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psychologie

Cezare Lambrozo et la notion de l'homme criminel

20 Novembre 2015 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #psychologie

Cesare Lombroso (prononcé en italien : [ˈtʃeːzare lomˈbroːzo]), né le 6 novembre 1835 à Vérone, au sein d'une famille juive1, mort le 19 octobre 1909 à Turin, est un professeur italien de médecine légale et l'un des fondateurs de l'école italienne de criminologie (en). Il est célèbre pour ses thèses sur le « criminel né » : à partir d'études phrénologiques etphysiognomique, il tentait de repérer les criminels en considérant qu'il s'agissait d'une classe héréditaire qu'on pourrait distinguer par l'apparence physique. Ses théories étaient fortement marquées par la théorie de la dégénérescence, leracialisme et le transformisme 2: il considérait ainsi que l'humanité avait évolué en partant des « Noirs » vers les « Jaunes » et enfin les « Blancs ». Au sein même de l'Italie, il distinguait la « race du sud » inférieure à la « race du nord », tandis qu'il considérait que les femmes étaient moins sujettes à la criminalité en raison de leur moindre intelligence et de la nature plus inactive de leur vie 3.

C'est aussi en 1878 qu'il publie L'Homme criminel (L'Uomo delinquente), dans lequel il défend la thèse selon laquelle la « délinquance » serait nettement plus fréquente chez certaines personnes porteuses de caractéristiques physiques, ce qui démontrerait le caractère inné de certains comportements. Il s'oppose ainsi aux conceptions sociologiquesqui avancent que les déviances sont la conséquence du milieu. Lombroso est aussi proche des tendances accréditant l'idée d'une décadence générale de la société, pensant que la criminalité est appelée à augmenter5.

Pour cela, il approfondit les recherches en matière d'anthropologie liées aux questions de criminalité. Médecin militaire, il utilise son métier comme lieu d'observation privilégié en étudiant principalement les soldats « délinquants » par la réalisation de l'étude anthropométrique de ceux-ci.

À l'issue de travaux sur trente-cinq crânes d'assassins guillotinés, il observe la fréquence de certaines caractéristiques, ce qui lui permet d'en déduire certaines « lois » qui le convainquent que la criminalité est innée (plus précisément, qu'environ un tiers de la population criminelle le serait de façon héréditaire6) et peut se déduire des caractéristiques physiques. Selon lui, la criminalité est une marque d'atavisme, c'est-à-dire de régression évolutive5,7. Il va jusqu'à prétendre que certaines catégories de délinquants ont leurs propres caractéristiques crâniennes, ce qui permet de les distinguer. Outre le crâne, il s'appuie sur d'autres critères anatomiques, tels que, par exemple, la longueur « excessive » des bras – qui rapprocherait les criminels des singes –, une denture anormale, ou encore le fait d'avoir des doigts de pied ou de main en trop 6.

Il étudie aussi dans son livre les tatouages, et affirme, à partir d'observations empiriques8, que cet usage, réminiscence des pratiques « sauvages », se rencontre plus souvent chez les « classes inférieures » de la société ainsi que chez les prostituées 9, les « pédérastes » et les « criminels », chez qui le dessin ou l'inscription porte souvent l'« empreinte caractéristique du crime » (telles que « Pas de chance », « mort aux femmes infidèles », « la liberté ou la mort », « mort aux gendarmes », « la vie n'est que désillusion », « vivent la France et les pommes de terre frites » (sic), etc.) 10. Les dessins obscènes seraient, selon lui, le fait de repris de justice ou d'anciens déserteurs, etc 10.

Les critiques de Lombroso et le triomphe des sociologues[modifier | modifier le code]

Son ouvrage fait l'objet de nombreuses rééditions qu'il complète à chaque fois, nuançant ses résultats sans toutefois abandonner son concept de « criminel né ». Son livre a un retentissement important dans le milieu de la médecine légale et de la criminologie. Ses idées suscitent plusieurs revues spécialisées et font l'objet de nombreux débats, notamment aux congrès d'anthropologie criminelle dont le premier se tient à Rome en 1885, à l'initiative de Lombroso 5. L'opposition vient essentiellement de l'anthropologue français Alexandre Lacassagne, qui défend la thèse de l'influence prépondérante du milieu. Un autre anthropologue français, Paul Topinard (1830 - 1911), évoque à cette occasion le manque de rigueur de Lombroso dans ses mesures des crânes. Malgré l'aspect contesté de ses thèses, sa théorie resta longtemps défendue 5. Bien que contestée, elle laisse ainsi ses marques dans un article de 1926 de Félix Regnault 11. De même, si ces thèses font aujourd'hui sourire, Lombroso aura eu le mérite de déplacer l'objet d'étude du crime au criminel et à sa personnalité 5, présageant des disciplines telles que leprofilage criminel.

Le deuxième congrès se tient à Paris en 1889 et Lombroso fait l'objet d'attaques encore plus vives sur ses méthodologies, notamment de la part de l'anthropologue Léonce Manouvrier. Le troisième congrès, à Bruxelles en 1895, voit le triomphe des sociologues, en l'absence de la participation de Lombroso. En France, c'est particulièrementGeorges Sorel qui s'employa, à partir de 1893, à promouvoir les théories criminologiques et pénalistes de Lombroso dans des revues de divulgation scientifique.

La Femme criminelle et la Prostituée[modifier | modifier le code]

Cette même année, il écrit La Donna delinquente, la prostituta e la donna normale (traduit en 1896 en français sous le titre La Femme criminelle et la Prostituée) qui fait de laprostitution l'équivalent féminin de la criminalité 9, et où il écrit, phrase célèbre, « la criminelle-née est pour ainsi dire une exception à double titre, comme criminelle et comme femme (...) Elle doit donc, comme double exception, être plus monstrueuse » 9,12.

Liant la criminalité féminine à la menstruation (celle-ci aurait cours des premières menstrues jusqu'à la ménopause 12,9), ce livre montre que pour Lombroso, l'appartenance à la bourgeoisie est un signe d'honnêteté et de normalité, et l'appartenance aux classes populaires un indice d'anomalie 9. Partageant une vision sexiste, Lombroso compare la femme à une nature inférieure à l'homme, et lui donne une nature essentiellement mauvaise, germe sur lequel se développerait la prostitution 9, qui ne devrait rien aux causes sociales (misère, etc.) 9. La prostitution se développant sur le fond universellement mauvais de la femme, elle aurait son équivalent chez les riches, où elle prend le visage de l'adultère 9. De façon peut-être contradictoire, il s'oppose à l'éducation des femmes, considérant que cela risquerait de les arracher au foyer et à la maternité, et par ce biais, de favoriser la « criminalité latente » chez cette « nature inférieure » 12.

La dénonciation de l'antisémitisme[modifier | modifier le code]

Toujours en 1893, Lombroso écrit aussi « L'antisémitisme et la science moderne », à la demande de la Neue Freie Presse et de la Revue des revues de Jean Finot, qui dénonce l'antisémitisme comme pathologie et démontre l'inexistence de ses fondements prétendument scientifiques 13. Bernard Lazare lui écrira pour obtenir son soutien dans la défense du capitaine Dreyfus 13.

Le Crime, causes et remèdes[modifier | modifier le code]

La théorie de l'inconscient de Sigmund Freud finit de discréditer aux yeux du public savant la théorie de Lombroso [réf. nécessaire].

Lombroso écrit, en 1899, Le Crime, causes et remèdes, où il reconnaît enfin l'importance du milieu social, même s'il n'évacue pas toute idée de « caractère inné ». À la fin de sa vie, il tente, vainement, d'appliquer ses méthodes au cours d'enquêtes de police.

Le génie, le crime, la folie[modifier | modifier le code]

Il a aussi publié, en 1877, un gros ouvrage intitulé L'Homme de génie, qui lie le génie à la folie et à la dégénérescence, tous étant des signes d'« anormalité », développant ainsi les thèses de Moreau de Tours 14. L'inspiration artistique et scientifique est, d'après lui, un équivalent de l'épilepsie 14. Enquêtant sur 36 « génies », Lombroso prétendait trouver des preuves sur la « folie » de personnalités telles que Baudelaire, Newton, Fénelon, Verlaine. Des psychiatres tels que Griesinger et Forel ont admis les thèses de Lombroso concernant le génie et la folie; bien d'autres les rejetèrent (Mantegazza, Kraepelin, Dilthey, Paul Möbius, etc.) 14.

Il écrit enfin, en 1902, un article sur le criminel calabrais Giuseppe Musolino, qu'il considère comme étant entre le « criminel né » et le « criminaloïde », la première catégorie étant une catégorie « dégénérée » tandis que la seconde serait marquée par sa très grande intelligence 7. Si Lombroso considère en effet la criminalité comme la marque d'une « humanité inférieure », il ne nie toutefois pas l'existence de « génies du mal », tels, selon lui, que Vidocq, Cagliostro, Dubosc, Lacenaire, etc. « Toutefois, considérés en général, ces malheureux, même ceux à qui l'on octroie du génie, ont plus de fourberie (comme les sauvages) et plus d'esprit, que de génie véritable. Ils manquent de cohérence et de continuité dans le travail mental, — qui est puissant en eux, j'en conviens, mais intermittent. » 15 Par ailleurs, la criminalité chez les poètes (dont, dit-il, Villon) serait selon lui plus fréquente que chez les savants, en raison de leur émotivité 16.

Le point de vue de Christopher Duggan[modifier | modifier le code]

Christopher Duggan, un élève de Denis Mack Smith et directeur du Centre for the Advanced Study of Italian Society de l'Université de Reading17, adresse de sévères critiques à la forme et aux études qu'il considère pseudo-scientifiques de Cesare Lombroso, qu'il appelle avec mépris « un homme convaincu d'avoir la solution aux problèmes siciliens (et même de l'humanité) ». L'historien anglais fait remonter l'origine des théories du racisme du médecin véronais à son expérience dans l'armée pendant la campagne contre le brigandage. Étant chargé d'effectuer des examens médicaux pour les conscrits, Lombroso examina et mesura environ 3 000 hommes, commençant à développer des idées sur les origines de la délinquance. Le premier résultat de ses réflexions fut, en 1864, un essai sur la connexion entre les tatouages des soldats et leurs déviances 18. À partir de cette expérience, et des études ultérieures, Lombroso formula l'hypothèse que « la violence était un bon indicateur de la barbarie, et, à son tour, la barbarie était un bon indicateur de dégénérescence de la race »19.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Encyclopædia Universalis « Lombroso, Cesare » [archive] ; sefardies.es « Lombroso, Cesare » [archive].
  2. Ducros Albert. « Phrénologie, Criminologie, Anthropologie : une interrogation continue sur anatomie et comportement. » [archive] In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, Nouvelle Série. Tome 10 N°3-4, 1998. pp. 471-476.
  3. Burke, R.(2001), An Introduction to Criminological Theory. Willan Publishing, Devon
  4. a, b et c Le Musée Cesare Lombroso [archive] (en)
  5. a, b, c, d et e Martine Kaluszynski, « Les congrès internationaux d'anthropologie criminelle (1885-1914) [archive] », dans Cahiers Georges Sorel, n°7, 1989, p. 59-70.
  6. a et b John Hamlin, Lombroso [archive], site de l'Université de Minnesota Duluth (en)
  7. a et b Book review of Mary Gibson, Born to Crime: Cesare Lombroso and the Origins of Biological Criminology [archive]. (Italian and Italian American Studies.) Westport, Conn.: Praeger. 2002. Published in The American Historical Review, vol. 109, n°2, avril 2004 (en)
  8. Carine Trevisan, Université Paris VII - Denis Diderot « L'art sauvage de l'autobiographie : les graffiti corporels chez Cesare Lombroso » [archive]
  9. a, b, c, d, e, f, g et h Olrik Hilde. « Le sang impur. Notes sur le concept de prostituée-née chez Lombroso [archive] », dans Romantisme, 1981, n°31, Sangs., p. 167-178.
  10. a et b L'Homme criminel, 3e partie, chap. I : « Le tatouage » (p.208 pour les exemples d'inscription).
  11. Félix Regnault, « Des anomalies osseuses chez les arriérés criminels et les brigands. [archive] » In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, VII° Série. Tome 7 fascicule 4-6, 1926. pp. 92-95.
  12. a, b et c Groman Dvora, Faugeron Claude. La criminalité féminine libérée : de quoi ? [archive]. In: Déviance et Société. 1979 - Vol. 3 - N°4. pp. 363-376.
  13. a et b Bosc Olivier. « Le signe et la preuve. Deux lettres retrouvées de Bernard Lazare à Cesare Lombroso au moment de l'Affaire Dreyfus [archive] ». In: Mil neuf cent, N°15, 1997. Les anti-intellectualismes. pp. 215-220.
  14. a, b et c Grmek M. D.. « Histoire des recherches sur les relations entre le génie et la maladie » [archive]. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1962, Tome 15 n°1. pp. 51-68.
  15. L'Homme criminel, p.318-319 [archive]
  16. L'Homme criminel, p.320-321 [archive]
  17. Christopher Duggan, La circolazione delle idee : Mazzini nel contesto inglese e nel contesto italiano. [archive]
  18. Christopher Duggan, La Forza del destino – Storia d’Italia dal 1796 ad oggi, Roma-Bari, Laterza, 2011, p. 306.
  19. Christopher Duggan, La Forza del destino – Storia d’Italia dal 1796 ad oggi, Roma-Bari, Laterza, 2011, p. 307.

Écrits de Lombroso[modifier | modifier le code]

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la personnalité criminelle

20 Novembre 2015 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #psychologie

  • Notions générales sur la personnalité

Le terme personnalité est issu du mot personne qui lui-même vient du latin personaqui désignait les masques portés par les acteurs de théâtre. Les masques, en nombre limité, correspondaient à des caractères fixes à partir desquels les spectateurs pouvaient s’attendre à des comportements ou à des attitudes déterminées. En effet, la vie sociale a besoin de prévisibilité du comportement d’autrui.

La personnalité se définit, chez un sujet donné, comme le résultat de l’intégration dynamique de composantes cognitives (perception et vision de soi-même, d’autrui et des événements, pensées, fonctions intellectuelles supérieures), émotionnelles (affects, adéquation de la réponse émotionnelle en fonction de la situation), et comportementales (contrôle des impulsions). L’agencement de ces différents facteurs constitue les traits de personnalité, c’est-à-dire les modalités relationnelles de la personne. Un même individu peut posséder des traits de personnalités différentes, pouvant même se modifier en fonction des moments de crise ou des situations particulières de la vie. Ces tendances donnent à la personnalité sa dynamique. La personnalité est stable, contribuant à la permanence de l’être qui aura tendance à répondre de la même manière face à une même situation (notion de prédictivité). Elle est également unique, rendant le sujet reconnaissable, distinct des autres. Elle rend compte de l’originalité de chacun.

La personnalité devient pathologique lorsqu’elle se rigidifie. Les réponses deviennent inadaptées à une situation donnée. Le sujet est en souffrance. Le fonctionnement social ou professionnel en est altéré. Un trouble de la personnalité est une modalité durable de penser, de ressentir et de se comporter, qui est relativement stable dans le temps. Le diagnostic de personnalité pathologique doit tenir compte de l’origine ethnique, culturelle et sociale du sujet. Il ne peut être réalisé lorsque le sujet souffre d’un trouble psychiatrique

  • La « personnalité criminelle » selon Jean Pinatel

L’idée de l’existence d’une « personnalité criminelle » spécifique a connu un certain succès dans les années 1950 à 1970. Elle a été soutenue par de nombreux psychiatres et psychanalystes et continue quelques fois encore à être appliquée aujourd’hui, notamment dans l’élaboration de tests psychologiques et des grilles d’évaluation psychiatrique.

Jean Pinatel (1913-1999), président de la société internationale de criminologie de

1950 à 1978, en a décrit les principaux aspects dans son « Traité de droit pénal et de criminologie » (1970) 39. Pour lui, le criminel se distingue du non criminel par une aptitude particulière à passer à l’acte. Ce dernier obéit à quatre conditions : une condition morale (le criminel s’affranchit de l’éthique posée par la société), une condition pénale (la sanction pénale ne remplit pas son rôle dissuasif à l’égard du criminel), une condition matérielle (l’acte ne pose pas de difficulté d’exécution) et une condition affective (le acriminel n’est pas inhibé par le sentiment du bien ou du mal). Quatre traits psychologiques correspondent respectivement à ces quatre conditions : l’égocentrisme, la labilité, l’agressivité et l’indifférence affective. L’égocentrisme est la référence continue à soi-même. La labilité suppose l’incapacité pour le criminel de prévoir les conséquences de ses actes, seul domine le plaisir du criminel. L’agressivité est engendrée par l’intolérance à la frustration. L’indifférence affective est caractérisée par une dévalorisation de la victime par le criminel. Cette dernière condition est la plus importante de toutes : sans elle le passage à l’acte devient impossible.

Pinatel considère ces traits psychologiques comme « le noyau dur » de la personnalité criminelle. Mais il existe des variables qui peuvent appuyer le passage à l’acte ou au contraire le freiner. Ces variables sont induites par la société, les aptitudes physiques ou intellectuelles du délinquant ou criminel, ou encore les besoins instinctuels de ce dernier (sexuels, de nourriture…). Cependant Pinatel exclut de son raisonnement les « personnalités anormales » Ces dernières subissent leurs actes, tandis que celui qui possède les traits d’une personnalité criminelle possède la faculté de se rétracter à tout moment. Ainsi pour Pinatel, le passage à l’acte est déjà inscrit dans la personnalité de l’auteur. Il sommeille dans le psychisme de l’individu et seules les circonstances peuvent en faciliter l’expression.

  • Facteurs de risque criminel

Certaines variables en relation avec la dangerosité pour autrui sont fréquemment mises en évidence dans les travaux portant sur la violence et le risque de récidive. En France, il est habituel de différencier les facteurs de dangerosité psychiatrique de ceux proprement criminogènes (dangerosité criminologique). Les relations statistiques entre trouble mental et crime violent rendent cette dichotomie volontiers arbitraire et peu pragmatique en pratique médicolégale. Outre l’âge –15 à 30 ans – et le sexe masculin, nous classerons ici l’ensemble de ces indicateurs pronostiques selon un plan différent, plus adapté à l’évaluation d’un individu susceptible de commettre une agression contre autrui ou de récidiver.

  • Prédicateurs liés à l’enfance du sujet : Les prédicteurs sont :

– milieu familial brisé et abusif ;

– brutalités parentales, événements traumatiques ;

– perte précoce d’un parent ;

– éducation froide, hostile, permissive ;

– manque de supervision des parents ;

– placements familiaux ou institutionnels ;

– tendances incendiaires, énurésie et cruauté envers les animaux ;

– échec scolaire.

  • Prédicateurs liés aux antécédents criminels : Ce sont :

– précocité de la délinquance violente ;

– multiplicité et gravité des infractions ;

– condamnations pour violences physiques ou sexuelles ;

– non-lieux pour troubles mentaux.

  • Prédicateurs liés à l’état mental : Les prédicteurs sont :

– immaturité psychologique, intellectuelle et morale ;

– mentalisation et verbalisation déficientes ;

– introspection difficile ;

– incapacité à communiquer avec autrui ;

– caractère extraverti avec anxiété ;

– personnalité psychopathique-limite ;

– troubles psychotiques ;

– conduites addictives ;

– impulsivité pathologique, perte de contrôle ;

– automutilations ;

– fantasmes déviants agressifs, sexuels, incendiaires, sadiques ;

– comportement imprévisible, irrationnel ;

– colère, hostilité ou ressentiment chroniques ;

– égoïsme, absence de compassion, inaffectivité ;

– hyperémotivité, instabilité émotionnelle ;

– fanatisme politique, religieux.

  • Prédicateurs liés au mode de vie et aux attitudes sociales : Ce sont :

– inadaptation sociofamiliale ;

– absence d’emploi ;

– marginalité, toxicomanie, prostitution ;

– port d’arme, accès à des instruments de violence ;

– conduite automobile dangereuse, autres conduites à risques ;

– fréquentation des délinquants ;

– attitude de victime, vécu d’injustice, critique de la société ;

– négation ou minimisation des actes violents passés.

  • Prédicateurs liés à la situation précriminelle : Ce sont :

– situation de crise ;

– état de stress ;

– apparition d’un état dépressif ;

– idées de suicide ou d’homicide ;

– abus d’alcool et de stupéfiants ;

– activité et intensité des symptômes psychiatriques ;

– épisode fécond délirant ;

– forte intentionnalité de faire mal ;

– plan concret d’agression.

  • Prédicateurs liés à la victime virtuelle : Les prédicteurs sont :

– proximité affective et géographique de la victime ;

– menaces de mort à l’endroit de la victime ;

– désignation nominale d’un persécuteur ;

– victime hostile, provocatrice, dépendante, imprudente, jeune, de sexe féminin, handicapée, malade mentale, privée de liberté.

  • Prédicateurs liés à la prise en charge : Il s’agit :

– d’échec répété des tentatives de réinsertion ;

– d’absence de projets d’avenir réalistes ;

– d’attitude négative à l’égard des interventions ;

– du manque de référents médical et social ;

– de mauvaises relations avec l’entourage personnel et soignant ;

– d’absence, refus, inefficacité du traitement psychiatrique.

L’analyse de ces prédicateurs et leur association peuvent donner une bonne indication de l’importance du risque statistique théorique de passage à l’acte violent et de récidive. Le reste est affaire d’éléments circonstanciels, situationnels ou tenant à la nature et à l’attitude de la future victime. Parmi ces prédicateurs de dangerosité, les traumatismes physiques et sexuels dans l’enfance, la délinquance précoce, l’échec scolaire, l’immaturité, l’inadaptation professionnelle, les conduites addictives et les troubles mentaux tiennent une place importante. Le meilleur indicateur du risque de récidive criminelle reste cependant la fréquence et le type des antécédents judiciaires, la probabilité qu’une personne commette des actes de violence étant considérablement plus forte si celle-ci a déjà été violente par le passé.

Les troubles des conduites dans l’enfance, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité exposent à un risque plus élevé de comportements antisociaux graves ou criminels à l’adolescence et à l’âge adulte.

Malgré l’intérêt clinique et épidémiologique de ces paramètres corrélés à la dangerosité et à la récidive, il nous faut insister sur l’incertitude du pronostic d’un passage à l’acte violent. Les prévisions doivent en effet laisser une place à l’inattendu en matière d’activités humaines et aux circonstances, ces dernières étant une variable aléatoire, un élément conjoncturel. Il est cependant possible de prévoir qu’un individu se trouve dans une situation à risque de

violence, surtout si ses antécédents sont connus.

L’estimation de la probabilité d’une violence ultérieure passe par l’utilisation d’instruments ou de guides permettant au praticien de ne rien oublier d’essentiel et complétant les données objectives et subjectives de l’examen clinique. Ces instruments statistiques d’évaluation du risque ont bien entendu leurs limites . Plusieurs tests et échelles ont été proposés mais le protocole d’évaluation HCR-20 paraît avoir actuellement la faveur de la majorité des professionnels, en particulier au Canada.

Les principaux prédicateurs de récidive générale ont été résumés récemment dans une importante méta-analyse . Les facteurs statiques sont par ordre d’importance décroissante les antécédents criminels, l’âge, les méthodes d’éducation parentale, les antécédents de comportement antisocial dans l’enfance ou l’adolescence, l’ethnicité, la structure familiale, le sexe masculin, le fonctionnement intellectuel, le statut socioéconomique. Les facteurs dynamiques sont l’existence d’une personnalité antisociale, la fréquentation des délinquants, les comportements antisociaux, un conflit interpersonnel, l’absence de réussite sociale, l’abus de substances, la détresse personnelle.

Récemment, Hare et al ont élaboré la Revised Psychopathy Checklist (PCL-R) très utilisée actuellement dans les pays anglosaxons et au Canada. Le PCL-R comporte deux facteurs : un facteur 1 concernant les aspects relationnels : égocentrisme, manipulation, rudesse, absence de remords (caractéristique psychopathique nucléaire) ; le facteur 2 concerne l’impulsivité, l’instabilité et un style de vie marqué par l’irresponsabilité. Des scores élevés au PCL-R sont corrélés avec un récidivisme important d’agressions violentes.

Il existe une traduction française : l’échelle de psychopathie de Hare.

La prédiction de la violence par les cliniciens se traduit cependant par une proportion importante – 65 à 86 % – de faux positifs avec une surestimation du risque individuel, ce qui pose d’évidents problèmes éthiques. Une voie de recherche intéressante pourrait être l’étude des facteurs protecteurs de la récidive en s’intéressant aux délinquants ne récidivant pas.

  • Aspects neurobiologiques

Les recherches sur la neurobiologie de la violence tentent de découvrir des marqueurs (anatomiques, biochimiques, génétiques) permettant une meilleure compréhension de ses causes et mécanismes intrinsèques. Ces études tentent également de trouver des molécules pouvant agir sur les voies nerveuses qui fonctionneraient anormalement chez les personnes présentant des troubles mentaux et des accès récurrents de violence.

De nombreuses structures cérébrales sont impliquées dans l’agressivité dont l’aire septale, l’hippocampe, l’amygdale, le noyau caudé, le thalamus, l’hypothalamus ventromédian, le mésencéphale, le tegmentum, le pont ou les noyaux du raphé. La participation du cervelet a également été invoquée. Le cortex préfrontal apparaît comme un régulateur. Parmi les neuromédiateurs, la sérotonine, l’acide c-aminobutyrique (GABA), la noradrénaline interviendraient dans l’inhibition des comportements agressifs, la dopamine et le glutamate ayant à l’inverse un rôle excitateur. Des modèles animaux d’agressivité sont décrits depuis longtemps en relation avec une altération de la transmission de la sérotonine liée à une mutation d’un gène, à des lésions de voies nerveuses spécifiques ou à l’administration de substances inhibitrices.

Les premières études montrant une association entre une faible concentration d’acide 5-hydroxyindoléacétique (5-HIAA), principal métabolite de la sérotonine dans le liquide céphalorachidien (LCR), et des comportements suicidaires de nature impulsive et violente ont été largement reproduites dans plusieurs pays. Un certain nombre de recherches ont également montré que des délinquants violents impulsifs ont des concentrations en 5-HIAA dans le LCR significativement plus basses que les sujets contrôles.

Linnoila et al retrouvent cette différence en comparant des auteurs d’infractions violentes, impulsives et non impulsives. Des concentrations basses en 5-HIAA dans le LCR ont par ailleurs été constatées chez des incendiaires et des meurtriers récidivistes.

Pour les hommes alcooliques violents ou incendiaires, ce trait a été retrouvé associé à des antécédents familiaux de violence paternelle et d’alcoolisme. Les délinquants violents présentant ce trait biologique ont davantage d’antécédents suicidaires et un taux de récidive criminelle plus élevé. Ce caractère biologique a également été observé chez des auteurs de libéricides ou de tentatives de libéricides ayant ensuite tenté de se suicider. Des facteurs familiaux ont été observés dans des études longitudinales, l’agressivité précoce étant un prédicteur de comportements antisociaux et criminels, cette agressivité se retrouvant sur plusieurs générations.

L’ensemble des travaux concernant la sérotonine montrent qu’une certaine forme d’impulsivité, une agressivité excessive ou une incapacité à contrôler les pulsions agressives sont les variables comportementales associées à de faibles concentrations de 5-HIAA dans le LCR, indépendamment du groupe diagnostique et de l’acte commis. Il s’agit d’un « trait » génétiquement transmis. Il est très probable que des facteurs épigénétiques potentialisent ces facteurs de risque : maltraitance et carences parentales pendant l’enfance. Les recherches de la génétique ont essentiellement porté sur l’existence d’un chromosome X ou Y supplémentaire, un risque de criminalité plus élevé pouvant cependant passer par d’autres facteurs : faible niveau intellectuel, mutation ponctuelle rare d’un gène lié à l’X sans anomalie du nombre de chromosomes. Les études sur les jumeaux et les adoptés sont en faveur de l’intervention à la fois de facteurs de risque génétiques et d’environnement.

Nous ne devrions plus nous contenter d’une évaluation purement clinique ou actuarielle des comportements criminelsles plus graves. Des examens complémentaires d’exploration du système nerveux central (imagerie cérébrale) et biologiques sont maintenant justifiés.

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