroleum) disposaient de 94 % du territoire Irakien. Lorsque la révolution irakienne du général Kassem décida de leur retirer ces concessions, la menace d'une intervention militaire anglaise, en 1961, imposa l'indépendance du Koweit, et son entrée aux Nations Unies en 1963.
L'émir du Koweit était dès lors chargé, par ses maîtres occidentaux, d'appliquer au pétrole (par exemple en inondant les marchés) la règle des échanges inégaux caractéristique du système colonial : faire baisser les prix des matières premières.
L'invasion du Golfe par les Etats-Unis et leurs vassaux, en 1990, renouvelle, à une échelle très supérieure, l'opération coloniale de 1961.
Les occidentaux appellent libération du Koweit le retour, dans les fourgons de l'armée américaine, de leurs prête-noms serviles et milliardaires. Le Koweit est, en effet, libéré de toute entrave à la spéculation financière la plus cynique, libéré de toute limite aux exactions de ses privilégiés corrompus. La ruée des grands rapaces coloniaux pour arracher des contrats et des parts de marché fait rage. Les entreprises américaines raflent, auprès des émirs revenus de leur Coblentz, la part du lion. Les autres se partagent les bas-morceaux en proportion des effectifs qu'ils ont engagés dans l'invasion, du rôle pris par les pétroliers et les multinationales dans le déploiement militaire qui a permis la restauration de leurs privilèges.
Comme tous les colonialismes, à travers les mensonges sur la guerre propre, chirurgicale, aseptisée, les américains ont livré à l'Irak une guerre totale avec les moyens techniques les plus sadiquement sophistiqués: une barbarie informatisée présentée comme un jeu électronique, avec des cibles dont on ne voit jamais les victimes déchiquetées. On ne comptabilise que les morts américains ou israéliens. Les autres ne comptent pas.
Comme autrefois le colonialisme espagnol réalisait le génocide des indiens d'Amérique par la supériorité technique de l'arme à feu, comme les colonialistes anglais utilisaient les armes automatiques pour massacrer au Soudan les hommes du Mahdi, comme Mussolini employait contre les éthiopiens les balles dum-dum destinées aux fauves, les américains expérimentent aujourd'hui les missiles guidés au laser, les bombes à dépression qui font éclater les poumons sur plusieurs kilomètres, et d'autres armes de destruction massive.
Le rapport entre le nombre de morts de l'armée coloniale et celui du pays envahi est toujours du même ordre de 1 pour mille, en raison de la supériorité technologique. Il en fut ainsi pour les Espagnols et les Indiens, pour les Anglais en Inde, pour les Américains au Viet-Nam, pour les Français en Afrique Noire et en Algérie.
Le commandement américain se vantait, lors du cessez le feu, le 28 février 1991, d'avoir déversé, en quarante jours, 100 000 tonnes d'explosifs sur l'Irak, c'est dire l'équivalent de plus de 4 Hiroshimas.
La tentative de maintenir par la force ce système post-colonial dans lequel l'Occident, avec un cinquième de la population mondiale, contrôle et consomme 80 % des ressources, et où sa croissance implique ainsi le sous-développement du reste du monde, conduirait à une véritable guerre de Cent ans entre le Nord et le Sud. Le Tiers Monde ne pouvant se laisser détruire et le monde riche se vouant à une crise sans issue en ruinant ses clients par la faillite et la famine. Les statistisques des Nations Unies nous apprennent que, dans le Tiers-Monde, par le jeu des échanges inégaux et de la dette, plus de 45 milllons d'êtres humains meurent chaque année de faim ou de malnutrition. L'ordre colonial et le droit qui le perpétue, imposent au Tiers Monde l'équivalent de quarante Auschwitz par an. La Crucifixion banalisée à l'échelle des multitudes.
Le dirigeant syndicaliste brésilien Lula écrit : "la troisième guerre mondiale est déjà commencée. Une guerre silencieuse mais qui n'en est pas moins sinistre.... Au lieu de soldats, ce sont des enfants qui meurent, au lieu de millions de blessés, des millions de chômeurs, au lieu de destruction de ponts, ce sont des fermetures d'usines, d'écoles, d'hopitaux.... C'est une guerre déclarée par les EtatsUnis contre le continent américain et tout le Tiers Monde."
La guerre du Golfe fut seulement une expression plus sauvage de cette guerre permanente.
Telle est l'ampleur de la défaite de l'homme masquée par le plus puissant lavage de cerveaux de millions d'hommes réalisé par le matraquage médiatique : l'on a présenté comme une victoire de la civilisation contre la barbarie l'instauration d'un ordre du monde où l'hégémonie militaire appartient à une societé qui porte tous les stigmates de la décadence.
Nous voici ramenés au temps de la décadence de la République romaine et de l'instauration d'un Empire romain, avec une polarisation croissante de la richesse et de la misère: Rome comptait alors 320 000 sans emplois. Les 6 plus grands propriétaires d'Afrique, au temps de Néron, possédaient la moitié des terres de cette province, comme aujourd'hui, aux Etats-Unis, 5 % des américains détiennent 90 % de la richesse nationale. Les légions faisaient peser leur joug de l'Atlantique à l'Asie.
Nous vivons une nouvelle fois une époque de pourrissement de l'histoire, caractérisée par la domination technique et militaire écrasante d'un empire qui n'est porteur d'aucun projet humain capable de donner un sens à la vie et à l'histoire.
Il fallut trois cents ans de révoltes larvaires, et surtout la formation de communautés autonomes d'un type nouveau échappant peu à peu aux tentacules de la pieuvre, pour que se crée un nouveau tissu social.
Cette naissance d'un monde humain, à partir de la préhistoire bestiale que nous continuons à vivre sous le signe de la barbarie informatisée, ne pourra naître que d'une prise de conscience, à l'échelle des peuples, de la malfaisance de ce monothéisme du marché et de ses sanglants prophètes.
Le fait que la manipulation médiatique et surtout la télévision puisse donner à 200 millions d'hommes (dont 30 millions vivent pourtant a un niveau infra-humain) la bonne conscience d'être ce qu'il y a de meilleur au monde, digne d'en être à la fois le modèle et le gendarme, sont les signes profonds de cette décadence qui s'exprime, au niveau individuel, par le crime.
Les statistiques de la police nous révèlent qu'à New-York toutes les 3 heures, une femme est violée, toutes les 2 heures un homme assassiné, toutes les 30 secondes un attentat commis. L'Amérique détient le record des suicides d'adolescents comme de la criminalité et compte 20 millions de drogués.
Tel est le mode de vie américain de nos moralistes au moment où Mr Bush organise des prières pour sa croisade du pétrole.
Ce mode de vie est celui de l'exaltation de l'argent et de la violence. Cette culture de l'inhumain est exportée dans le monde entier par les films américains. Ceux de la violence répressive des polars avec leurs cascades de coups de révolvers ; ceux de la violence raciste des westerns exaltant la chasse à l'indien ; ceux de la violence-spectacle des films d'épouvante.
Telle est la puissance qui détient l'empire du monde.
Aujourd'hui c'est le principe même du système : le monothéisme du marché (c'est à dire l'argent) comme seul régulateur de toutes les relations sociales (de l'économie à la politique et de l'art à la morale) qui est la plus grande défaite de l'homme.
Cette guerre coloniale et l'embargo assassin qui la perpétue, a servi de révélateur de la responsabilité des dirigeants et de la caducité des institutions, permettant ainsi de distinguer clairement ce que le Président Bush appelle : le nouvel ordre international (qui serait le maintien et le renforcement, dans le monde, du statu-quo colonial sous hégémonie américaine), d'un véritable nouvel ordre international qui en est le contraire.

 


Ce texte est extrait du livre de Roger Garaudy  L'Avenir: mode d'emploi, Ed. Vent du Large, 1998

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Libellés : Roger Garaudy

 

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Les pièges de la modernité-3ème partie

10 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #divers

Les pièges de la modernité

assurées d’obtenir ces avantages à la suite d’une rupture conjugale. Il leur suffit de porter des allégations de violence conjugale envers leur exconjoint.

Il est impérieux de soustraire des tribunaux les décisions relatives aux modalités d’exercice de la parentalité à la suite d’une rupture conjugale. Le système en vigueur est le pire système qu’il soit possible d’imaginer pour les justiciables. Il ne comporte d’avantages que pour les juristes qui en profitent pour piller le patrimoine des familles. Il existe dans d’autres sociétés des modèles supérieurs dont on pourrait s’inspirer.

Dans le cas où les parents sont inaptes à s’occuper de leur enfant le système prévoit confier le soin à une autorité judiciaire le soin de décider du sort de l’enfant. C’est un système inadéquat dont les conséquences sont trop souvent catastrophiques. Il existe d’autres façons de faire les choses comme la formation d’un comité de pairs chargés de prendre des décisions dans le meilleur intérêt de l’enfant. Il serait intéressant de chercher à améliorer les habiletés parentales des parents qui sont jugés inadéquats afin de mieux les équiper à jouer leur rôle.

e.

Favoriser les contacts avec les migrants

La panique qui entoure la notion d’accommodements accordés aux groupes ethniques est motivée par la peur et par l’arabophobie qui caractérisent l’époque que nous vivons. Cette peur estelle justifiée? Personne ne saurait le prédire. Il est cependant certain que de meilleurs contacts avec l’Autrui comporte des avantages. On craint moins celui qu’on connaît et celui qui nous connaît serait moins enclin à nous agresser si c’était son intention éventuelle. La question est de savoir comment on peut favoriser les échanges entre les civilisations qui cohabitent.

Le lieu d’exercice de la parole citoyenne qui est mentionné plus haut (Moins de gouvernement) est une excellente occasion d’entrer en contact avec ceux qui habitent la même communauté et avec qui, faute d’occasions, on a peu l’occasion de communiquer.

Il serait intéressant de connaître le point de vue des migrants sur le paysage télévisuel qu’on lui présente. Il y a bien sûr souvent un étranger de service mais nous doutons que les migrants s’y retrouvent dans le tissu idéologique qu’on lui présente. Une plus grande diversité culturelle et idéologique permettrait au téléspectateur de se familiariser avec la réalité des migrants.

f.

Favoriser la diversité

Il n’est pas souhaitable de tenter ni de policer ni de réprimer les usages des migrants. Il est certain qu’une telle attitude n’aurait d’autre effet que de créer un antagonisme entre la société réputée être celle qui accueille et les membres des groupes qui seraient ainsi mal accueillis. Nous croyons qu’avec le temps les coutumes cessent de choquer comme nous croyons que les usages spécifiques de ceux qui ont migré devraient trouver leur place dans le tissu social au cours des générations suivantes.

Notre société s’enrichit de la diversité des migrants à qui on ne peut légitimement reprocher d’avoir une culture différente de la nôtre. À défaut de maintenir un taux de natalité qui assure la croissance de la population il faut accepter les migrants et la différence qu’ils apportent avec eux. Si on accepte le fait que les valeurs de la modernité sont largement responsables de la baisse de la fécondité il faudrait ajuster nos valeurs pour qu’elles comptent de meilleures chances d’assurer la pérennité de la civilisation que nous entendons léguer aux descendants de nos civilisations conjuguées.

Si notre préférence pour les valeurs de la modernité et la dénatalité qui en découlent provoquent l’étiolement de notre civilisation il serait illégitime d’exiger de ceux qui prennent la relève qu’ils nient leur propre identité culturelle. 11

Les pièges de la modernité

L’introduction de groupes culturels qui adhèrent à des valeurs traditionnelles bouscule notre attachement pour les valeurs de la modernité. C’est tant mieux. Le métissage avec des visions différentes des réalités offre des possibilités que nous ne pouvons nous permettre de refuser.

g.

Ouvrir les chartes des droits et libertés

Nos gouvernements doivent avoir le courage de rouvrir les chartes des droits et libertés Canadienne et Québécoise pour rééquilibrer les droits et libertés individuels et collectifs et replacer ces droits pour que l’un n’ait pas suprématie sur l’autre.

12

Les pièges de la modernité

Annexe

Disparaître!

Mario Roy

La Presse

Non, le titre cihaut ne fait pas allusion à la télésérie documentaire de Lise Payette, diffusée il y a quelques années, prévoyant la lente disparition de la nation québécoise. Lʹaffaire est plus globale. Cʹest la disparition de lʹespèce humaine dont on parle, un soulagement que certains appellent de tous leurs voeux. Yves Paccalet, philosophe, écologiste et exmembre de lʹéquipe Cousteau, sʹécrie ainsi: LʹHumanité disparaîtra, bon débarras!, un petit ouvrage grinçant quʹil faut prendre au deuxième degré.

Cependant, dans ce retentissant procès pour «naturicide» que subit dorénavant lʹêtre humain, il est rarement question de deuxième degré.

Samedi dernier, La Presse exposait la théorie dʹun professeur américain, Paul Weisman, lequel préconise une réduction draconienne des effectifs humains par le biais dʹune dénatalité imposée. Ce serait la méthode douce, pour ainsi dire, afin dʹen arriver à amoindrir la nuisance que notre existence impose à lʹécosystème. LʹONG britannique Optimum Population Trust est modérée, elle aussi, lorsquʹelle calcule que chaque bébé en moins épargnera à la planète 750 tonnes de gaz à effet de serre, qui valent plus ou moins 65 000$ à la bourse du carbone. Idem pour la cinéaste américaine Nina Paley dont le court métrage dʹanimation The Stork montre des escadrilles de cigognes lâchant des bébés comme un avion lâche des bombes, des bébés qui tuent lʹarbre, lʹantilope et le chevreuil

Mais tout ça ne représente que la pointe de lʹiceberg celui qui nʹa pas encore fondu, évidemment...

Car, depuis des décennies dans les milieux de lʹécologie profonde, et aujourdʹhui sur Internet, la nécessité de la disparition ou de la quasidisparition de lʹespèce humaine est lʹobjet dʹexposés aussi lumineux que surréalistes.

Seul le «comment» est en général escamoté encore que la possibilité de promouvoir activement le suicide collectif, la guerre, lʹépidémie, la famine, fasse lʹobjet de débats dont le sérieux glace dʹeffroi. Suicide? Pas efficace dʹun point de vue environnemental, signale ainsi le Mouvement pour lʹextinction volontaire de lʹhumanité, qui constate tristement: «Augmenter la mort a historiquement augmenté la natalité». Guerre ou meurtre de masse? «Les résultats ne sont que temporaires (et) ce nʹest pas pratique», remarquent ces mêmes humanistes. Lʹactiviste américain Chris Korda, caricature vivante des vendeurs dʹapocalypse, propagandiste de la mort de lʹHomme par tous les moyens, se vantait dʹavoir fondé «la seule religion antihumaine» de lʹHistoire!

En somme, vaut toujours mieux la mort que le péché, comme des millénaires de délire religieux nous lʹont enfoncé dans le crâne.

Il ne faut pas dire que tout ça est fou à lier. Ça ne lʹest pas, justement. Si lʹêtre humain nʹest quʹune espèce vivante parmi les autres, en effet, et sʹil existe un grand Tout, nature ou dieu, devant lequel il faut se prosterner, il nʹy a pas de raison pour tolérer que lʹHomme vienne bousiller cet admirable organigramme cosmique. 13

Les pièges de la modernité

Il nʹest pas indiqué non plus de classer lʹaffaire comme marginale: la propagande de Korda, par exemple, a été relayée par à peu près tous les grands médias de la planète, du Der Spiegel au New York Post.

Il faut au contraire bien noter encore une fois que, comme toutes les idéologies, lʹécologisme peut devenir religion. Ne pas se laisser entraîner sur la pente glissante de la vertu. Et remarquer en lʹoccurrence que la courbe de croissance de la population mondiale sʹaplatit déjà bel et bien, de sorte que celleci plafonnera à 10 milliards dʹindividus dans quatre décennies. Cette baisse dʹenthousiasme pour la procréation se produit infailliblement là où la sale bête humaine jouit du développement et de lʹélévation du niveau de vie.

Or, ce sont des concepts qui, estil utile de le rappeler, nʹont pas la cote chez les adorateurs de Gaïa.

14

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les pièges de la modernité-2ème partie.

10 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #divers

les pièges de la modernité

Dans la modernité on ne se marie plus, la durée moyenne des unions conjugales est en baisse et l’amour ne se définit plus soit en en fonction du sentiment qu’on éprouve envers autrui ou en fonction de la valeur que je accorde à cet autrui. L’engagement est une valeur surannée qu’il est préférable de n’évoquer que dans la sphère privée.

k.

L’égalité pour les femmes

La modernité a introduit la notion paradoxale d‘égalité pour les femmes. Elle s’oppose à celle d’égalité réciproque entre les hommes et les femmes. La notion d’égalité pour les femmes pose l’hypothèse que les hommes formeraient entre eux un groupe opposé à un groupe que formeraient entre elles les femmes. En raison d’un principe appelé le Patriarcat le groupe des hommes bénéficierait d’un indice de bonheur supérieur à celui des femmes. En conséquence de ceci il faudrait accorder sans cesse plus de privilèges et de ressources aux femmes, des privilèges et des ressources qui sont refusés aux hommes puisque les hommes seraient « suffisamment avantagés1 ».

N’estil pas inquiétant que l’élaboration des politiques visant l’établissement de l’égalité entre les femmes et les hommes ait été confiée à des organismes fémicentristes comme le Secrétariat à la Condition féminine, le Conseil du statut de la femme, le Conseil des montréalaise, le Conseil de la Famille et de l’enfance ou Condition féminine Canada? Il en résulte une situation incohérente qui rappelle celle de l’Apartheid ou les politiques gouvernementales s’appliquent différemment selon le sexe des individus et où les tribunaux appliquent les lois différemment selon le sexe du justiciable.

Pour ne citer qu’un seul exemple citons la Politique d’intervention en matière de violence conjugale. Elle permet à toute femme qui le juge opportun de faire arrêter son conjoint et de l’évincer à la fois de son domicile et de la vie de ses enfants. Puisque la situation réciproque ne s’applique pas la notion de violence conjugale a été remplacée par la notion de violence faite aux femmes et qui soustends que les femmes sont victimes et les hommes violents. Une situation jugée inacceptable quand c’est une femme qui la subit n’inquiète, personne ne s’en préoccupe quand elle est infligée à un homme.

Les politiques gouvernementales réputées favoriser l’égalité pour les femmes ont un effet dévastateur sur la santé de l’institution conjugale et sur les familles qui en dépendent. La situation serait grandement améliorée en remplaçant la notion d’égalité pour les femmes par celle d’égalité réciproque des sexes.

La notion d’aménagement raisonnable est introduite dans les Chartes afin de permettre des dérogations aux droits que ces chartes garantissent. Les chartes garantissent l’égalité entre les femmes et les hommes alors que la notion d’égalité pour les femmes découle d’un aménagement jugé raisonnable à l’époque où elle avait été introduite. L’usage veut qu’on attribue à la présente Commission le mandat de définir la nature des aménagements raisonnables dans la sphère de la religion. Nous invitons les commissaires à s’interroger aussi sur la pertinence des aménagements consentis au chapitre de l’égalité réciproque entre les femmes et les hommes.

1 Le maire de Montréal Gérald Tremblay au Conseil municipal alors qu’il était interrogé sur la pertinence de continuer de financer le Conseil des Montréalaise un lobby fémicentriste.

6

Les pièges de la modernité

l.

La modernité comporte les caractéristiques d’une religion

La modernité du peuple Québéçois, prônée par une élite dominante veut que la société Québécoise soit laïque et existentialiste.

La philosophie existentialiste prône la totale liberté des hommes de ne pas suivre les dogmes religieux ni de (ne) vénérer aucune divinité et dʹêtre leur propre dieu ; en ce sens, se rapproche de lʹathéïsme.

Il nʹexiste pas de vénération dans le culte de l’existentialisme. Dans cette idéologie lʹhomme est son propre dieu et il ne vénère personne. L’existentialiste considère toute religion comme un asservissement dʹhomme à homme par icônes interposées, poussant sur le terreau du besoin de croire humain

3.

Réunir les conditions qui favorisent le métissage

Il faut comprendre que la xénophobie accompagne l’arrivée massive de migrants. Cette migration est d’autant nécessaire que notre choix pour les valeurs de la modernité est incompatible avec le maintient d’institutions familiales stables et d’une natalité qui permette d’assurer le maintient de la civilisation dont nous avons hérité. Nous ne pouvons qu’assumer ce choix et ses conséquences. Pour qu’elle survive la civilisation que nous laissons aux générations futures ne peut qu’être le fruit du métissage. Il faut le reconnaître et favoriser les conditions qui favorisent ce métissage. Le choix de la modernité est un choix que nous avons fait. La nature de l’accueil des migrants est la conséquence de ce choix qu’il faut assumer.

Les difficultés que connaissent les migrants à s’adapter à leur civilisation d’accueil sont certainement supérieures à celles que nous connaissons à nous adapter à leur venue. Les difficultés des deux groupes seront exacerbées ou atténuées selon la qualité de notre d’accueil. La qualité de notre d’accueil déterminera si les migrants formeront ou non entre eux des sociétés étanches. Avec le rétrécissement prévisible du nombre de nos descendants non métissés nous ne pouvons nous permettre de faillir à intégrer les migrants à la société d’accueil. La politique canadienne du multiculturalisme ne favorise pas les conditions du métissage souhaitées. Si nous devions omettre d’intégrer adéquatement les migrants ce sont ceux de nos descendants qui adhèrent aux valeurs de la modernité qui pourraient un jour se retrouver en situation minoritaire.

Nous devons cesser de prétendre comme on l’a fait lors des audiences de la commission que la migration vers le Québec est un privilège réversible accordé aux migrants. C’est aussi une nécessité, un privilège accordé à la société d’accueil qui a fait des choix dont la dénatalité est la conséquence.

Il faudrait rappeler à ceux qui l’auraient oublié et annoncer à ceux qui ne l’ont pas encore compris que nous sommes apparentés aux migrants par notre descendance commune qui nous considèrera également comme leurs ancêtres. Nous avons la responsabilité envers notre descendance de favoriser le métissage souhaitable comme nous avons la responsabilité de remplir la mission que nous avaient confiée nos ancêtres de transmettre et de perpétuer leur lignée.

L’arabophobie qui a cours à notre époque prend racine dans la peur que les Musulmans préparent une éventuelle guerre contre l’Occident. Bien qu’une telle éventualité soit possible c’est un risque qu’on ne peut que choisir d’assumer. Si on devait choisir de tenter de nous en protéger nous serions placés dans une position où nous serions incapables d’accueillir adéquatement les migrants. C’est une possibilité que nous ne pouvons nous permettre. 7

Les pièges de la modernité

Il faut aussi comprendre que les communautés migrantes n’ont pas toutes une capacité égale à s’intégrer. On ne peut faire abstraction que certains groupes sont réfractaires au métissage. C’est le cas, chacun pour des raisons différentes, de membres des communautés Chinoises, Juives et musulmanes.

Les services d’immigration ne peuvent omettre de prévoir qu’en omettant d’équilibrer le nombre de migrants pour que les groupes réfractaires au métissage demeurent minoritaires nos descendants pourraient ne plus pouvoir défendre leurs valeurs.

4.

Refuser le piège de la modernité intégriste

Même les valeurs de la modernité, quand elles sont défendues avec rectitude deviennent un intégrisme. Il faut accepter d’y jeter un regard critique pour discerner ce qui devrait être aménagé pour le bénéfice collectif.

S’il n’existe aucune autre façon de démontrer que les valeurs de la modernité puissent être perfectibles on ne pourrait refuser de remarquer la précarité de l’institution familiale dans la société Québécoise moderne. Avec le rejet des valeurs religieuses qui a coïncidé avec la Révolution tranquille la société québécoise a confié à ses institutions civiles le mandat d’assurer le bienêtre de chacun.

La différence fondamentale entre les deux modèles, celui de la société traditionnelle et celui de la société moderne tient au fait que dans la société traditionnelle chacun a le devoir de participer à un projet commun sous l’autorité soit de Dieu, soit du souverain, soit d’un leader de la communauté. Dans la société moderne, par contre, chacun est à son propre service alors que les institutions civiles sont laissées à elles même et trop souvent mises au service des intérêts des classes qui les contrôlent. Ni l’un ni l’autre des deux modèles n’offre de perspectives reluisantes à long terme. On ne peut que craindre que les institutions civiles puissent un jour tomber sous le contrôle d’un intégrisme qui rejette les valeurs de la modernité.

Il faut inventer un nouveau modèle dans lequel les citoyens pourront exercer leur souveraineté dans un contexte où l’intérêt collectif est l’enjeu dominant. Il s’agit ici, bien sûr, d’un projet politique qui dépasse largement le mandat de la Commission. Il faut comprendre qu’un tel projet n’est pas le fait des institutions politiques existantes. Les membres de la Commission devraient profiter du privilège qui leur est offert pour proposer des pistes qui permettent de dénouer l’impasse vers laquelle les valeurs de la modernité ne peut que mener les générations qui nous succèdent.

Conclusion

Le présent exercice ne peut qu’être déterminant pour la suite de la civilisation à laquelle nous participons et que nous nous préparons à laisser aux générations qui prennent la relève. Si des accommodements sont nécessaires envers les communautés qui adhèrent à des valeurs traditionnelles d’autres sont nécessaires pour contrer l’application intégriste des valeurs de la modernité exercée par la société d’accueil ellemême.

Les aménagements souhaitables envers la modernité ne nécessitent rien de plus qu’une application cohérente de ces valeurs. La cohérence souhaitable comporte l’avantage de renforcer la santé de l’institution familiale et favorise le principe d’égalité entre les femmes et les hommes. La conséquence de cette recherche de cohérence favorise l’intégration des groupes sociaux qui adhèrent à des valeurs traditionnelles et favorisera le métissage entre les communautés qui assurera la survie de nos lignées respectives. 8

Les pièges de la modernité

Ces valeurs si elles devaient perpétuer pourraient constituer un obstacle pour les générations suivantes.

Recommandations

a.

Moins de gouvernement

En s’immisçant dans trop d’aspects de la vie du citoyen l’État retire à l’individu la responsabilité sur les affaires de la cité. Le processus par lequel l’État doit se faire plus discret, moins totalitaire, ne peut prendre place sans l’instauration de mécanismes qui favorisent l’exercice de la souveraineté citoyenne. Dans la situation actuelle cette souveraineté est réputée être exercée de manière médiate par de multiples élus qui l’utilisent sans jamais devoir rendre de comptes autrement qu’au moment de solliciter le renouvellement de leur mandat.

Il est arrivé que des citoyens tentent d’instaurer un lieu de parole où les élus et les citoyens auraient pu échanger. L’expérience a démontré que les élus refusent d’y participer préférant inviter les citoyens soit à les rencontrer individuellement derrière les portes closes de leur bureau de comté ou dans la salle du Conseil municipal où la parole citoyenne est sévèrement contrôlée.

Afin de faciliter l’exercice de la parole citoyenne nous souhaitons que ceux qui le désirent puissent emprunter des locaux où ils pourront inviter au dialogue les élus et tous les citoyens que la chose publique préoccupe. L’événement n’a pas besoin d’être organisé par l’État et les élus n’ont pas à être contraints d’y participer. Il ne suffit que de rendre des locaux disponibles. Il serait aussi souhaitable que, par le truchement des médias la population sachent que l’organisation d’un lieu où la parole citoyenne est immédiate est possible et encouragée.

b.

Égalité réciproque des sexes

La notion que l’égalité entre les femmes et les hommes puisse découler de politiques favorisant l’égalité pour les femmes plutôt que de politiques favorisant l’égalité réciproque des sexes est un accommodement. Il a permis l’établissement d’institutions gouvernementales et l’établissement de politiques qui permet de contrevenir au principe d’égalité entre les femmes et les hommes que garantissent les chartes. Il est convenu que les aménagements, pour qu’ils soient acceptables, ne peuvent induire de discrimination envers d’autres groupes. Ce n’est pas le cas ici. Il a été maintes fois démontré que les politiques découlant du féminisme d’État sont essentiellement destinées à favoriser L’accumulation de privilèges et de ressources accordées aux femmes et au Pouvoir féminin alors que ces privilèges et ces ressources sont refusés aux hommes et contreviennent parfois à leur statut de citoyen.

La Commission doit marquer la fin des accommodements qui favorisent l’égalité pour les femmes et faire une déclaration au sujet de la notion de l’égalité réciproque des sexes. En conséquence de cette déclaration il faut abolir tous les organismes gouvernementaux afférents et cesser de financer la nuée d’organismes communautaires qui prétendent favoriser l’égalité pour les femmes.

Il faut cesser d’appliquer de manière sexiste le protocole d’intervention en matière de violence conjugale.

Une guerre civile est une lutte entre groupes d’un même État. Selon cette définition la guerre des sexes qui fait rage actuellement est une guerre civile. À défaut de savoir y mettre fin il faut que l’État cesse d’y prendre part. 9

Les pièges de la modernité

Il faut que ceux qui font de fausses allégations de violence conjugale dans le but d’en tirer un avantage soient accusés pour le méfait public dont ils se sont rendus coupables comme le sont tous les citoyens qui se rendent coupables d’un crime semblable.

c.

Les mutilations génitales

Les mutilations génitales, quand c’est une fille ou une femme qui les subit, sont interdites alors qu’elles sont permises quand c’est un garçon ou un homme qui les subit. La Commission doit s’interroger au sujet de la pertinence de continuer d’autoriser la circoncision qui ne comporte aucun avantage pour le garçon ou l’homme qui la subit et qui comporte souvent des inconvénients et des dangers pour sa santé. Si la Commission devait considérer la pratique de la circoncision comme un accommodement raisonnable il faudrait qu’elle soit disposée à expliquer pourquoi les mutilations génitales sont inacceptables quand c’est une fille ou une femme qui les subit.

d.

Favoriser l’allongement de la durée moyenne des unions conjugales

L’État, en soutenant l’industrie qui prétend protéger les femmes perpétue la superstition voulant que la famille soit nécessairement un espace de violence. Le moindre prétexte devient l’occasion de favoriser une rupture conjugale. Les statistiques diffusées par le Conseil du statut de la femme (CSF) établissent qu’au Québec en 2001 ce sont 263 780 familles où un enfant de moins de 25 ans vit avec un seul de ses parents alors qu’en 1981 ce nombre était de 167 000. Il est étonnant de remarquer que le CSF considère l’augmentation du nombre de ces familles comme une amélioration de la situation qui est désigné comme un indicateur d’égalité.

Si l’État ne faisait que cesser de favoriser les conditions pour inciter l’éclatement des familles ce serait déjà bien. Il est probable que le principe de l’égalité réciproque des sexes mette fin aux industries qui dépendent de l’éclatement des familles pour s’épanouir.

On pourrait aussi considérer l’élaboration d’un système qui favorise l’entraide de ceux qui ont à coeur la durée de l’union conjugale envers laquelle ils sont engagés. Bien qu’un tel système ne doive en aucun cas être confié à l’État on peut imaginer qu’il participe à le favoriser au moyen d’une campagne de publicité gouvernementale et par l’élaboration d’un document à l’intention des participants.

L’environnement légal favorise les ruptures conjugales. Depuis l’instauration du système du divorce par consentement unilatéral l’engagement conjugal n’a plus de sens. Il n’existe aucune autre occurrence où le signataire d’un contrat puisse s’en désister unilatéralement alors qu’il ne trouve que des avantages à son désistement. Cette disposition de la loi devrait être révisée.

Le partage des responsabilités parentales à la suite d’une rupture conjugale avait été recommandé par le Comité mixte spécial pour la garde des enfants qui avait été formé par le gouvernement canadien en 1989. Cette recommandation qui n’avait malheureusement pas eu de suite aurait placé les parents sur un pied d’égalité au moment de négocier les modalités de l’exercice de leur parentalité à la suite d’une rupture conjugale. Cette mesure comporte de nombreux avantages dont celui de favoriser le maintien de la relation de l’enfant avec chacun de ses parents après une rupture conjugale. Il favorise aussi la pérennité de l’union conjugale en répartissant les inconvénients de la rupture conjugale entre les conjoints. Dans les sociétés ou une telle mesure est appliquée on a remarqué un allongement important de la durée moyenne des unions conjugales.

Dans l’état actuel des lois la rupture conjugale comporte d’importants avantages pour celui des exconjoints qui obtient la garde des enfants et les avantages financiers afférents. Les femmes sont 10

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La modernité est terminée

10 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #divers

La modernité est terminée
Bruno Latour, CSI, Ecole des Mines de Paris.

© Le Monde (28 août 1996)
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Il faudrait peut-être faire pour la modernité ce que François Furet a fait pour la Révolution française: montrer comment l'idée de révolution fut active en 1789 mais ne suffit pas à définir le sens des évènements qui s'y déroulèrent. Il semble qu'il en soit de même pour ce "progrès" que Le Monde a pris l'initiative heureuse de mettre en débat. On a longtemps défini la modernité par une flèche du temps bien orientée qui nous arrachait à notre passé archaïque pour nous acheminer vers un avenir plus ou moins radieux. Cet avenir, on le définissait toujours par une séparation plus grande entre, d'une part, les sentiments, les valeurs, et, de l'autre, les trois divinités de l'Efficacité, de la Vérité, de la Rentabilité. Le sentiment du progrès dépendait donc étroitement de la certitude que, plus tard, nous serions enfin capables de distinguer nettement les faits et les valeurs, même si, dans notre passé lointain, nous mêlions encore les deux. La modernisation était à ce prix: "faisons table rase du passé, devenons enfin résolument modernes".

Or, plus personne aujourd'hui ne prononce le mot de "modernisation" sans interrogation, remords, scrupules. On se demande ce que l'on va perdre avant de saisir ce que l'on va gagner. J'ai entendu des agriculteurs qui appelaient "agriculture moderne" celle de leurs parents, et désignaient ainsi une forme dépassée, démodée de productivisme et d'aménagisme. Les post-modernes ont eu raison de s'emparer de ce sentiment. Ils ont senti que la flêche du temps n'allait plus droit. Qu'elle se tordait dans tous les sens et ressemblait davantage à une spaghetti dans un plat de spaghettis qu'à l'escalier du progrès "qui toujours monte et jamais ne descend", comme le dit Péguy dans Clio, la plus belle méditation jamais écrite sur le sens du progrès.

Mais si les post-modernes ont un sentiment juste de ce qui est terminée -la modernisation est nécessaire et elle va droit- ils ne savent comment désigner ce qui commence, ou ce qui, peut-être, n'a jamais fini. C'est à ce point que la solution de Furet peut être utile. Bien que l'idée de progrès ait été efficace, qu'elle ait servi pour choisir certaines combinaisons de facteurs, pour accélérer certains choix techniques ou économiques, elle ne saurait décrire ce qui s'est passé en Europe depuis trois siècles. Les sciences, les techniques, les marchés, n'ont jamais eu l'aspect lisse, objectif, progressif, inhumain, que les Européens ont souhaité leur donner afin de construire leur idée de progrès. Au lieu de nous arracher à un passé archaïque, les sciences et les techniques, nous ont au contraire plongé, toujours davantage, dans une riche matrice anthropologique que Michel Serres, parmi beaucoup d'autres, à magnifiquement décrit. Plus personne n'attend des chercheurs travaillant sur la vache folle qu'ils simplifient enfin pour nous l'incroyable imbroglio qui brasse le marché de la viande, la construction de l'Europe, la structure tridimensionnelle des protéines et l'étal des bouchers. Derrière nous peut-être, dans le passé, nous confondions les faits et les valeurs, les sciences et les politiques, mais devant nous, à coup sur, le noeud qui relie les faits, ce que sont les choses, et les valeurs, ce que veulent les humains, se trouvera plus serré encore, plus indémélable.

Du coup, nous pouvons faire une tout autre hypothèse que celle de "la fin du progrès". Nous n'avons jamais été modernes à la manière dont les modernisateurs l'ont pensé. Nous n'avons jamais avancé vers un surcroît d'efficacité et de rentabilité qui nous éloignerait toujours davantage d'un passé archaïque. De ce fait, nous n'assistons pas à la "fin du progrès", mais seulement à la fin de l'idée de progrès comme seule analyse de l'histoire européenne.

Des peuples qui n'osent plus manger de la viande de peur de devenir fous, qui n'osent plus faire l'amour de peur de se rendre malades, qui n'osent plus presser le bouton d'un aérosol de peur que le ciel ne leur tombe sur la tête, ne sont plus ni modernes, ni post-modernes, ni barbares; ils sont revenus à la commune humanité, à ce que l'anthropologie a toujours décrit chez "les autres". Lorsque l'on se décide à mêler, dans une même vie collective, des sociétés d'humains et une société plus vaste encore d'objets, de prions, de neutrinos, de virus, de puces et de réseaux cablés, il faut "faire gaffe", il faut prendre soin de toutes les connections. L'ancienne idée de progrès, celle que nous avons quitté récemment, permettait de ne plus faire attention, elle libérait de toute prudence, de toute précaution; la nouvelle idée apparaît plutôt comme ce qui oblige à la prudence, au choix sélectif, à un triage minutieux des possibles. Ce qu'Ulrich Beck et Anthony Giddens appellent "la modernité réflexive", ou la "seconde modernité", celle qui commence sous nos yeux et qui rend l'Europe beaucoup plus intéressante que naguère quand elle se croyait naïvement moderne.

Alors que l'ancienne idée de progrès permettait d'échapper aux complications inutiles du passé, voici que la nouvelle nous replonge toujours plus profondément dans les complexités de l'anthropologie classique. En redevenant comme les autres après la fin d'une parenthèse de trois siècles pendant laquelle les Européens se sont crus radicalement différents des "autres", nous ne perdons pas notre âme, nous retrouvons notre humanité. Nous allons enfin comprendre le sens du mot "civilisation" qui ne voudra plus dire "balayer le passé pour se moderniser à l'européenne", mais "trier parmi les possibles" et surtout "rendre la vie invivable aux simplificateurs". La fin de l'idée de progrès n'est que l'effet lointain sur les Européens de cet immense soulèvement de l'Asie qui clôt bien sûr la parenthèse de la modernisation, mais qui ouvre aussi à une négociation, de dimension planétaire, sur la nature d'une vie civilisée. En ne perdant qu'une fausse idée de notre propre histoire, nous contribuerons davantage à celle qui reste à faire qu'en nous désespérant de ne plus voir darder la flêche du temps.

B. Latour



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Quelle fin de la Modernité ?

10 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #divers

révolutionnaires

décembre 1994, Jacques Guigou



1 Ces remarques portent sur quelques uns des présupposés théoriques et politiques qui structurent aujourd'hui les pratiques et les discours d'individus et de groupes issus des gauchismes et de certains courants de l'anarchisme tels qu'ils ont été réactivés en 1968. Nous visons un essai d'explicitation critique partageable par tous et non pas une querelle entre sectes ni moins encore une bataille de positions pour défendre un illusoire camp retranché. Les termes, les expressions ou les courtes phrases mises entre guillemets et non suivis d'une référence explicite à un livre ou à une publication, ne sont pas des citations mais la reformulation de propos ou d'écrits illustrant les modernismes révolutionnaires récents et actuels.

I – Quelle fin de la Modernité ?

2 Que l'époque de la Modernité ait été l'époque de l'Homme, celle du Regnum hominis (cf. Papaïoanou, La consécration de l'histoire ou bien encore Axelos, Systématique ouverte), cela est certain. Que l'humanisme issu de la Renaissance et que la philosophie du sujet issue des Lumières aient fondé le modèle historique de l'individu rationnel, cela ne fait aucun doute. Mais pourquoi donc cette volonté à passer sous silence la réalité essentielle de la Modernité, à savoir sa nature de classe ? Toutes les grandes « émancipations » des temps modernes ont été réalisées par des individus et des groupes qui agissaient comme membres de la classe qui a triomphé de la féodalité. L'individu moderne, c'est le bourgeois : pas sa femme ni ses enfants ni ses domestiques ni ses ouvriers, (cf. L'individu, le sujet, la subjectivité, Temps critiques, n° 6/7, 1993). Ne pas situer cette contemporanéité entre capitalisme et modernité, même si leurs rapports ne se confondent pas selon les périodes économiques du capitalisme considérées (i.e. capitalisme marchand, industriel, financier), et même si certaines luttes anticapitalistes se sont exprimées en affirmant une « ultra-modernité » (cf.Dada ou les Futuristes russes et italiens), un tel « oubli », conduit à ne plus pouvoir qualifier le contenu et les formes des éventuelles luttes anticapitalistes dans la période actuelle de la fin des Temps modernes. Donner « la fin de la misère comme 1' objectif d'un projet révolutionnaire », sans que ni le contenu, ni le sujet historique de cette révolution ne soient définis, laisse entendre qu'existeraient encore un invariant révolutionnaire et un programme de la révolution.

3 Plus précisément, se référer fréquemment à la notion « d'actes révolutionnaires » (en les distinguant du « moment révolutionnaire » et de « l'État révolutionnaire »), n'a plus grand sens aujourd'hui, tant que les révolutions sociales des xixe et xxe siècle ne sont pas revisitées par la théorie critique de l'échec caractérisé de la révolution prolétarienne. Marx, suivant Hegel sur ce jugement, a montré comment la bourgeoisie a été la classe révolutionnaire des Temps modernes ; comment elle est collectivement parvenue à médiatiser la valeur et à se poser comme organisatrice de la domination formelle du capital sur l'ensemble du rapport social. On ne peut qu'ajouter aujourd'hui à cela, à la lumière de l'assimilation de la classe négative par la société entièrement dominée par le capital, que la bourgeoisie a même été la seule classe révolutionnaire de la Modernité. Après 1789 et jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, les révolutions sociales sont faites par les luttes de classes et sont conduites au nom du prolétariat comme sujet historique anticapitaliste. Après Mai 68, dernière réactivation de la révolution prolétarienne comme opérateur du mouvement historique, achève de se décomposer la société de classe, ses institutions et sa culture, alors que se recompose la société des individus-particularisés sous la domination du capital-représenté. Si durant l'époque de la Modernité, toutes les révolutions ont été déterminé par l'antagonisme de classe, cela ne signifie pas pour autant que le prolétariat n'ait pas contribué à fonder certains traits culturels de la modernité, tels que le mode de vie urbain dans la rue (s'opposant au mode de vie domestique dans les hôtels privés de la bourgeoisie) ou bien encore la familiarisation précoce des garçons à l'univers technique. Il n'en est plus de même depuis « la crise » ouverte par 68 ; crise qui peut, en effet, être définie comme la fin des Temps modernes et la rupture avec les modèles progressistes, déterministes et positivistes des xviiie et xixesiècles. Peut-on encore parler aujourd'hui de « moment révolutionnaire » ou « d'actes révolutionnaires » sans définir de quelle « révolution » il s'agit ? Non. La contradiction historique qui a défini la Modernité et les révolutions de l'époque moderne n'opérant plus, on ne peut plus parler de « révolution » comme si cet opérateur était encore actif. Le cycle des révolutions déterminées par la société de classes moderne s'est achevé. Cela n'implique pas pour autant de légitimer l'idéologie « postmoderne », bien au contraire, c'est une condition pour fonder une critique de l'époque actuelle qui ne soit pas contre-dépendante du démocratisme ambiant. Cela n'implique pas davantage l'abandon de nos prétentions à lutter théoriquement et pratiquement pour qu'émergé une nouvelle communauté des hommes. Car l'époque qui s'ouvre sera entièrement contenue dans cette alternative : une communauté des êtres humains réconciliés avec la nature ou la disparition de l'espèce.

II – Réel « obscur » ou réel « voilé » ?

4 L'accent mis sur l'épuisement et la désagrégation de la logique déterministe dans les sciences comme dans l'action politique, conduit les révolutionnaro-modernismes à se rallier au paradigme de l'indéterminé, de l'aléatoire, du chaos et de l'errance. Bien que se défendant de partager les idéologies post-modernes sur l'indifférence, le scepticisme et finalement le nihilisme, la réponse apportée à ce sujet se réfère pourtant à une logique du paradoxe et non plus à une logique de la contradiction. Or, les logiques paradoxales tendent à réduire le mouvement de la négation et de la double négation à une simple antinomie dont la résolution se situe dans le même registre que les prémisses. Ce glissement théorique, largement impensé, annule l'écart que les démo-modernistes1 cherchent pourtant à établir avec les tenants de l'épistémologie post-moderne. Faire alors référence à un « réel stochastique », à un réel « plus opaque et plus obscur », référence qui permettrait de « penser avec une approche rationnelle, le radicalement nouveau », ne constitue pas une rupture théorique avec le paradigme dominant de la techno-science ; bien au contraire, elle en représente un des fondements. L'argumentation se trouve ainsi prise dans la contradiction historique suivante : elle utilise pour étayer une théorie critique de la société actuelle (qualifiée de « réaliste et gestionnaire », et dans laquelle la « vie politique est dominée par la technique »), le paradigme même qui, depuis 1968, a justifié et justifie toujours davantage la décomposition/recomposition de la société du capital-représenté. L'aléatoire, son calcul et sa maîtrise, sont constitutifs des formes de connaissance et des modes d'action de la Modernité au xxesiècle. Définissant l'aléatoire comme « l'unité dialectique de la contingence et du hasard », Henri Lefebvre en faisait, en 1962, un des modèles centraux de la Modernité : « L'introduction massive de l'aléatoire dans tous les domaines de la conscience, de la connaissance et de l'action serait-elle un caractère essentiel de la Modernité ? Oui, on peut soutenir cette thèse. » (Introduction à la Modernité, Minuit, 1962, p. 202). Toutes les sciences et les techniques de l'organisation, de la décision et de l'action efficace opèrent sur les modèles de traitement statistique de l'aléatoire. Calcul des probabilités, recherche opérationnelle, programmation, préparation des décisions, etc. ont permis que se constituent, dès la Seconde Guerre mondiale les outils de gestion de l'aléa, du virtuel et du prévisionnel, qui vont prendre la place que l'on sait (i.e. presque toute la place dans le rapport social et le rapport au monde) avec les développements de l'informatique après 1968. Si l'aléatoire et sa gestion dominent la modernité, c'est qu'ils ont été internisé dans les conceptions du réel formées à partir de presque un siècle de ruptures théoriques en physique et de près d'un demi siècle de discontinuités dans les sciences de la vie. Alors que, continuistes et gradualistes, les pratiques scientifiques du xixe siècle cherchaient à expulser l'aléatoire de leurs expérimentations, au xxe siècle il fait partie des variables qu'on souhaite contrôler par le calcul des probabilités et les modèles de simulation. Aujourd'hui, le réel est toujours ce qui résiste à la connaissance, ce qui lui apparaît comme recouvert, comme l'horizon incertain de son objet, il n'en demeure pas moins approché par la connaissance scientifique à partir de l'analyse de la réalité empirique. Ainsi, la notion de « réel voilé » proposée par Bernard d'Espagnat (Penser la science, Dunod, 1990), distinguant réalité empirique (le phénomène) et réalité indépendante (le réel)2 permet d'écarter aussi bien les impasses d'un réel obscur, inconnaissable et sans substance objectivable (ce que d'Espagnat appelle le solipsisme collectif) que les barbaries d'un objectivisme qui réduit l'expérience humaine aux résultats de son calcul et de sa mesure… pour mieux la réifier.

5 La conception d'un réel « obscur » et « opaque » que partagent de nombreux modernismes révolutionnaires, permet à tous les nihilismes contemporains de légitimer leurs mystifications. Car, les techniques de l'imagerie virtuelle, qui vont droguer la majorité des membres de l'espèce humaine, impliquent aussi cette conception obscurantiste du réel. De même, les errements de l'ontologie psychanalytique, sa croyance dans un inconscient abyssal et noir, sa prophétie selon laquelle « le réel n'est pas reconnaissable mais seulement saisissable par bouts, au lieu de son absence, puisque il est de l'existence dans l'impossible », conforte, elle aussi, les partisans d'un réel obscur. La théorie d'un réel « voilé », ne s'accommode pas du rationalisme et du scientisme pour lesquels toute la réalité est connaissable par l'intelligence humaine. Elle ne se satisfait pas non plus des illusions collectives de type religieux ou politique qui proposent un horizon de non vie aux êtres humains. Ni interventionniste, ni contemplative, la théorie d'un réel voilé, qui vise un horizon de vie pour l'humanité ne séparant pas définitivement les hommes de la nature et de la communauté humaine, laisse ouvertes d'autres voies de connaissance et d'action.

III – Une rhétorique du modèle

6 S'il est vrai que la pensée de Marx s'inscrit dans la philosophie progressiste et déterministe du xixe siècle, et qu'en cela, il reste de son temps, au même titre, d'ailleurs, que les fondateurs de l'économie politique ou que les socialistes utopiques, on ne trouve pas chez Marx une conception modélisante de la société. Le communisme relève chez lui davantage d'une vision orientant la déconstruction de l'existant, que d'une projection ; en tout cas jamais d'un modèle abstrait qui simulerait des réalisations possibles par le jeu d'une combinatoire de l'existant. S'il a un programme, le communisme de Marx n'a pas de modèle et n'est pas un modèle.

7 L'idéologie du modèle apparaît au début du xxe siècle, accompagnant l'échec du mouvement prolétarien et l'asphyxie de la pensée théorique dans les marxismes d'État. En Europe, les contradictions des nationalismes, la montée des fascismes et du nazisme, l'établissement du stalinisme, conduisent à l'antagonisme des deux modèles : « le modèle capitaliste » et « le modèle communiste ». La Guerre froide va exacerber encore davantage la compétition pour le (bon) modèle. Guerre d'autant plus manichéenne et virulente dans l'idéologie, que s'instituait dans les deux camps, la même organisation du capitalisme : celle des grandes bureaucraties, ici, de firmes et là, d'État ; celle de la bureaucratisation du monde, selon le titre même de la critique radicale qu'en fît Bruno Rizzi en 19393.

8 Si les modes d'action de la révolution bolchevique et ses différents avatars après la Seconde Guerre mondiale, étaient devenus des « modèles visibles et touchables pour les militants », c'est qu'ils n'étaient plus des révolutions prolétariennes, mais des coups d'État techno-bureaucratico-populo-militaires. Et si, aujourd'hui, « il ne s'agit plus de construire un autre modèle visuel où enfin ça marcherait », ce n'est pas en se ralliant aux rhétoriques modernistes du « non substantiel et du symbolique », que l'on fondera les possibilités d'une nouvelle praxis historique. Car toute la modélisation techno-scientifique — et donc la modélisation politique qui en constitue le sous-produit gestionnaire — opère selon une logique identificatoire. Dans la mesure où l'on attend du modèle des capacités de prédictions et de prévisions pour optimiser l'action présente, le résultat du calcul modélisateur ne peut pas être en rupture avec les prémisses qui lui sont données. Certes, les modèles contemporains prennent en compte les dysfonctionnements, les conflits, les désordres et les catastrophes en faisant appel aux logiques non classiques (heuristiques, non monotones, logiques des ensembles flous, logiques modales, temporelles, déontiques etc.). Ils restent cependant liés à l'empirisme logique et à l'indécidabilité des critères de l'identité. Même les formulations récentes d'une identité relative « qui tentent de résoudre les paradoxes engendrés par la compénétration des significations et des critères de l'identité »4, ne parviennent pas à dépasser une description tautologique de l'existant. Les modèles dominants d'aujourd'hui sont non substantiels ; ils font tous appel à des formalisations symboliques : symbolisme logico-mathématique, comme nous venons de le voir, mais aussi symbolisme ésotérique (New age, astrologies, voyances, médium) ou bien symbolisme animiste (Deep ecology, spécisme) ou encore symbolisme immédiatiste (imageries virtuelles, tribalisme, affectivisme, art, publicité). La seule « exigence » que l'on y trouve consiste à désubstantialiser au plus vite les contenus historiques des anciennes communautés humaines qui se manifestaient encore, résiduellement, jusqu'en 1968 (famille, nation, classe), pour davantage encore réifier l'espèce, en faisant d'Homo sapiens un robot. Cette désubtantialisation du rapport social par le modèle et dans le modèle n'exprime pas autre chose que le projet du capital d'en finir avec l'opposition du sujet et de l'objet de connaissance, comme il a réussi à liquider les déterminations de l'antagonisme de classe et comme il tente de supprimer, dans ses manifestations passées et dans ses aspirations pour l'avenir, toute l'expérience de la communauté humaine.

9 De la même manière, se démarquer du modèle du chaos, donné comme forme dominante par les idéologues post-modernes, suffit d'autant moins que l'on s'en acquitte, en contrepartie, en proposant une autre variante de « la nouvelle pensée du modèle », celle de l'alternatif, du multiple, de l'aléatoire.

10 Les mouvements alternatifs — du moins ceux des années soixante dix, car où sont-ils aujourd'hui ? — furent des pratiques politiques fructueuses en ce qu'ils tentaient de se débarrasser des téléologies héritées ; mais, très vite repliés sur les particularismes de telle ou telle « libération » (sexuelle, régionale, linguistique, écologique, ethnique,…), ils ne parvinrent, ni à dépasser leur ghettoïsation pour les plus nombreux, ni à auto-dissoudre leur institutionnalisation pour quelques uns. Dans le chapitre suivant, nous illustrerons cette autonomisation des mouvements de libération issus de 1968, à partir d'une réflexion sur le mouvement des femmes. Poursuivons ici la critique de la rhétorique moderniste du modèle.

11 Affirmer que « le seul modèle, c'est l'absence de modèle », ce qui remarquons-le, peut définir une position réaliste mais conduit le plus souvent au nihilisme ambiant d'aujourd'hui, manifeste toujours une dépendance à la pensée du modèle. Pour sortir des apories de la modélisation, il convient d'articuler la théorie et les modèles. La théorie inclut les modèles et les diverses modélisations, mais elle ne se réduit pas à leurs résultats. Parce qu'elle opère par transduction entre l'existant et son devenir-autre, parce qu'elle permet de penser l'altération à l'œuvre dans l'historicité et dans la temporalité, la théorie peut énoncer d'autres possibles que ceux qui sont seulement inférés par la modélisation.

12 Ainsi, fixée dans le moment analytique de l'abstraction, la modélisation s'éloigne de la pratique qu'elle cherche pourtant à connaître. Son opérationnalité cognitive n'est pas reconnaissable par la pratique et, en ce sens on peut, avec Novalis, la désigner comme une « demi-théorie »5.

IV - Les avatars des mouvement féministes, ou le destin d'une différence autonomisée.

13 Il est d'usage, chez les modernistes révolutionnaires, de présenter certains courants féministes des années soixante dix comme « exemplaires d'une pratique politique émancipatrice », car celle-ci s'opposait à la logique déterministe de La Raison dans l'Histoire, au titre d'une logique de non-clôture. De plus, ce discours fait remarquer que ces féminismes ne s'épuisaient pas « dans l'accomplissement total d'un Être-la-femme, mais revendiquaient une femme-en-devenir, en prônant que la différence des sexes n'est pas représentable ». Or, et sans pour autant faire du devenu un jugement dernier sur les mouvements socio-historiques, nous n'avions pas attendu que se manifestent le démocratisme et le corporatisme des ex-féminismes révolutionnaires pour voir dans les contradictions de leur institutionnalisation, l'échec de leur prétention à fonder un devenir-autre de l'humanité.

14 Ressaisies aujourd'hui, ces contradictions peuvent s'analyser selon trois moments d'autonomisation

15 1° – Autonomisation des contenus et des modes d'action du féminisme d'après 1968. Si la force de ce processus résidait dans la critique en acte des partis, des syndicats et des associations qui assujettissaient la libération des femmes à la lutte sociale et à la prise du pouvoir d'État, sa faiblesse consista à abandonner la question des rapports individu-communauté-société en la focalisant exclusivement sur la différence sexuelle, avec comme seul horizon collectif celui d'une communauté universelle des femmes-devenues-féminines. Croyant sortir des impasses de l'antinomie lutte des classes/lutte des sexes, les mouvements de libération des femmes n'ont pu que se rallier à la particularisation du rapport social, c'est à dire à militer pour le démocratisme de la société des particules de capital.

16 2° – Autonomisation des déterminations naturelles de l'espèce humaine. En exacerbant la logique constructiviste d'un genre féminin qui était à inventer contre sa négation masculine séculaire (patriarcat et machisme), les femmes en mouvement ont développé une idéologie techno-biologique qui devait accélérer l'émergence d'une nouvelle femme inconnue jusque là chez Homo sapiens. D'où les délires faustiens, aujourd'hui d'ailleurs en voie d'être réalisés, sur la gestation masculine ou encore sur la parthénogenèse humaine.

17 3° – Autonomisation des médiations historiques non dominatrices entre les femmes et les hommes. En sélectionnant une lecture mono-sexuelle des sociétés humaines (les exterminations des garçons chez « les amazones contre les exterminations des filles chez les chinois, etc.), une ombre fut jeté sur des moments communautaires d'harmonie entre les deux sexes, tels qu'ils se sont réalisés dans l'histoire de l'humanité, ne serait-ce qu'en Occident. Ce fut le cas pour certaines communautés hérétiques et gnostiques du judéo-christianisme ; pour le Mouvement du Libre Esprit ; les Bégards et les Béguines ; pour certains mouvements millénaristes et messianiques ou communalistes ; pour les cathares et les vaudois, etc.

V – L'acte pur du pur individu

18 Préoccupés d'éviter tous les risques de rechute dans « la vision déterministe et positiviste » de l'action révolutionnaire totalitaire, mais aussi attentif à ne pas verser dans « l'idéal fallacieux d'un individu singulier toujours égal à lui-même », les modernistes révolutionnaires appellent à la définition d'une « théorie du sujet qui aille au delà de la dichotomie individu-groupe ». Or, pour avancer dans cet effort théorique — que nous pouvons en partie, partager — si les recherches d'Alain Badiou ne sont pas à négliger, elles restent cependant limitées, car marquées, elles aussi, par l'ontologie sartrienne d'une conscience autonomisée se réalisant dans une liberté qui la fait exister. À écouter et à lire les démo-modernistes tout se passe comme si la critique de l'existentialisme, concrètement achevée par Mai 68, n'avait pas eu lieu. « Engagement, liberté, acte gratuit, situation, totalité concrète, détotalisation, etc. » ; jusque dans leurs terminologies, c'est bien sur d'antiques arpents de sartrisme et autour de quelques reliquats de gauchisme, que l'on cheminent dans cet univers.

19 Critiquer Marx, certes, mais pas pour exhumer Sartre ! L'œuvre théorique de Sartre, déjà lourdement grevée de ses confusions entre la philosophie de Husserl et celle d'Heidegger, philosophies auxquelles « il n'ajoute rien » (Henri Lefebvre, L'existentialisme, 1946, p. 221), puis stérile dans ses efforts pour phénoménologiser le matérialisme dialectique, sans parvenir à autre chose qu'à exalter l'abstraction de l'être autonomisé, cette œuvre a définitivement sombrée dans les mystifications de la Cause du peuple.

20 L'échec de Sartre pour fonder une morale existentielle est l'échec de celles et de ceux qui tentent d'hypostasier l'être de l'individu en le séparant de ses conditions naturelles et historiques d'émergence, puis de dynamisation. Seulement défini par son acte en soi, s'appliquant à devenir un « sujet responsable de son énonciation », l'individu néo-sartrien ne manifeste rien d'autre que sa soumission ou sa révolte à la combinatoire des individus atomisés et particularisés d'aujourd'hui.

21 Le refus absolu d'attribuer un contenu à l'individu, la négation simple de toute substance, la lutte pour le vide matriciel, telle la position exprimée par Loïc Debray6dans la perspective d'une politique de non domination, en vient pourtant à évacuer les moments historiques de l'individualisation et de l'individuation. Partir de l'individu, postuler « un sujet non substantiel », est peut-être une position politique qui peut explorer d'inédites hypothèses dans le cadre d'une transhistoricité, encore faut-il ne pas en méconnaître les présupposés théoriques ni les conséquences pratiques. Parmi les présupposés que méconnaît cette pensée de l'asubstantialité, il en existe un, de taille, à savoir que la substance est ce qu'il y a de permanent dans les choses qui changent ; qu'elle est faite « de multiples déterminations, distinctes d'elles : les accidents » (Hegel) ; que la totalité des accidents constitue la puissance de la substance accidentée, virtualisée, et qu'enfin, et surtout, la possibilité de la substance est dans son actualité. Ainsi, chercher un sujet sans substance n'a pas pour conséquence de nous faire, enfin, sortir de vingt siècles de métaphysique occidentale, mais nous en laisse encore dépendants, car l'être, comme le sujet, est l'expression de la séparation de l'individu et de la communauté. Ils sont tous deux des opérateurs de sortie de la nature. Ils se sont manifestés dans divers moments de l'histoire de l'humanité, non pas comme des médiations entre l'individu et la communauté, mais soit comme des immédiatismes, soit comme des religions

22 Après 1968, « la détotalisation des situations » sous couvert d'anti-totalitarisme, la désubstantialisation du rapport social, l'inessentialisation du travail, la subjectivité autonomisée, la « nouvelle citoyenneté », autant de mode d'actions donnés par les modernismes révolutionnaires comme des « paris alternatifs » ou des « radicalités », ont-ils été autre chose qu'un moment dans l'unification mondiale de la société du capital-représenté ? La lutte théorico-pratique pour donner un contenu historique au moment qui s'ouvre aujourd'hui à l'espèce humaine et à son biotope terrestre, ne sera, ni celle de la fin de la modernité, ni celle des modernismes révolutionnaires qui lui restent liés.

 

 

 

Notes

1 – Dans la mesure où ils adoptent la démocratie comme horizon politique et historique indépassable, les modernismes révolutionnaires peuvent être qualifiés de démo-modernismes.

2 – Rejetant, en matière de théorie de la connaissance, aussi bien l'idéalisme traditionnel que le réalisme physico-mathématique, Bernard d'Espagnat propose, au nom d'un réalisme ouvert, de faire le deuil d'une connaissance exacte de la réalité indépendante, mais qui n'abdique pas devant la connaissance des phénomènes. Il résume ainsi cette position : « II y a quelque chose dont l'existence (le fait d'être) ne procède pas de l'esprit humain, tout en influençant les observations de celui-ci. On convient d'appeler ce quelque chose "la réalité indépendante" ou "le réel" » (ibidem, page 185).

3 – Bruno Rizzi, La bureaucratisation du monde, Champ Libre, réédition, 1976.

4 – Fernando Gil, article identité, Encyclopædia Universalis (1990), t. ii, p. 898.

5 – « Une demi-théorie détourne de la pratique ; une théorie totale y ramène. » Novalis, Fragments, 1802.

6 – « De l'individu à la singularité, du tout autre », Temps critiques, n°6/7 1993.

 

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La fin de la modernité post-industrielle

10 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #divers

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La fin de la modernité post-industrielle, ou le retour de l’industrie…
Edition : Un monde d'avance

Au cours des trente dernières années, il n’était de bon ton ni de dénoncer l’affaissement industriel de la France, ni de s’inquiéter du dumping social et fiscal qui érodait inexorablement notre appareil de production. Il était tout aussi inconvenant de souhaiter une assiette des cotisations sociales qui lui soit plus favorable (la valeur ajoutée plutôt que la masse salariale). Quant à regretter certaines privatisations au motif qu’elles allaient être synonymes d’évaporation c’était un comble de « ringardisme »… La mode, et donc abusivement la modernité, était toute entière consacrée aux services, à la société post-industrielle que l’on finira par sublimer, à l’occasion de la définition de la stratégie de Lisbonne, dans le concept vaste et vide « d’économie de l’intelligence » (les grandes innovations industrielles étant sans doute à classer dans l’économie de la bêtise !


Tout au long de ces longues années qui nous ont mené à 16% du PIB pour le secteur secondaire, plaider pour l’industrie vous valait d’être irrémédiablement classé parmi les archaïques quand ce n’était pas purement et simplement dans la catégorie des proto-historiques de l’économie « administrée », voire des protozoaires du Gosplan. L’avenir était tout entier aux services, sans qu’il soit le moins du monde distingué, à l’intérieur du secteur tertiaire, entre les servies qui correspondaient à des externalisations de l’industrie, ceux qui étaient productifs par eux mêmes et ceux qui produisaient du bien être plutôt que de la valeur ajoutée et se finançaient par des prélèvements obligatoires !

Je me souviens avec précision d’une tribune libre publiée par Michel Rocard (dans le nouvel Obs, ça va de soi), au virage des années 90, m’expliquant avec une affection toute condescendante, parce que je m’inquiétais (déjà !) des conséquences négatives de la montée en puissance du libre échange sans précautions, que je ne comprenais rien à rien, qu’il fallait laisser les « asiatiques fabriquer des toiles de parasol » et nous consacrer à la production d’ordinateurs. Au nom, bien sur des théories de ce cher Ricardo, non évoquées mais omniprésent dans le formatage intellectuel de nos élites. Je n’aurai pas la cruauté, aujourd’hui, de lui demander de bien vouloir m’indiquer les noms des marques européennes d’ordinateurs ou de consoles ! Je me souviens tout aussi précisément des admonestations « post-industrialistes » de ceux qui ne visaient rien de moins qu’à « changer le logiciel de la gauche » publiés dans des ouvrage que je crois aujourd’hui « retirés » plutôt « qu’épuisés ». Je n’ai pas oublié d’avantage les prescriptions de Monsieur Madelin, étrange ministre de l’industrie qui prônait purement et simplement la disparition de son ministère devenu à ses yeux inutile, ni la brillante commissaire européenne professant que l’Europe n’avait pas besoin de champions industriels. Bref, oser dire qu’une économie sans industrie digne de ce nom était un organisme sans squelette condamné à s’affaisser sur lui même n’était pas dans l’air du temps, voire complètement rétrograde.

Certes, il y avait eu les nationalisations - quelle horreur ! - qui avaient permis de sauvegarder des secteurs entiers et qui se révèleront par la suite une excellente affaire sur le plan financier, dont le compte n’a jamais été fait. (A quand un doctorant un peu curieux !) Puis l’impôt recherche, en 1983, et non pas en 2007 comme le croît M Sarkozy. Et la suppression de la base salaire dans le calcul de la TP, en 98 qui représenta pour les entreprises un gain supérieur à celui de la réforme actuelle et neutralisa, à 3% près, le coût des trente-cinq heures. Ce que M Sarkozy n’a pas l’air de savoir mais que M. Soubie pourra peut être lui expliquer… Plus récemment encore, au tournant des années 2000, quelques opérations de « mécano industriel censées assurer le développement et la pérennité de nos secteurs champions : je pense plus précisément à l’aéronautique. Mais le vers était déjà dans le fruit, celui du libéralisme dominant, qui obligea les mécanos à décréter que l’actionnaire, lorsqu’il était public, s’interdisait son rôle d’actionnaire ! (La commission d’enquête sur EADS fut à cet égard particulièrement instructive.)

Et nous voici tout à coup, la crise jouant le rôle d’accélérateur, plongés dans la réalité cruelle du constat : 16% du PIB pour l’industrie, quand c’est 30% chez nos voisins allemands. A peine 20% de la population active concernée… Nous voici à nouveau confrontés au déficit chronique de la balance commerciale, seul véritable indicateur crédible de notre compétitivité, découvrant que les coupes de cheveux et les services aux personnes figurent dans le PIB mais qu’à la différence des produits industriels (ou agricoles) ils ne s’exportent pas. Qu’il n’y a pas de recherche sans industrie, même si le secteur financier pompe avec habileté une grande partie de crédit d’impôt dont la définition a été scandaleusement élargie jusqu’à le transformer en véritable niche fiscale.

Bref, face à la dure réalité qui démontre, au passage que le paradigme libéral que l’on nous assénait avec tant d’arrogance était une imposture. Souvenons-nous : la baisse des prélèvement publics (dits « obligatoires ») devaient se traduire par des profits qui seraient les investissements de demain et les emplois d’après-demain. Et qu’avons-nous 10 ans plus tard : des déficits publics monumentaux, des investissements publics et privés en berne et 10% de chômage sans compter ceux qui sont en CTP ! Seuls les profits et les rémunérations managériales s’en sont très bien tirés. L’épargne aussi qui est au même niveau, 17%, que la part de l’industrie dans le PIB…Superbes résultats qui n’émeuvent pas les brahmanes de l’O.C.D.E, pourtant si prompts à prôner la contention salariale ou l’amoindrissement des systèmes de protection sociale.

Sortir de cette impasse ne sera pas aisé. Il y faudra d’avantage que des proclamations vibrionaires improvisées dans l’urgence : un milliard en passant nous annonce le président de toutes les annonces à défaut d’être celui de la France. Un milliard pour l’industrie et solde de tout comptes contre 2,5 milliards chaque année pour la baisse de TVA dans la restauration…C’est dire l’ampleur de l’angle de vision !

Il faudra beaucoup plus monsieur le président. Bien d’avantage que les pôles de compétitivité qui peuvent être un bon réacteur si on les alimente en kérosène. Un véritable ministère de l’industrie et une attention de tous les instants. Je me souviens de cette verrerie dans l’Allier qui détenait une véritable compétence pour la fabrication d’isolateurs haute tension dont EDF représentait 80% du CA, rachetée par un groupe italien qui se proposait de la transférer en Italie et qu’un simple coup de fil du patron d’EDF, qui n’est jamais venu, aurait permis de garder sur notre sol. J’ai sous les yeux les cheminées d’une papeterie qui fument encore en 2010, mais dont M. Beffa, alors PDG de Saint-Gobain, et réputé grand spécialiste de l’industrie, m’expliquait en 1993 qu’elle n’intéressait personne au monde et qu’il n’y avait d’autre issue que de la fermer. Il est vrai qu’elle obérait les résultats du groupe. On ne s’est pas laissé convaincre et elle est toujours là, fleuron rentable d’un grand groupe international. Je pense aussi à cette usine de chaussures - une des dernières - qui va fermer en Dordogne parce que le marché militaire qui constituait l’essentiel de son carnet de commande s’en est allé non pas dans un pays low-cost, mais en Allemagne, pour cause de spécificité dans ledit marché… La liste serait longue, très longue, des sites sacrifiés parce qu’ils ne s’inscrivaient pas dans le cœur de cible de l’activité principale du propriétaire ou qu’ils amoindrissaient les résultats consolidé d’un groupe. La financiarisation à des exigences de taux de rentabilité qui ne sont pas souvent compatibles avec les longs et difficiles cheminements de l’industrie. Les diversifications sont plus lentes et plus ardues que les fermetures, surtout lorsque l’état prend en charge l’essentiel des pré-retraites. Et l’importation d’un produit concurrent étranger offre souvent des marges supérieures tout en étant plus simple à tous points de vue. Oui, vraiment, une attention de tous les instants et beaucoup de ténacité…

Mais cela ne suffira pas, même si c’est indispensable. Il faudra aussi une véritable priorité qui aille au delà du monde éphémère des annonces quotidiennes, un véritable engagement des moyens public ainsi qu’une orientation ferme et incitative des moyens privés.

Et d’abord une politique fiscale qui encourage clairement le profit investi au détriment de celui qui est distribué (le rachat d’action pour compte propre n’étant pas un investissement). Une politique fiscale qui avantage nettement et concrètement l’investissement industriel plutôt que l’assurance vie. La France, qui bat des records mondiaux de taux d’épargne possède à sa manière l’un des plus grands fonds de pension existants : 1500 Milliards d’Euro d’assurance vie ! Mais ce n’est que la forme moderne - ou plutôt actuelle - de l’ancien bas de laine. Une thésaurisation particulièrement choyée par la direction du trésor et les gestionnaires de la dette publique, pour le plus grand bonheur de nos compagnies d’assurance. Et comme si cela ne suffisait pas, on va de dispositif De Robien en dispositif Cellier, la pierre ayant l’avantage de gagner de l’argent en dormant. Il faudrait aussi que le crédit d’impôt recherche soit recadré sur ses véritables objectifs plutôt que de bénéficier en priorité au secteur financier ( ic) et autres petits et gros malins. Idem pour les exonérations de plus values mobilières. Et autres aménagements...

Il faudra aussi de l’investissement public. Aucun des secteurs industriels dans lequel notre pays figure en bonne position n’a pris son essor sans volonté publique, sans argent public. Cela doit aller, si nécessaire, jusqu’à la reconstitution d’outils publics de financement qui sont tous aussi légitimes que les sommes et garanties accordées au secteur bancaire lorsqu’il en a eu besoin. Le seul renoncement à la TVA restauration dégagerait 2,5 milliard d’euro par an auxquels il est facile d’ajouter la même somme provenant de la « réserve » des niches fiscales qui ne cessent de croître, amendement après amendement. Oui, s’il le veut, l’Etat français a les moyens d’aider un plan ambitieux de ré-industrialisation.

Il faudrait aussi que le « facteur de production travail », qui tend à se faire de plus en plus rare, mais sur lequel continue néanmoins à reposer l’essentiel de l’insertion sociale, cesse d’être l’assiette de financement de nos systèmes collectifs de protection sociale. C’est l’ensemble des revenus, toutes catégories comprises, et non les seuls revenus salariaux, qui devraient constituer cette assiette. Notre compétitivité y gagnerait beaucoup et la justice sociale aussi. Quant à la hiérarchie des rémunérations elle devrait favoriser l’inventeur et le producteur plutôt que le footballeur ou le spéculateur. Nos ingénieurs quitteraient alors les salles de marché pour retrouver le chemin des usines ou des laboratoires. (On peut toujours rêver en attendant que la nécessité nous prenne à la gorge).

Enfin, mais chacun aura compris que le sujet est très loin d’être épuisé sur le plan technique et financier, il faudrait, sur le plan psychologique que nos compatriotes fassent des choix et cessent de considérer l’industrie – je cherche les mots qui ne fâchent pas - comme une activité dépassée, bruyante et salissante, attentatoire à leur qualité de vie et à leur confort personnel. On peut aujourd’hui, en y mettant le prix, avoir les deux. Ecrivant cela, j’entends immédiatement la clameur des partisans explicites ou implicites de la décroissance m’entourer d’une opprobre assourdissante. Néo-millénaristes pronostiquant une forme de châtiment imminent et immanent pour cause de dilapidation inconsidérée, ces nouveaux inquisiteurs écrivent à leur manière une nouvelle version de la fin de l’histoire inscrite dans la finitude du biotope. A l’évidence, ils n’ont pas tort de s’indigner de la pollution, du peu de soin que nous prenons de notre planète mais en évitant généralement, soigneusement, de mettre en cause le facteur principal que constitue la croissance démographique exponentielle. Il n’ont pas tort non plus de rappeler ce que Rabelais nous avait déjà appris il y a tout juste quelques années (disons 20 ans pour ne vexer personne ?) à savoir que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Mais qu’ils me pardonnent, puisque nous sommes quelque peu dans l’atmosphère théologique, de ne pas partager leur désamour envers le progrès auquel je continue à croire, sans doute parce que l’univers est en expansion. Et qu’ils prennent garde, connaisseurs comme ils le sont des bassins versants, à ne pas basculer, pas à pas, sur la mauvaise pente. Celle qui confond la marche avant et la marche arrière. Parce qu’on n’a jamais vu un fleuve couler d’aval en amont et que les logiques sont implacables.

Henri Emmanuelli
Député des Landes

Site d'un monde d'avance : unmondedavance.eu

Blog de Henri Emmanuelli : henriemmanuelli.fr

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La fin de la modernité

10 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #divers

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Après le 11 septembre

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AuteurPatrick Schmoll du même auteur

Ingénieur d’études au cnrs, Laboratoire « Cultures et sociétés en Europe » (université Marc-Bloch, Strasbourg), rédacteur en chef de la Revue des sciences sociales.

Premières lignes

Le 11 septembre 2001 risque de passer dans l’Histoire comme la date marquant symboliquement la fin de l’époque moderne. L’opinion publique dans les pays occidentaux, et sans doute dans le reste du monde, a profondément ressenti l’importance de l’événement et lui a donné la signification d’un basculement : nous avons changé d’époque, nous vivons désormais dans un monde différent

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Albert Camus des citations

10 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #Des citations

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