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La Liberté guidant le peuple.

27 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #politique

La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix
La Liberté guidant le peuple.

© Photo RMN - H. Lewandowski

Agrandissement - Zoom

Titre : La Liberté guidant le peuple.

Auteur : Eugène DELACROIX (1798-1863)
Date de création : 1830
Date représentée : juillet 1830
Dimensions : Hauteur 260 cm - Largeur 325 cm
Technique et autres indications : Huile sur toile
Lieu de Conservation : Musée du Louvre (Paris) ; site web
Contact copyright : Agence photographique de la Réunion des musées nationaux. 254/256 rue de Bercy 75577 Paris CEDEX 12. Courriel : photo@rmn.fr ; site web
Référence de l'image : 98DE7352/RF 129

  Contexte historique

Charles X, et son impopulaire ministre, le prince de Polignac, remettent en cause les acquis de la Révolution. L’opposition libérale, par le biais du journal Le National, prépare son remplacement par le duc Louis-Philippe d’Orléans.

A la session de la Chambre le 2 mars 1830, Charles X menace de sévir. Les députés, par l’“ adresse des 221 ”, refusent de collaborer. Le roi signe et publie dans Le Moniteur quatre ordonnances tendant à supprimer la liberté de la presse et à modifier la loi électorale. C’est une violation de la Constitution. Et c’est la révolution à Paris. En trois jours dits “ Trois Glorieuses ” – les 27, 28 et 29 juillet –, les Bourbons sont renversés.

  Analyse de l'image

Achevé en décembre, le tableau est exposé au Salon de mai 1831. Il semble né d’un seul élan. Mais il découle des études faites pour les œuvres philhellénistes et d’une recherche nouvelle de détails et d’attitudes.

C’est l’assaut final. La foule converge vers le spectateur, dans un nuage de poussière, brandissant des armes. Elle franchit les barricades et éclate dans le camp adverse. A sa tête, quatre personnages debout, au centre une femme. Déesse mythique, elle les mène à la Liberté. A leurs pieds gisent des soldats.

L’action s’élève en pyramide, selon deux plans : figures horizontales à la base et verticales, gros plan faisant saillie sur le fond flou. L’image s’érige en monument. La touche emportée et le rythme impétueux sont contenus, équilibrés.
Delacroix réunit accessoires et symboles, histoire et fiction, réalité et allégorie.

La liberté

Elle remplace d’Arcole. Vision nouvelle de l’allégorie de la Liberté, c'est une fille du peuple, vivante et fougueuse, qui incarne la révolte et la victoire. Coiffée du bonnet phrygien, les mèches flottant sur la nuque, elle évoque la Révolution de 1789, les sans-culottes et la souveraineté du peuple. Le drapeau, symbole de lutte, faisant un avec son bras droit, se déploie en ondulant vers l’arrière, bleu, blanc, rouge. Du sombre au lumineux, comme une flamme.
La pilosité de son aisselle a été jugée vulgaire, la peau devant être lisse aux yeux des rhétoriciens de la peinture.
Son habit jaune, dont la double ceinture flotte au vent, glisse au-dessous des seins et n’est pas sans rappeler les drapés antiques. La nudité relève du réalisme érotique et l’associe aux victoires ailées. Le profil est grec, le nez droit, la bouche généreuse, le menton délicat, le regard de braise. Femme exceptionnelle parmi les hommes, déterminée et noble, la tête tournée vers eux, elle les entraîne vers la victoire finale. Le corps profilé est éclairé à droite. Son flanc droit sombre se détache sur un panache de fumée. Appuyée sur son pied gauche nu qui dépasse de sa robe, le feu de l’action la transfigure. L’allégorie est la vraie protagoniste du combat. Le fusil qu’elle tient à la main gauche, modèle 1816, la rend réelle, actuelle et moderne.

Les gamins de Paris

Ils se sont engagés spontanément dans le combat. L'un d'entre eux, à gauche, agrippé aux pavés, les yeux dilatés, porte le bonnet de police des voltigeurs de la garde.
A droite, devant la Liberté, figure un garçon. Symbole de la jeunesse révoltée par l’injustice et du sacrifice pour les nobles causes, il évoque, avec son béret de velours noir d’étudiant, le personnage de Gavroche que l’on découvrira dans Les Misérables trente ans plus tard. La giberne, trop grande, en bandoulière, les pistolets de cavalerie aux mains, il avance de face, le pied droit en avant, le bras levé, un cri de guerre à la bouche. Il exhorte au combat les insurgés.

L’homme au béret

Il porte la cocarde blanche des monarchistes et le nœud de ruban rouge des libéraux. C’est un ouvrier avec une banderolle porte-sabre et un sabre des compagnies d’élite d’infanterie, modèle 1816, ou briquet. L’habit – tablier et pantalon à pont – est celui d’un manufacturier.
Le foulard qui retient son pistolet sur son ventre évoque le mouchoir de Cholet, signe de ralliement de Charette et des Vendéens.

L’homme au chapeau haut de forme, à genoux

Est-ce un bourgeois ou un citadin à la mode ? Le pantalon large et la ceinture de flanelle rouge sont ceux d’un artisan. L’arme, tromblon à deux canons parallèles, est une arme de chasse. A-t-il le visage de Delacroix ou d’un de ses amis ?

L’homme au foulard noué sur la tête

Avec sa blouse bleue et sa ceinture de flanelle rouge de paysan, il est temporairement employé à Paris. Il saigne sur le pavé. Il se redresse à la vue de la Liberté. Le gilet bleu, l’écharpe rouge et sa chemise répondent aux couleurs du drapeau. Cet écho est une prouesse.

Les soldats

Au premier plan, à gauche, le cadavre d'un homme dépouillé de son pantalon, les bras étendus et la tunique retroussée. C’est, avec la Liberté, la deuxième figure mythique tirée d’une académie d’atelier, d’après l’antique, appelée Hector, héros d’Homère, héroïsé et réel.
A droite, sur le dos, le cadavre d’un suisse, en tenue de campagne : capote gris-bleu, décoration rouge au collet, guêtres blanches, chaussures basses, shako au sol.
L’autre, la face contre terre, a l’épaulette blanche d’un cuirassier.
Au fond, les étudiants, dont le polytechnicien au bicorne bonapartiste, et un détachement de grenadiers en tenue de campagne et capote grise.

Le paysage

Les tours de Notre-Dame, symbole de la liberté et du romantisme comme chez Victor Hugo, situent l’action à Paris. Leur orientation sur la rive gauche de la Seine est inexacte. Les maisons entre la cathédrale et la Seine sont imaginaires.
Les barricades, symboles du combat, différencient les niveaux du premier plan à droite. La cathédrale paraît loin et petite par rapport aux figures.
La lumière du soleil couchant se mêle à la fumée des canons. Révélant le mouvement baroque des corps, elle éclate au fond à droite et sert d’aura à la Liberté, au gamin et au drapeau.

La couleur unifie le tableau. Les bleus, blancs et rouges ont des contrepoints. Les bandoulières parallèles de buffleterie blanche répondent au blanc des guêtres et de la chemise du cadavre de gauche. La tonalité grise exalte le rouge de l’étendard.

  Interprétation

Le tableau glorifie le peuple citoyen “ noble, beau et grand ”. Historique et politique, il témoigne du dernier sursaut de l’Ancien Régime et symbolise la Liberté et la révolution picturale.

Réaliste et novateur, le tableau fut rejeté par la critique, habituée à voir célébrer le réel par des concepts. Le régime de Louis-Philippe dont elle saluait l’avènement, le cacha au public.

Elle entra en 1863 au musée du Luxembourg et en 1874 au Louvre. Image de l’enthousiasme romantique et révolutionnaire, continuant la peinture historique du XVIIIe siècle et devançant Guernica de Picasso, elle est universelle.

Auteur : Malika DORBANI-BOUABDELLAH


Bibliographie

  • Jean-Louis BORY, La Révolution de Juillet (29 juillet 1830), Paris, Gallimard, coll. « Les trente journées qui ont fait la France », 1972.
  • François FURET, La Révolution 1770-1880, Paris, Hachette, 1988, rééd. coll. « Pluriel », 1992.
  • Barthélemy JOBERT, Delacroix, Paris, Gallimard, 1997.
  • Hélène TOUSSAINT, La Liberté guidant le peuple, les dossiers du Département du Louvre n° 26, RMN, 1982.
  • Philippe VIGIER, « Paris Barricades (1830-1968) », Les Collections de L’Histoire n° 9, octobre 2000.

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Liste des martyrs de la révolution tunisienne.

27 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #politique

liste des martyrs de la révolution tunisienne.

Catégories :

5 July 2011

par letweetiphone

Ci joint la liste des martyrs de la révolution tunisienne du 14 janvier 2011, pour ne jamais les oublier et les garder à  jamais dans nos mémoires et nos coeurs, paix a vos âmes. 

Nejib Mhamdi
Mohamed Omri
Ahmed Boulaabi
Wajdi Seyhi
Ghassene Chniti
Mohamed Yassine Rtibi
Marouene Jemli
Abdelkrim Dhifi
Elfadhel Masoudi
Salem Barhoumi
Mohamed Amine Mbarki
Slah Dachraoui
Ramzi Assili
Yakine Guermezi
Belgassem Ghodhbani
Mohamed Khadhraoui
Atef Lbaoui
Walid Saadaoui
Saber Rtibi
Abdelkader Ghodhbeni
Raouf Bouzidi
Walid Griri
Ahmed Jaberi
Mohamed Nasri
Farhat Elbenhissi

Gouvernorat de Tunis

Haythem Raissi
Sahbi Nahdi
Maroua Amina
Helmi Mannai
Wael Tounsi
Chkri Sifi
Mahdi Ouni
Adel Hanchi
Mohamed Kaissi
Aymen Okaili
Hamdi Elbahri
Belhassen Laaroussi
Fathi Elwesleti
Khaled Haddeji
Ahmed Elouerghi
Hatem Mouwaffak
Nabil Ben Laaroussi
Aissa Elhafi
Cherif Mtaa’Allah
Fathi Chelbi
Mahdi Boughanmi
Karim Rouefi
Walid Jamai
Taher Merghni
Makrem Jaouedi
Elyes Elkarrech
Ahmed Ayessi
Hamdi Elbahri
Chokri Elghamlouli

Gouvernorat de Nebeul

Zouhair Souissi
Wissem Ben Salem
Ali Elmiraoui
Wael Khalil
Khalil Thebti

Gouvernorat de Sidi Bouzid

Adel Hammemi
Nizar Sellimi
Mohamed Jebli
Mouadh Khlifi
Chaouki Nasri Haidri
Mohamed Amari
Abdelbasset khadhraoui
Abdelkarim Chawati
Mohamed Salah Bouzayeni
Houssine Neji
Raouf Kaddoussi
Manel Bouallegui
Ridha Bakkari

Gouvernorat de Kairouen

Haikel Bahrouni
Alaa Eddine Theyri
Saber Hilali

Gouvernorat de Ben Arous

Mohamed Alayet
Houssine Ben Chaabene
Mouez Bouheni
Slimene Fajra
Mohamed Fathallah
Anis Houli
Elhedi Mhajbi
Mohamed Nacer Talbi
Karim Ezzouri
Ahmed Elbakkouch
Souhail Riahi

Gouvernorat de l’Ariana

Faouzi Mokaadi
Moustfa Nahdi
Majdi Monsri
Ibrahim Boutriaa
Mohamed Mimouni
Kais Mezlini
Ahmed Kriaa
Ramzi Elmay
Thabet Ayari
Ayoub Riahi
Khmayes Fadhoul
Kamel Yaakoubi

Gouvernorat de Mannouba

Abdessattar kasmi
Samir Riahi
Anis Farhati
Mossaab Mejri
Ridha Sliti
Ali Cherni

Gouvernorat de Bizerte

Mahjouba Nasri
Abdallah Trabelsi
Hassan Trabelsi
Jamel Slouhi
Mohamed Danden
Hamdi Darouich
Sofiene Marzouk
Abdesslem ben Hamed

Gouvernorat de Zaghouene

Nouri Elakibi
Ayoub Hamdi
Mohamed Soltane

Gouvernorat de Gafsa

Hassan Arfaoui
Mosbah Jouhari

Gouvernorat de Sousse

Abdelbasset khadhraoui
Sofiene Nouir

Gouvernorat de Monastir

Narjes Nouira
Nezih Ayyari

Gouvernorat de Sfax

Slim hadhri

Gouvernorat de Jendouba

Hichem Mhimdi

Gouvernorat de Kef

Mohamed Jbebli
Chawki Mahfoudhi

Gouvernorat de Seliana

Lotfi Maaoui

Gouvernorat de Gabes

Rabi3 Boujlida
Naoufel Ghamagui
Hsouna Adouni
khaled Bouzaien
Mohammed zamezmi

Gouvernorat de Beja

Lazhar Kthiri
Wael Boulaaress
Oussama Amdouni

Gouvernorat de Medenine

Aymen Merai
Bayrem satouri

Gouvernorat de Kebili

Riadh ben Aoun
Dr.Hatem Bettaher

Gouvernorat de Tataouine

Mohmed Dghim
Mohamed Ben Salah
Nadhir Momen

Gouvernorat de Tozeur

Abdelkader Makki
Maher LaabidiLamjed Hammi

 

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Ni capitalismo ni socialismo en el Islam

13 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #Economie

8 juin 2011

Ni capitalismo ni socialismo en el Islam

Publié par Administrateur à l'adresse 8.6.11

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Libellés : Divers auteurs, Islam

 

Por: Raúl Crespo
13/04/11


El islam, es una palabra que designa la religión y el conjunto de países en la que la religión musulmana es predominante, doble significado para la religión árabe que sin ella no serian el mundo árabe y su histórico aporte cultural para África, Asia Central, Medio Oriente, India, incluso China, pueblos a los que la casa blanca les puso el ojo ávido de petróleo e influencia geopolítica proyectada por la CIA.

La agencia de inteligencia redacto las normas de percepción para ver y juzgar al pueblo árabe menospreciando su ideología, la palabra de Mahoma en el Corán así como al islam, menosprecio toda la cultura musulmana que navega hinchada las velas con los integrismos y los fundamentalismos.

Se tiende a confundir el panarabismo con el islamismo, el panarabismo es parte de todo, el islamismo es una revolución religiosa, intelectual y moral, económica, tecnológica y social, casi comparada a la revolución industrial europea o con las diferencias entre los dos bloques sistemas este y oeste cuando existían, nuevas revolucione en la que la religión se somete al Estado, lo somete y le inspira el verdadero integrismo para enfrentar al imperialismo, el peligro más grande para sunitas como chiitas.

Desde que EEUU tomo la posta imperial después de 1945 no solo se transformo en un país altamente desarrollado e inmensamente rico del mundo sino que practica las violaciones mas dantescas a los derechos humanos, destinado a destruir naciones de las más antiguas de la tierra como Irak e Irán, convertidas en reservas de las culturas más valiosas en una desigual guerra en la región más codiciada del mundo en los últimos 200 siglos, donde consecutivamente se asentaron imperios.

El petróleo de negro color es el que amenaza al islam, civilización que tardo siglos en nacer, crecer y desarrollarse, es destruida en segundos por misiles “inteligentes” lanzados desde aviones F-117-16 o 18. Ningún imperio desde el romano al estadounidense entiende la influencia cultural, así, no llegan a controlar sus tierras interiores solo les interesa controlar Bagdad, Teherán, Trípoli, para decir que la coalición ha triunfado para restablecer la democracia.

Irak e Irán, son mucho más productivos que Siria y Egipto; Bagdad y Teherán, están mejor ubicados que Damasco y El Cairo, para los intereses geopolíticos de EEUU que acompañan al petróleo, además, Ahmadineyad es más peligroso que Chávez, mas fanático que el mismo Kaddafi, más peligroso que el mismo terrorismo porque el mismo lo engendra dicen… y más conflictivo que los Castro, porque, controla el Golfo Pérsico y el estrecho de Ormuz.

Los permanentes conflictos y guerras entre Líbano, Palestina, Siria, Irán, con Israel, Irak-Irán- Libia, Afganistán con EEUU y Europa, son de injerencia estadounidense por intereses geopolíticos contra Irán, en la actualidad, y las dos guerras del golfo confirman la hegemonía de Washington y de la Unión Europea tras la eliminación de la Unión Soviética, con los chinos exclusivamente en la reserva económica mundial, evitan que el mundo árabe pueda formar un bloque capaz de enfrentar económicamente y políticamente a norteamericanos y europeos.

Desde su independencia 1945-1962 el mundo islámico abría campo a una unidad de acción en donde millones de musulmanes rechazaron el capitalismo como el socialismo en su versión occidental, este rechazo se volvió histórico con el integrismo musulmán cuyos ejemplos los dio el mismo Kaddafi, Saddan, Ayatola Khomeini, y la victoria del frente islámico de salvación en Argelia, y hoy con la reelección de Ahmadinejad, confirman el avance fundamentalista porque el avance del capitalismo como del socialismo han demostrado sus límites reales en Libia, Túnez, Egipto, Argelia, Yemen.

“La única alternativa es la solución islámica” decía Abassi Madani, sociólogo y filosofo, quien reconoce como única ley la Sharia islámica “que implica la persecución a los corruptos y a los negligentes, para el retorno a un Estado islámico anterior a la colonización”.

La República islámica de Irán, no cesa en denunciar las corrupciones diabólicas de EEUU, mientras instala la tradición islámica con toda su fuerza de Estado, con un alto contenido económico-social y militar, con alta influencia chiita, divididos con los sunitas por su alianza político-militar con los estadounidenses en Arabia Saudita, Qatar, Emiratos Árabes Unidos, Bahréin, Kuwait, Argelia, Marruecos, y aunque la secta chiita no supere el 25% de la población del islam millones de musulmanes incluidos los sunitas no son insensibles al llamado de la integración cuando sienten el contraste en sus países con la prosperidad de las monarquías y de los gobiernos hereditarios comparados con los de la población.

Las revueltas en estos países son una constante guerra ideológica entre occidente y el islamismo que muestra una enorme complejidad cuando de radicalizar el islamismo se trata, porque, la integración islámica encubre realidades muy complejas por la introducción de la cultura occidental en el mundo musulmán para lograr la re islamización desde Asia Central al Cáucaso y desde Nigeria al Medio Oriente y para superar la adoración del hombre por otro hombre.

“Occidente es un accidente, su cultura es un anomalía, desde hace siglos pretende definirse con la doble herencia grecorromana y judeocristiana” dice Roger Garaudy, en su libro “promesas del islam, la tercer herencia sin la cual no se explica la Europa del renacimiento por lo tanto la Europa de la modernidad”.

Y no solo eso, “el islam es la alternativa al capitalismo y al socialismo” libro escrito en 1981 antes de la perestroika, Garaudy agrega, “lo cierto es que hoy EEUU quiere dejar al mundo musulmán en el Medio Oriente y en el Norte de África, sin historia, sin futuro y sin libertad para escoger otras alternativas” es la tesis de Garaudy en su libro “el espíritu del islam”.

En sus anti memorias Andre Malraux dice, “el siglo XXI será religioso o no será” refiriéndose al islamismo y al poder que ostentan las religiones. Antes de ser derrocado el Sha por el Ayatola en 1979 y mientras conmemoraba los 3000 años de Persia de Ciro el Grande manifestó “cuando las fuerzas religiosas se mesclen con las políticas se vivirían tiempos peligrosos”, es lo que estadounidenses y europeos desean evitar a toda costa sin conseguirlo porque eso mismo esta ocurriendo en algunos países musulmanes, los chiitas luchan encarnizadamente para que el islam no sea violado por la cultura occidental, desigual combate revolucionario, pero, tienen que lograrlo.

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Roger Garaudy:la conversion à l'islam

13 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #religion

Roger Garaudy et l'evenement de Djelfa

(ou la conversion à l'islam)

Roger Garaudy, né le 17 juillet 1913 à Marseille France, est un écrivain et philosophe, converti à l'Islam après un parcours qui l'a conduit du communisme au catholicisme.

Il a été prisonnier de 1940 à 1942 dans les camps vichystes d'Afrique du Nord (Djelfa)

Roger Garaudy a été condamné, le 17 février 1998, pour son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, (éditions de la Vieille Taupe), pour cause de contestation de crimes contre l'humanité (révisionnisme). Ce jugement a été confirmé en appel le 16 décembre 1998.

                         

Quelques extraits sur l'evenement de Djelfa

Extrait 1

Les Ben Gourion, protégés, en Palestine, par les Anglais qu'ils haïssaient, ne savaient pas ce que coûtait la résistance dans un camp de concentration. Nous qui l'avons vécue, déportés à Djelfa, au Sahara, en 1941, parce qu'on ne déportait pas encore en Allemagne, lorsque nous avons voulu saluer, par notre chant: Allons au-devant de la vie l'arrivée des autres déportés des Brigades internationales, le Commandant du camp ordonna de nous fusiller. Nous ne dûmes la vie qu'au refus des soldats Ibadites (une secte musulmane du sud) pour qui un homme armé ne tire pas sur un homme désarmé.  extrait de l'ouvrage de Roger Garaudy "LE PROCÈS DU SIONISME ISRAÉLIEN"

 

 

Extrait 2 

Au début de la Deuxième Guerre mondiale, Garaudy est considéré par les autorités du régime de Vichy comme un Propagandiste Révolutionnaire. On l’affecte donc à la « Septième DINA » (Division d’Infanterie Nord-Africaine) en Algérie, aux confins du Sahara. Au côté des Arabes marocains, algériens et tunisiens, vont se trouver à combattre des résistants au fascisme que l’on a envoyés combattre aux points les plus meurtriers. Le 4 mars 1941, au moment où un convoi de volontaires étrangers vient se joindre à eux, Garaudy, ainsi que tous les réfractaires de son camp, contreviennent à l’ordre du commandant français de s’enfermer dans leurs marabouts. Ils entonnent Au-devant de la vie… Le commandant, incapable de censurer cette impulsion contestataire donne l’ordre à la garde de tirer. Garaudy, l’espace d’un instant, croit qu’il va mourir. L’attente se fond en silence. La notion de vivre l’instant présent prend alors une autre signification ; comment, remettre à plus tard, désormais, ce qui est possible d’être accompli maintenant. Il n’a que vingt-huit ans. Mais ils ne tireront pas. Ces hommes, des « ibadites », font partie d’une secte musulmane. Leurs croyances religieuses leur ont valu, il y a mille ans, d’être poursuivis jusqu’au Sahara. C’est en réponse à l’appel de Dieu qu’ils vivent, depuis, dans cet environnement hostile. Garaudy dit de ces derniers : Ces inconditionnels de Dieu nous ont fait vivre : il est contraire à l’honneur de guerriers musulmans du Sud qu’un homme armé tire sur un homme désarmé. Ils avaient, avant nous, l’expérience de la transcendance vécue.  Roger Garaudy, Mon tour du siècle en  solitaire :  Mémoires, Paris, Robert Laffont, 1989, p. 66.

 

                                                     

Extrait 3

Dans le premier chapitre du livre Parole d'homme, Garaudy explique sa découverte de la transcendance et de la dimension féminine de la création, suite à quelques expériences de vie fascinantes:

La première expérience (1941) fut celle de faire face à la mort dans un camp de concentration à Djelfa, à la porte du désert, au Sud algérien. Ce dépouillement de la nature désertique, la présence de mitraillettes fixées sur soi, la résistance au commandant du camp qui ordonne de tirer au moment où l'on chante tous ensemble: " Allons au devant de la vie. Allons au devant du Matin ", le refus des gardiens arabes d'obéir à cet ordre, " la vie retrouvée après une si joyeuse acceptation de la mort me paraît délicieuse, même dans ce décor d'enfer " Roger Garaudy, " Parole d'homme ", éd. Laffont,Paris, 1975.

 

Extrait 4

De plus, l’adhésion à l’islam n’entraîne pas pour le Juif ou le Chrétien de devoir renoncer à ces croyances initiales ; ces deux religions du Livre sont reconnues dans le Coran.  Le fait de ne pas avoir à abandonner le schème de ses représentations primaires semble conforter Garaudy dans sa démarche de conversion. De la doctrine de l’islam, il dit n’avoir su que très peu de chose mis à part les connaissances acquises par ses lectures ainsi que l’expérience de la transcendance vécue lors de la tentative de fusillade de Djelfa.  Ce qui nous porte à croire que cette conversion, en tant que solution interprétative, s’inscrit dans la continuité d’une démarche rationnelle, voire intellectuelle de recherche de significations, mais comporte aussi un volet pratique associé à un réseau de relations. 

Si, ce réseau lors de son premier séjour en Algérie ne semble pas vraiment constitué, l’expression de la foi musulmane dans la pratique ne le laisse pas indifférent. L’événement de Djelfa a laissé un souvenir impérissable dans sa mémoire. On sent de la reconnaissance, dans son témoignage, sur cet événement. Cette situation contribue à nourrir une ouverture d’esprit par rapport à l’Islam  qui rend accessible l’exploration des significations qui y sont associées.

 Extrait de la these de Brigitte Fleury, Maîtrise en communication, Université du Québec, Montréal 2004 "Étude de la conversion religieuse . d’un point de vue communicationnel: le cas de Roger Garaudy"

Extrait 5

"Allah guides to his light whomsoever he wills"(Qur'an 24:35). At the level of secondary causes, however, there are many reasons why a Western intellectual might embrace Islam. In the case of the French Marxist philosopher Roger Garaudy, who was born in 1914 and converted in 1982 when he was 68 years old, the key factors were arguably his conviction that Western society is based on a false understanding of man, and his own life-long quest for transcendence...

Factors which played a part in Garaudy's conversion

During the Second World War, Garaudy was interned with other Communists and spent nearly three years in prison camps in North Africa. On one occasion, when he was in a camp in Djelfa in southern Algeria, he and his fellow prisoners were saved from summary execution because the Arab guards defied orders to shoot them. He subsequently learned that they owed their lives to the fact that the guards were Ibadi Muslims whose religion forbade them to fire at unarmed men. Their unconditional obedience to a higher authority than their French commandant deeply impressed him and prepared the ground for his conversion over forty years later...

                                                     By: Neal Robinson ,        FROM MARXISM TO ISLAM:  

                                                                                     THE PHILOSOPHICAL ITINERARY OF ROGER GARAUDY

 

Extrait 6

Roger Garaudy, pourquoi s’était-il converti à l’Islam ?

C’est en Algérie, vers les 1946, qu’il s’était fait prisonnier : dans le camp de concentration de
Djelfa, l’enfer en un mot. Au moment ou l’un de ses geôliers, colonialiste militaire français, s’apprêta à le tuer, un algérien Mzabi s’interposa de son corps pour le défendre en risquant sa vie.
Les Mzabis, une partie de notre chère Algérie, se conformaient et se conforment toujours à la loi islamique corps et âme. Dans leur jeune âge, ils apprenaient et ils apprennent toujours par cœur une partie du Coran. C’est de cette partie de l’Algérie, très conservatrice et jalouse de son islamité, qu’une personne, à y en a des milliers en Algérie, ait laissé, Roger Garaudy, perplexe admirateur toute sa vie. Et c’est cela même, entre autres, qui a pesé à la conversion à l’Islam de Roger Garaudy ........                     
Ecrit par Hacen  , Bejaia

 

                                Copyright © 2000, 2006 -B.S.K - Djelfa.Org -All Rights Reserved

 

Ecriteau de 1945 - Camp  de Djelfa 2005

Camp Ain Srar - Djelfa 2005

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Ni capitalismo ni socialismo en el Islam

13 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #politique

8 juin 2011

Ni capitalismo ni socialismo en el Islam

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Libellés : Divers auteurs, Islam

 

Por: Raúl Crespo
13/04/11


El islam, es una palabra que designa la religión y el conjunto de países en la que la religión musulmana es predominante, doble significado para la religión árabe que sin ella no serian el mundo árabe y su histórico aporte cultural para África, Asia Central, Medio Oriente, India, incluso China, pueblos a los que la casa blanca les puso el ojo ávido de petróleo e influencia geopolítica proyectada por la CIA.

La agencia de inteligencia redacto las normas de percepción para ver y juzgar al pueblo árabe menospreciando su ideología, la palabra de Mahoma en el Corán así como al islam, menosprecio toda la cultura musulmana que navega hinchada las velas con los integrismos y los fundamentalismos.

Se tiende a confundir el panarabismo con el islamismo, el panarabismo es parte de todo, el islamismo es una revolución religiosa, intelectual y moral, económica, tecnológica y social, casi comparada a la revolución industrial europea o con las diferencias entre los dos bloques sistemas este y oeste cuando existían, nuevas revolucione en la que la religión se somete al Estado, lo somete y le inspira el verdadero integrismo para enfrentar al imperialismo, el peligro más grande para sunitas como chiitas.

Desde que EEUU tomo la posta imperial después de 1945 no solo se transformo en un país altamente desarrollado e inmensamente rico del mundo sino que practica las violaciones mas dantescas a los derechos humanos, destinado a destruir naciones de las más antiguas de la tierra como Irak e Irán, convertidas en reservas de las culturas más valiosas en una desigual guerra en la región más codiciada del mundo en los últimos 200 siglos, donde consecutivamente se asentaron imperios.

El petróleo de negro color es el que amenaza al islam, civilización que tardo siglos en nacer, crecer y desarrollarse, es destruida en segundos por misiles “inteligentes” lanzados desde aviones F-117-16 o 18. Ningún imperio desde el romano al estadounidense entiende la influencia cultural, así, no llegan a controlar sus tierras interiores solo les interesa controlar Bagdad, Teherán, Trípoli, para decir que la coalición ha triunfado para restablecer la democracia.

Irak e Irán, son mucho más productivos que Siria y Egipto; Bagdad y Teherán, están mejor ubicados que Damasco y El Cairo, para los intereses geopolíticos de EEUU que acompañan al petróleo, además, Ahmadineyad es más peligroso que Chávez, mas fanático que el mismo Kaddafi, más peligroso que el mismo terrorismo porque el mismo lo engendra dicen… y más conflictivo que los Castro, porque, controla el Golfo Pérsico y el estrecho de Ormuz.

Los permanentes conflictos y guerras entre Líbano, Palestina, Siria, Irán, con Israel, Irak-Irán- Libia, Afganistán con EEUU y Europa, son de injerencia estadounidense por intereses geopolíticos contra Irán, en la actualidad, y las dos guerras del golfo confirman la hegemonía de Washington y de la Unión Europea tras la eliminación de la Unión Soviética, con los chinos exclusivamente en la reserva económica mundial, evitan que el mundo árabe pueda formar un bloque capaz de enfrentar económicamente y políticamente a norteamericanos y europeos.

Desde su independencia 1945-1962 el mundo islámico abría campo a una unidad de acción en donde millones de musulmanes rechazaron el capitalismo como el socialismo en su versión occidental, este rechazo se volvió histórico con el integrismo musulmán cuyos ejemplos los dio el mismo Kaddafi, Saddan, Ayatola Khomeini, y la victoria del frente islámico de salvación en Argelia, y hoy con la reelección de Ahmadinejad, confirman el avance fundamentalista porque el avance del capitalismo como del socialismo han demostrado sus límites reales en Libia, Túnez, Egipto, Argelia, Yemen.

“La única alternativa es la solución islámica” decía Abassi Madani, sociólogo y filosofo, quien reconoce como única ley la Sharia islámica “que implica la persecución a los corruptos y a los negligentes, para el retorno a un Estado islámico anterior a la colonización”.

La República islámica de Irán, no cesa en denunciar las corrupciones diabólicas de EEUU, mientras instala la tradición islámica con toda su fuerza de Estado, con un alto contenido económico-social y militar, con alta influencia chiita, divididos con los sunitas por su alianza político-militar con los estadounidenses en Arabia Saudita, Qatar, Emiratos Árabes Unidos, Bahréin, Kuwait, Argelia, Marruecos, y aunque la secta chiita no supere el 25% de la población del islam millones de musulmanes incluidos los sunitas no son insensibles al llamado de la integración cuando sienten el contraste en sus países con la prosperidad de las monarquías y de los gobiernos hereditarios comparados con los de la población.

Las revueltas en estos países son una constante guerra ideológica entre occidente y el islamismo que muestra una enorme complejidad cuando de radicalizar el islamismo se trata, porque, la integración islámica encubre realidades muy complejas por la introducción de la cultura occidental en el mundo musulmán para lograr la re islamización desde Asia Central al Cáucaso y desde Nigeria al Medio Oriente y para superar la adoración del hombre por otro hombre.

“Occidente es un accidente, su cultura es un anomalía, desde hace siglos pretende definirse con la doble herencia grecorromana y judeocristiana” dice Roger Garaudy, en su libro “promesas del islam, la tercer herencia sin la cual no se explica la Europa del renacimiento por lo tanto la Europa de la modernidad”.

Y no solo eso, “el islam es la alternativa al capitalismo y al socialismo” libro escrito en 1981 antes de la perestroika, Garaudy agrega, “lo cierto es que hoy EEUU quiere dejar al mundo musulmán en el Medio Oriente y en el Norte de África, sin historia, sin futuro y sin libertad para escoger otras alternativas” es la tesis de Garaudy en su libro “el espíritu del islam”.

En sus anti memorias Andre Malraux dice, “el siglo XXI será religioso o no será” refiriéndose al islamismo y al poder que ostentan las religiones. Antes de ser derrocado el Sha por el Ayatola en 1979 y mientras conmemoraba los 3000 años de Persia de Ciro el Grande manifestó “cuando las fuerzas religiosas se mesclen con las políticas se vivirían tiempos peligrosos”, es lo que estadounidenses y europeos desean evitar a toda costa sin conseguirlo porque eso mismo esta ocurriendo en algunos países musulmanes, los chiitas luchan encarnizadamente para que el islam no sea violado por la cultura occidental, desigual combate revolucionario, pero, tienen que lograrlo.

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Une modernité darwinienne

13 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #divers

14 janvier 2011

Une modernité darwinienne

Comme une odeur de poudre dans la modernité, par Dr.Abdel-Wahhab El Messiri

En   Occident, mais également dans le monde arabe, on évoque de façon récurrente la modernisation de nombreux domaines de nos sociétés : le domaine politique (la démocratie), économique (plus de privatisations) et éducatif (aligner les enseignements sur les critères occidentaux modernes). D'aucuns ont commencé à avancer que l'Islam est, par nature, contraire à la modernité, ce contre quoi divers penseurs arabes et musulmans se sont élevés, en s'efforçant d'apporter la preuve irréfutable que l'Islam, par nature, n'est en rien contraire à la modernité, qu'il accueille cette dernière à bras ouverts et peut faire siens ses préceptes et ses valeurs.

Ce   débat présuppose que le terme de « modernité » possède une signification et une connotation bien définies, que la modernité est a-historique, que ses manifestations ne varient pas d'une civilisation à   l'autre, ou d'une époque historique à l'autre, qu'il n'y a, en somme, qu'une seule modernité. On a habituellement recours aux dictionnaires occidentaux afin de connaître la signification précise d'un terme, de savoir exactement ce qu'il recouvre ; ainsi, après avoir pris connaissance des diverses acceptions du mot et les avoir admises, totalement ou en partie, avec une assurance confondante, le problème de sa traduction est posé, et ce sans que ces définitions n'aient auparavant été vérifiées, sans que leur adéquation à la réalité, la nôtre tout autant que celle de l'Occident, n'ait été mise à l'épreuve, et sans que n'aient été étudiées les révisions que connut ce terme en Occident, ou l'histoire du phénomène auquel ce rapporte le terme en question. Le terme de « modernité » ne constitue pas une exception à la règle. Pour nombreuses que soient les définitions du concept de modernité, il existe un consensus autour du fait que la modernité est étroitement liée à la pensée des Lumières, laquelle repose sur l'idée que l'être humain est tout à la fois le centre et le maître de l'Univers, et que son intelligence est la seule chose dont il ait besoin   pour étudier la réalité, organiser la société ou distinguer le bien du   mal. Dans cette perspective, la science en vient à constituer le fondement de la pensée, la matrice du sens et des valeurs ; la technologie quant à elle, apparaît comme le mécanisme essentiel en vue d'exploiter la nature et de la restructurer au profit du bonheur de l'être humain.

Voilà   qui, aux yeux de certains, pourrait apparaître comme une définition exhaustive, ou du moins suffisante, mais il n'est que d'analyser la situation de façon plus détaillée pour s'apercevoir que la modernité ne se résume pas à l'utilisation de l'intelligence, de la science ou de la   technologie. Il faut en effet préciser que celles-ci sont utilisées tant  qu'instances neutres, ne charriant aucune valeur. C'est là une dimension cruciale de la modernité occidentale, car dans un monde dépourvu de valeurs, toutes les choses sont égales et, partant, relatives. Dans ce contexte, il s'avère difficile d'émettre un jugement,   il devient impossible de distinguer le bien du mal, la justice de l'injustice, l'essentiel du relatif, et finalement l'être humain de la nature ou de la matière. Dès lors, comment les disputes et les conflits pourraient-ils être résolus, les différences résorbées, si tous se situent au coeur même de l'existence humaine ? En l'absence de valeurs absolues, l'individu ou le groupe ethnique deviennent leur propre référence : ce qui oeuvre à leur profit est tenu pour fondamental tandis   que ce qui va à l'encontre de leurs intérêts est considéré comme néfaste. C'est ainsi qu'apparaissent la force et la volonté individuelles entendues comme le seul mécanisme apte à résorber les conflits et apporter une solution aux différences.

Telle   est la modernité du monde occidental qui l'a conduit à se percevoir, lui seul et non l'être humain ou l'humanité, comme le centre du monde et   à appréhender ce dernier comme un matériau exploitable à sa guise, en arguant de sa supériorité et de sa puissance. Voilà pourquoi l'ordre de   la modernité occidentale est en réalité un ordre impérialiste darwinien.  C'est là une définition plus vraie de la modernité qui se fonde sur sa  formation historique, et non sur sa définition lexicale, et qui permet  de faire une lecture appropriée des phénomènes modernes.

Dans   sa déclinaison moderne, l'Occident assurait qu'il incarnait une civilisation humaine (humaniste) qui plaçait l'être humain au centre de l'univers, que les sociétés occidentales se caractérisaient par une grande cohésion familiale et sociale, et que nombre d'événements négatifs – devenus depuis lors un modèle stable et un phénomène bien défini – dont tout un chacun pouvait être le témoin direct ou indirect, n'étaient que des manifestations isolées (et non des indices) qu'il fallait par conséquent tenir pour des épiphénomènes. Ainsi, les réformistes (libéraux, marxistes et musulmans) proclamaient à l'unisson qu'il fallait suivre l'Occident, c'est-à-dire adopter l'ordre de la modernité occidentale, sans qu'aucune voix ne s'élève pour s'opposer ou critiquer la modernité ; au contraire, tous chantaient les louanges de cette modernité qui, il est vrai, jouissait alors d'une image positive.

Cependant,   peu à peu, la modernité allait révéler son visage darwinien, envoyant ses armées coloniales pour tout détruire, tous nous détruire, et faire de nos pays un réservoir de matériaux divers, une source de matières premières et de main d'oeuvre bon marché, ainsi qu'un marché toujours ouvert pour l'afflux de marchandises occidentales. Dans un premier temps, les penseurs réformistes ne firent pas le rapprochement entre la modernité et l'impérialisme occidental. Ils visitaient les capitales occidentales et n'y voyaient que les illuminations et les Lumières, tandis que leurs canons décimaient nos pays, tandis que ceux qui étaient   resté au pays observaient les incendies, entendaient le fracas des bombes et respiraient l'odeur de poudre.

Un   livre d'histoire rapporte que les forces françaises, s'adressant à un Cheikh algérien, affirmèrent qu'elles étaient venues dans le seul but d'étendre la civilisation occidentale moderne à toute l'Algérie. Sa réponse ne se fit pas attendre, et fut sèche, brève et éloquente : « Mais alors, répondit-il, pourquoi avez-vous amené tant de poudre ? ». Le Cheikh, comme beaucoup après lui, avait saisi dès le départ la relation entre modernité occidentale et impérialisme. En Occident, l'époque des découvertes géographiques et de la Renaissance est également celle qui inaugure l'extermination de masse. Comme le disait le dirigeant algérien Ben Bella : « Cette idole industrielle moderne est   responsable de l'assassinat de toute une race [les Amérindiens], des habitants indigènes des deux Amériques, et de la déportation par les navires négriers d'une autre, la race noire, dont elle a réduit des millions de ses représentants en esclavage ; ce qui élève le nombre de victimes de ce processus à quelques cent millions d'êtres humains, en prenant en compte le fait que pour chaque esclave que les négriers occidentaux capturaient, ils en tuaient neuf. » Ben Bella poursuit en évoquant l'extermination des indigènes du Mexique, ainsi que des Algériens qui moururent par millions durant les nombreuses révoltes contre le colonialisme français. On pourrait ajouter à cette liste la guerre de l'opium en Chine, les famines que connut l'Inde du fait de l'application des lois occidentales sur la propriété privée, ou encore les deux guerres mondiales qui coûtèrent à l'humanité 20 millions de morts durant la première, et 50 millions durant la deuxième, sans oublier les bombes larguées à Hiroshima et Nagasaki et les victimes du goulag en URSS. Pareille situation est bien résumée par le héros de la Saison de la migration vers le nord de   Tayeb Salih : « J'entends le bruit des épées romaines à Carthage, le fracas des casques de la cavalerie d'Allenby foulant la terre de Jérusalem. Lorsque les bateaux sillonnèrent le Nil pour la première fois, ils étaient chargés de canons, et non de pain ; les voies ferrées furent tracées pour acheminer des soldats, et les écoles créées pour nous apprendre à dire "oui" dans leur langue. »

Avec   l'arrivée des armées coloniales, le monde arabe et musulman vola en éclats, et sa population fut soumise à divers types de colonialisme : colonialisme militaire pour l'Egypte, la Syrie, le Liban, le Maroc, le Soudan, l'Irak et la Lybie ; colonisation de peuplement pour l'Algérie ;   colonisation et occupation en Palestine. Le colonialisme s'assura la collaboration des forces traditionnelles et réactionnaires de la société   et s'efforça d'entraver la modernisation de ces espaces occidentalisés   en écrasant l'expérience menée par Muhammad Ali, la première expérience  de modernisation menée hors du monde occidental, pour ensuite étouffer  la révolte populaire d'Urabi en apportant l'aide de ses armées modernes  au Khédive. Il en alla ainsi jusqu'à l'instauration d'États modernes –  qui n'ont de moderne que leurs appareils répressifs et sécuritaires.  Puis le monde moderne occidental implanta au beau milieu du monde arabe,  par la force des armes, un groupe de colons qui affirmait que la  Palestine était une terre dépeuplée, et qu'ils étaient un peuple juif  qui retournait à la terre de leurs ancêtres, comme le veut la Bible.

De   nos jours, les sionistes et les Américains exigent que les institutions  de l'autorité palestinienne se modernisent, et ce en dépit du fait que  les sionistes, à l'instar des colonialistes, refusèrent toujours de  dialoguer avec les secteurs modernes de la société palestinienne, comme  les syndicats ouvriers ou les partis politiques – avant 1948, ils  allèrent jusqu'à assassiner l'un des dirigeants syndicaux palestiniens –  et préférèrent traiter avec les secteurs traditionnels, qu'ils  croyaient plus malléables et incapables de saisir la nature de  l'offensive coloniale britannico-sioniste qui était en train de se  déployer. Mais leurs attentes furent déçues, car lorsqu'ils engagèrent  le dialogue avec certains dirigeants traditionnels (sous la direction du  Cheikh Rashid Reda), les Palestiniens firent part de leur souhait de  modernisation de la société et ne virent aucun inconvénient au recours à  des capitaux et à des experts étrangers, à condition que les principes  démocratiques fussent appliqués, à savoir des élections libres – conçues  comme seule moyen de parvenir à la paix – dans lesquelles tout citoyen  aurait le droit de vote. Haïm Weizmann a très justement noté qu'il  s'agissait là d'une paix mortuaire, dans la mesure où la mise en oeuvre  des idéaux démocratiques en Palestine aurait supposé que les colons  sionistes constituent une minorité, que ceux-ci n'exercent pas de  contrôle sur le devenir des Palestiniens et renoncent à établir cet État  exclusivement juif auquel il tenaient tant et pour lequel ils pouvaient  compter sur le soutien inconditionnel de l'Occident moderne et  démocratique. À cet égard, un intellectuel israélien a pu souligner que  l'État sioniste n'est désormais plus un État démocratique mais un État  démographique, en d'autres termes à majorité juive. Aujourd'hui,  l'Occident réclame la modernisation des régimes politiques arabes et du  système éducatif islamique, mais par « modernisation » il faut ici  entendre le renoncement aux valeurs et aux structures culturelles  garantes d'une certaine cohérence, laquelle nous permet de résister aux  tentatives d'invasion militaire et culturelle. On comprend dès lors le  sens de l'expression « modernisation naturelle », utilisée par un  intellectuel pour décrire ce type de modernisation, qui décrit le  processus par lequel nous sommes conduits à accepter l'injustice à notre  encontre ainsi que l'exploitation qui nous consume et nous opprime.  Néanmoins, les effets négatifs de la modernité darwinienne ne se  cantonnent pas au seul monde arabe : ils concernent le monde entier,  l'espèce humaine dans son ensemble. Cette modernité a érigé l'idée de  progrès infini en fin ultime de l'homme, mais pareil progrès s'apparente  à un mouvement dirigé vers une fin dont on ne trouve nulle définition  dans les dictionnaires, mais dont nous savons tous en quoi elle consiste  en pratique, à savoir la soumission du monde entier au profit de  l'homme occidental. Les chiffres de la consommation sont devenus le  principal indicateur de progrès ; et notamment la consommation  d'inépuisables ressources naturelles par l'homme occidental, à tel point  que la population occidentale qui ne représente que 20% de la  population mondiale, consomme à elle seule 80% des ressources  naturelles. Au cours du siècle dernier, la population des États-Unis a  consommé davantage que l'ensemble de l'humanité tout au long de son  histoire, mais les ressources naturelles sont limitées, ce qui est à  l'origine de la crise environnementale qui va mener l'humanité à sa  perte. Une étude avance que si le modèle occidental du progrès se  généralisait, il faudrait six planètes afin d'en extraire des matières  premières, et deux pour y déverser les déchets. Tout cela signifie que  le projet occidental de modernité darwinienne est un projet impossible,  qui ne profite qu'au monde occidental et à une partie des élites au  pouvoir dans les pays du Tiers Monde. L'orgie darwinienne déclenchée par  les États-Unis en Irak signale avant tout que la classe dirigeante  nord-américaine a tiré les conséquences de cette situation, et entend  conquérir une position hégémonique sur des ressources naturelles qui se  font rares, afin de garantir la stabilité de ses indices de  consommation, ce qui est après tout la promesse centrale de la modernité  darwinienne.

À   nos yeux, il est clair que le prix, matériel et moral, que nous fait payer l'ordre de la modernité occidentale est extrêmement élevé. Intéressons nous d'abord à l'aspect matériel : certaines études utilisent l'expression de « capital naturel fixe » pour désigner les éléments de la nature qui ne peuvent être remplacés. Par ailleurs, certaines statistiques soutiennent que si l'on comptabilisait les coûts réels d'un quelconque projet industriel occidental (c'est-à-dire le profit monétaire direct auquel on soustrait la perte que constitue l'utilisation du capital naturel fixe), celui-ci s'avèrerait déficitaire ; le succès et la pérennité du projet industriel occidental ressortit au fait que l'espèce humaine dans son ensemble en a payé le prix, bien que seul l'Occident en ait tiré profit. Voilà qui explique le   coût exorbitant du progrès tant exalté par la modernité impérialiste darwinienne : l'érosion de la couche d'ozone, la contamination des océans, la désertification produite par la déforestation, les déchets nucléaires, la pollution et le réchauffement climatique.

La   modernité darwinienne n'est pas sans effet sur le tissu social et sur ses structures fondamentales. Citons à cet égard quelques uns des divers  phénomènes sociaux qui en résultent : l'érosion de la famille, le  manque de communication entre les personnes, les maladies mentales, un  sentiment d'aliénation exacerbé, la solitude et l'isolement, l'assomption de l'homme unidimensionnel, le primat des paradigmes quantitatifs et bureaucratiques, la hausse de la violence et de la délinquance (le secteur pénitentiaire connaît aux États-Unis une des croissances les plus élevées qui soient), la pornographie (les coûts matériels de sa production et moraux de sa consommation), le règne de la   marchandise (qui n'apporte rien à la connaissance de l'homme ou à l'approfondissement de sa sensibilité, et dont la production et la consommation sont, socialement, une perte de temps), le développement de   l'État et de son emprise sur les individus par l'entremise de ses appareils sécuritaires et éducatifs, l'hypertrophie du secteur du divertissement et des médias (qui envahit la vie privée et joue un rôle écrasant dans la constitution de l'imaginaire, des rêves et des aspirations de tout un chacun) dont les responsables ne sont ni élus ni tenus de rendre des comptes ; ajoutons à cela l'industrie de l'armement   et les armes de destruction massive (on estime que, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, on dépense plus en armement qu'en nourriture et en vêtements), la possibilité de détruire le monde en une fraction de seconde (au moyen des armes nucléaires) ou progressivement (par la pollution), et la peine profonde que tout cela occasionne pour l'homme moderne. À ce point, les effets moraux et matériels convergent,   sans qu'il soit possible de les différencier.

De   nombreux penseurs occidentaux se sont interrogés sur ce côté obscur de   la modernité darwinienne, à tel point que des formules comme « crise de  la modernité », « crise du sens » ou « crise morale » sont devenues des  lieux communs de la sociologie occidentale, signe que cette prise de  conscience s'accentue. La pensée écologiste, le refus de la mondialisation et du capitalisme sauvage, les théories de l'école de Francfort, ainsi que les nouvelles pensées centrées sur la recherche d'un développement durable et d'une mondialisation solidaire, constituent autant de postures de rejet de la modernité darwinienne et de la menace qu'elle fait peser sur la population de la planète et sur l'humanité de l'être humain. Critiquant la modernité darwinienne, Roger Garaudy, avant sa conversion à l'islam, affirmait : « Nous devons aujourd'hui livrer bataille contre le mythe occidental du progrès et de la croissance, car il s'agit d'un mythe suicidaire, mais aussi contre l'idéologie fondée sur la séparation opérée entre science et technologie   d'une part (l'organisation des moyens et la capacité), et le savoir (élaborer les fins et le sens de nos vies) d'autre part. Cette idéologie   se distingue par l'accent qu'elle met sur une individualité exacerbée qui scinde l'homme en diverses dimensions humaines. Elle a, en définitive, créé une tombe suffisamment profonde pour enterrer le monde » .

En   cela, Garaudy voit juste car la modernité occidentale a débuté en arguant qu'elle concevait l'homme comme le centre du monde et s'est close sur ces mots de Michel Foucault :

« À tous ceux qui veulent encore parler de l’homme, de son règne ou de sa libération […] on ne peut qu’opposer un rire philosophique […] [car] on peut parier que l’homme s’effacer[a] comme à la limite de la mer un visage de sable ». Le monde a débuté sans l’être humain, et s’achèvera sans lui. »1  

La   promesse de la modernité occidentale était de confirmer la centralité de l'être humain au sein de l'univers, mais sa réalisation historique nous mène tous, pas à pas, à la mort de l'homme, ou, plus encore, à la mort de la nature. L'attitude adoptée à l'égard de cette modernité darwinienne dépourvue de valeurs est partie intégrante de cette révolution mondiale et de la volonté de réviser les concepts anti-humains qui subjuguent la civilisation moderne.

Il   serait ainsi plus fructueux que tous nous unissions nos forces et nous   coopérions afin de construire un projet modernisateur arabe et islamique  qui participerait d'une tentative générale de l'humanité pour dépasser  la modernité darwinienne et son vide axiologique (fondée qu'elle est sur  le conflit, la concurrence, la lutte de tous contre tous, et le  consumérisme débridé), et parvenir à une modernité humaine, qui  partirait de notre humanité commune : une modernité qui organiserait la  société de manière différente, ne concevrait pas l'homme comme une pure  matière, ne se dissocierait pas de certaines valeurs mais, au contraire,  opérerait dans leur sillage. Une modernité qui comprendrait que la  recherche du bonheur n'est pas nécessairement favorisée par  l'accumulation de richesses, l'exploitation sans frein de la nature et  de l'homme, mais bien par l'adoption de valeurs humaines, par l'adoption  des idéaux de justice, de solidarité, de compassion et d'équilibre (à  l'égard de soi-même et de la nature). Notre bien-être en dépend, ainsi  que celui de toute l'humanité.

Mais, Dieu seul sait...


1   Michel Foucault Les mots et les choses.


  Dr.Abdel-Wahhab El Messiri

 

Traduit par Emmanuel Delgado Hoch pour le GDT

Publié par Administrateur à l'adresse 14.1.11

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Le sacré et le réel -George Garaudy

13 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #religion

23 août 2010

Le sacré et le réel

Interview de Roger Garaudy. "Témoignage Chrétien" du 31/03/1994. A l'occasion de la sortie de son livre "Avons-nous besoin de Dieu ?" Editions Desclée de Brouwer.


* Chrétien, marxiste et maintenant musulman: votre itinéraire apparaît sinon inédit du moins singulier, voire déroutant. Comment vous y retrouvez-vous vous-même dans des compagnies aussi diverses que celles de Marx, de Jésus ou de Mohammed ?
- Vous oubliez Kierkegaard. Dans son oeuvre "Crainte et tremblement" où il fait sept versions successives du sacrifice d'Abraham, le jeune homme que j'étais à l'époque de la grande crise des années trente a trouvé définitivement une vision du monde. J'ai compris qu'au-delà des petites morales et logiques, il existe des valeurs absolues, des attachements inconditionnels et qui m'apparaissent, alors comme aujourd'hui, comme le fond permanent pour sortir des crises. Alors quand je suis devenu chrétien comme aujourd'hui je suis musulman, j'ai toujours cherché, à travers ce que certains appellent l'histoire de mes variations, une certaine continuité: l'unité du monde et le refus de l'accumulation de la richesse à un pôle de la société et de la misère à l'autre, ne sont-ils pas au centre de la révélation qu'ont reçue le christianisme et l'islam, afin que le monde soit un comme le Dieu qui l'a créé ? 

* Vous n'avez cessé de jeter des ponts entre les mondes chrétien et communiste. Quel fleuve sépare les deux rives ?
- Le marxisme est censé être un régime qui donne tous les moyens politiques, culturels, économiques et spirituels à tout enfant qui porte en lui le génie de Mozart ou de Raphaël. Le théologien Karl Rahner disait: même à supposer que le marxisme atteigne ces objectifs, ce sont des fins avant-dernières, le christianisme étant la religion de l'avenir absolu.

* Et pourtant vous vous êtes converti à l'islam ?
- Je n'aime pas le mot conversion qui implique un retournement et par conséquent rejet de ce que l'on a cru autrefois. Je crois qu'il y a une continuité, une continuité abrahamique. La shari'a, c'est-à-dire le chemin vers la source, belle métaphore pour parler de Dieu comme du chemin par lequel les chameaux atteignent le point d'eau, a été ouverte à et par tous les prophètes: Abraham, Noé, Moïse, Jésus et Mohammed. J'ai entamé l'étude de l'islam en 1946 pour montrer l'apport décisif du monde arabo-islamique au monde occidental: les savants de Cordoue, l'essentiel de la science mathématique, la méthode expérimentale qui vient en particulier de l'Egyptien Ibn all-Haytam au XIIe siècle, la chirurgie, l'astronomie. J'ai ensuite été frappé sur le plan religieux, par la façon dont on voyait Jésus dans le Coran. Il en est mieux parlé que de Mohammed lui-même; qu'il est né d'une vierge de naissance surnaturelle. Il y est dit qu'un musulman doit honorer à la fois tous les prophètes et le messie des chrétiens. Il est dit que Dieu a insufflé son esprit en Marie et a fait d'elle et de son fils des modèles pour le monde, c'est-à-dire n'ayant jamais commis de péché. Et surtout, jamais dans le Coran il n'est parlé de Jésus en termes de domination. Il n'en est jamais parlé comme en parle saint Paul.

* Qu'est-ce qui sépare aujourd'hui l'islam et le christianisme ?
- L'islam exclut a priori l'idée de clergé, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de médiateur entre Dieu et celui qui a foi en lui. En principe, car dans la pratique, il n'en a pas toujours été et il n'en est pas toujours ainsi. Voyez l'exemple de l'Iran actuel où il y a bel et bien un clergé hiérarchisé. Ce qui oppose aujourd'hui l'islam et le christianisme ne tient pas au contenu de leur foi. Mais bien à leurs mutuelles concessions aux régimes régnants. Pour la catholicité, je citerai: le comportement de l'épiscopat allemand sous Hitler, de l'épiscopat français - sauf de Mgr Salièges, évêque de Toulouse - sous Vichy, de l'épiscopat espagnol lors de la guerre civile, la reconnaissance par le Vatican, seul état du monde, de la junte militaire qui avait renversé le père Aristide en Haïti, la bénédiction spéciale envoyée par Jean-Paul II à Pinochet, etc. Dans l'islam, il y a également un phénomène de ce genre. Le centre de l'intégrisme, de l'islamisme - qui est une maladie de l'islam - c'est de croire qu'on possède la vérité absolue et que puisqu'il en est ainsi, on a le devoir de la faire partager aux autres. Un exemple de ce qui me paraît le plus caricatural et monstrueux est ce qui se passe en Arabie saoudite. Cela peut paraître paradoxal que je le dise puisque j'ai reçu il y a quelques années le prix Fayçal, qu'ils appellent le Nobel des Arabes, du roi Faad. Or, il représente une forme de prostitution politique parce qu'il détruit en sa racine même ce qui fait la force de l'islam en confondant la shari'a, voie morale, éternelle et universelle, avec la législation, la fiqh.

* Au-delà des religions, existe-t-il quelque chose comme une foi unique ou un coeur unique d'une foi diverse ?
- Cela m'est égal que vous soyez musulman, chrétien, bouddhiste ou autre. Ce qui m'intéresse, c'est ce que cette foi a fait de vous. Le théologien Raimundo Pannikar a écrit le plus beau livre que j'aie jamais lu: La Trinité. Il montre que la trinité chrétienne n'est pas une propriété des chrétiens, mais une vérité pour tout le monde, même pour les musulmans. Rouzbehan de Chiraz, un soufi persan, définit la trinité merveilleusement: Dieu c'est l'unité de l'amour, de l'amant et de l'aimé.

* Jésus est universel, "suprareligieux" ?
- Remarquez la différence de langage: parlant aux Juifs, Jésus dit toujours Vos ancêtres, votre Dieu, il ne s'implique pas; tandis que saint Paul dit toujours  Nos ancêtres, notre Dieu. C'est une différence radicale avec l'enseignement de Jésus, qui s'est fait homme. Il ne s'est pas fait chinois, chrétien, juif ou musulman, mais homme, avec la conscience d'unité. Dans le Coran, musulman signifie Soumis à Dieu, et pas le sens restreint donné après la prédication du Prophète.

* Favoriser la rencontre des cultures et des religions, et en même temps vouloir sauvegarder les spécificités culturelles, n'est-ce pas contradictoire ?
- La mondialisation est une dominante, une unité impériale. Alors que la véritable universalité, c'est le contraire: une unité symphonique, chaque peuple apportant sa contribution à tout point de vue, économique, politique ou spirituel. Une symphonie avec Jésus comme chef d'orchestre.

* Vous écrivez que l'islam a besoin d'une théologie de la libération. N'a-t-il pas d'abord besoin d'un Siècle des Lumières ?
- Ah non, j'ai horreur du Siècle des Lumières. Si vous niez par principe toute espèce de transcendance, si vous considérez le déterminisme comme loi suprême, vous ne pouvez que défendre une doctrine conservatrice. Charles Maurras, en France, était un déterministe passionné, parfaitement logique avec lui-même. Si le présent est la résultante du passé, si l'avenir est le prolongement du présent, on ne peut être que conservateur. La révolution a plus besoin de transcendance que de déterminisme. Voilà l'apport des théologiens de la libération. A mon avis, ce sont les seuls qui ont fait une vraie critique du marxisme.

* C'est la liberté de pensée qui manque à l'islam ?
- Certains ont dit que l'islam est le protestantisme oriental. Je ne le crois pas. La réforme protestante a été un grand moment d'esprit critique. Or, dans l'islam dominant, on a tué l'esprit critique. Trés vite, on a hiérarchisé l'islam en réservant à quelques-uns le droit d'interpréter, contre ce qu'en dit le Coran. Dans celui-ci, chaque croyant est responsable de sa foi; il ne doit pas s'en remettre à de soi-disant théologiens, de soi-disant ulémas.

* Comment refaire le lien entre cette conviction et les conditions concrètes de la société telle qu'elle est, les gens tels qu'ils sont ?
- Deux facteurs jouent en notre faveur. D'abord, la nécessité, qui n'a jamais été aussi urgente. A aucun moment de l'histoire, l'homme n'a eu comme aujourd'hui la possibilité de détruire la planète. Il y a des trous dans l'ozone, etc. Ou l'homme crèvera, ou l'homme changera; changer ou disparaître. Deuxièmement, il y a une prise de conscience croissante des dangers que nous courons. On ne tue pas la conscience.
  Les théologies de la libération ont été combattues fermement à la fois par la CIA et par le Vatican, sans qu'ils parviennent à les tuer. Malgré la propagande en sens inverse, un éveil des peuples est possible.


* Comment définissez-vous le progrès ?
- Le discernement du réel, discerner le réel de l'artificiel. En ce moment, les trois quarts de nos besoins sont artificiels. Je crois que le sacré n'est rien d'autre que la perception correcte du réel. On nous crée des mondes artificiels grâce à la technique, alors que celle-ci pourrait être un outil d'éducation au réel formidable. Le marché est utile pour répondre à des besoins. Mais on a inversé l'ordre: on crée d'abord les réponses, puis on invente les besoins. Pourtant j'ai confiance. Malgré toutes les manipulations je crois que la prise de conscience n'est pas bloquée.

(Propos recueillis par André Linard, Pierre Schöffers et Jos Schoonbroodt)

Publié par Administrateur à l'adresse 23.8.10

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Marx and Islam

13 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #religion

GeorgeJochnowitz

Marx and Islam

Before I lived in China, I opposed Marxism because I considered it cruel. After spending a profitable and enjoyable semester teaching at Hebei University in 1984, I not only opposed Marxism, I hated it - because it combines cruelty with opposition to reason. Suppressing free speech, which every Marxist regime has done, is a way of opposing thought. I learned about the great famine of 1959-61 when I lived in China. Like the famines created by Stalin, Pol Pot and the Kims - Kim Il Sung and Kim Jong Il - Chairman Mao's famine, the worst in human history, was murderous and, at the same time, purposeless and idiotic.

When I went back to China to teach at Hebei University during the spring semester of 1989, my own students were among those demonstrating in Tiananmen Square. I felt I saw Marxism as an intellectual system die before my eyes. Indeed, within a few months, Communist regimes had been overturned in country after country. In China, however, where 1989 began, the ghost of Marxism continues to rule, alas.

The ghost of Marxism remains alive in the West as well. Karl Marx is still honored even though socialism is considered a failure. Leftists - those who worship the ghost of Marx - hate America. America is the land of civil rights, women's rights, and gay rights. Leftists don't know this. They support these rights, but continue to oppose America.

The political institutions of the Western world arose from the thinking of an era called the Enlightenment or the Age of Reason. Reason was obviously not invented in the 18th century; what is significant about that period in history is that reason became a political issue. The idea of political freedom was a logical outgrowth of a belief in reason, since the politics of reason depends on the freedom to reason.

Karl Marx did not consider himself a mystic, and the philosophy he created was consciously committed to rationality. Yet Marxism has a definite mystical component. Marxists believe that capitalism is doomed, although there is no evidence to support such a belief. Stranger yet, they believe the state will wither away, although few states were ever less designed to wither than communist regimes. They even believe that alienated labor and conflict will end all by themselves once communism is achieved. If that is not mysticism, what is?

Marxism, like any human phenomenon that exists through time, has evolved. It has been modified by Leninism - and by its own power. What started out as a system concerned with economics, achieving a classless society, has developed into a doctrine concerned with maintaining and extending its influence. Its goal is orthodoxy.

Before 1989, there were probably only two systems of belief left in the world that people would kill for: Islam and Marxism. Now there is only one: Islam. Deng Xiaoping, the last leader to kill for Communism, ordered the Tiananmen Massacre because he wanted the Chinese to believe in Marx. The counterexamples of Bosnia, Kosovo, and Northern Ireland immediately come to mind, but the troubles in these places are national rather than religious struggles, though the nationalities are defined by religious affiliation. In the 20th century, killing for one's nation is widespread; killing for one's belief is restricted to the world of blind faith. No one in Northern Ireland planted bombs to argue for the truth of transubstantiation versus consubstantiation. The citizens of Ulster, like those of Bosnia and Kosovo, fought for the control of their country, not to propagate their beliefs.

To a certain extent, we live in a post-Marxist, post-Jewish, post-Christian world. It is true that there are many countries (Israel and the Republic of Ireland are examples) where the dominant religion is powerful; it is even true that in China, Cuba, and North Korea the official faith can never be challenged. Only Islam, however, has never faced widespread agnosticism and indifference. It is impossible to find a believer in Judaism so fervent as to advocate stoning for adultery or a Catholic so devout as to believe in a revival of burning at the stake. It is even hard to find a Marxist who believes that struggle sessions and purge trials should return to China and Russia. But there are Islamic countries where both adultery and heterodoxy are punishable, and on occasion, capital offenses.

Muslims and Communists waged a bloody war in Afghanistan for several years. Islamic states have jailed Marxists; Communist countries have persecuted Muslims. Nevertheless, for a long time, there has existed an implicit Marxist-Islamic alliance. It operates in votes at the United Nations and in acquiescence or complicity in international terrorism. Leftist writers now feel free to attack Stalin and Mao, and maybe even Castro, but they remain blind to the excesses of Islamic regimes. For example, the Left has still not faced the fact that Khomeini's revolution in Iran and the victory of the Taliban in Afghanistan set back the rights of women more than any other event in any country in recorded history. During the first Gulf War, American leftists claimed they supported the relatively secular regime of Saddam Hussein over the orthodoxy of Saudi Arabia, but Hussein's strident anti-Zionism and anti-Americanism were what really linked him to the left. After that war Saddam Hussein became more openly pro-Islamic; nevertheless, he did not lose any support among secular leftists.

The alliance still survives. North Korea has sold weapons to Iran. "Egypt's military relationship with North Korea goes back to the early 70s, when Pyongyang sent an air battalion to Egypt as a sign of solidarity in its war with Israel," according to an article by Eli J. Lake and Richard Sale in the June 22, 2001, issue of the Middle East Times entitled "U.S. Worries over Egypt-North Korea Missile Program." More recently, the London Review of Books, a leftist journal, ran a series of letters in its October 4, 2001, issue expressing varying degrees of hostility to the United States after the events of 9/11. Perhaps the most egregious was a letter by Eric Foner, an otherwise intelligent scholar of American history, who wrote, "I'm not sure which is more frightening: the horror that engulfed New York City or the apocalyptic rhetoric emanating daily from the White House."

Marxism was strong - and Islam still is - for a variety of reasons. Each is a complex system of analysis, supported by a wealth of intellectual tradition, which can explain with every aspect of human life. To the educated, these philosophies offer a framework; to the simple, they offer the security of always knowing what is right and wrong. These positive strengths are supported by a great fear, the fear of a phenomenon perceived as evil: personal freedom - especially sexual freedom, and most particularly pornography and homosexuality. In addition to this great fear, there is a great obsession - an inordinate concern with an issue that really should not merit very much attention: Zionism.

Few societies have ever tolerated free sex. One of the functions of societies is to provide for the rearing of the next generation, which in most communities of the world has involved fathers taking responsibility for their offspring - a responsibility much more easily evaded when it is unclear who has fathered whom. Kinship systems form a key part to any social order. Perhaps it makes biological sense for the human species to place social limits on the free indulgence of our biologically determined sexual desires. Not surprisingly, a great number of philosophical and religious traditions have defined sexual freedom outside of certain clearly specified family situations as sin.

In the industrialized West, these restrictions began to break down even before the widespread availability of contraception. In the late l960's, a real sexual revolution took place in the United States and much of Europe. The obvious reason was that the risk of unwanted pregnancy had been greatly reduced. A second and less obvious reason is that sexual freedom, when accompanied by easy access to contraceptives, works to control population. Unmarried couples living together are very unlikely to have children. Homosexual acts do not lead to pregnancy. In a modern society in which population control is a desideratum, sexual freedom is socially useful.

In a religious world, sin is sin, and no amount of social desirability can change that. It doesn't matter whether or not they are interested in population control. Fundamentalist nations necessarily look upon sexual freedom as evil. The West is not only sexually free, but rich and powerful. Its movies spread its values everywhere. Its comforts and luxuries tempt the world. It is not hard to understand why Khomeini thought of the United States as the Great Satan. The wealth of American society and the promise of pleasure offered by American personal freedom threaten to undermine one of the most central of religious prohibitions. America is not hated because it is Christian but because it is free. Despite this fact, anti-American leftists, feminists, and gay rights activists remain blind to the persecution of women and homosexuals in Islamic countries.

Communism, like all forms of blind faith, is opposed to sex even though leftists in non-Communist countries are likely to be much more sexually liberated than their apolitical compatriots. The Soviet Union went through a brief period of encouraging sexual freedom, but that was before totalitarianism had succeeded in intruding into private life. In China, puritanism is as strong as it is anywhere in the world. To a certain extent this is true because of traditional Chinese values, but to a greater extent it is the consequence of Marxist suspicion of personal freedom. Leftists have always remained silent about the anti-sexual policies of Marxist regimes.

China is desperately concerned about the size of its population. It has embarked on a one-child policy. No one in China is aware that there is a connection between the sexual liberation of the West and its relatively low rate of population increase. Even if the awareness were there, it would not make any difference. China was a determinedly anti-sexual society under Chairman Mao. Although Chairman Mao is dead and the Cultural Revolution has ended, China still has not fully accepted the idea that it is all right for people to pursue happiness.

I lived in Baoding, Hebei Province, China, for two separate periods: five months in 1984 and four months in 1989. I had expected that there would be people who told me that America had no freedom, that our elections were rigged, our thoughts controlled by propaganda, and our liberties meaningless. I had certainly heard statements to that effect back home, both from Americans and occasionally from foreign students. But to my surprise, no one in China ever suggested to me that they thought Americans were not free. Some envied us our liberty or even said they desired it for themselves. The more common attitude in 1984 was that China was better than the United States because America was being destroyed by the perniciousness and emptiness of freedom, which was an expression of our acquisitiveness and had led to crime, disintegration of the family, and a society in which friendships existed only for economic reasons.

The essence of this negative view of freedom was that in America there was rampant sex. I was asked (with a certain amount of hesitation and apology, since no one wanted to embarrass me) whether it was true that there was pornography in America. I acknowledged that there was. I was also asked whether there was homosexuality. When I suggested that homosexuality was a practice that should be permitted in a country that was trying so hard to keep its population down, no one could understand how I could possibly think of something so outlandish. I was told that there was no homosexuality in China, that there never had been and never would be. It was hard to explain that in the United States families do exist, that most people have very little contact with pornography, and that divorce is frequently better than no divorce. When I said that I thought China would be a more prosperous country if people were free to choose their jobs or express their political opinions, the standard response was that Chinese society would disintegrate if freedom were tolerated.

When I went back to China in 1989, I never heard anyone say that freedom might lead to sex. There had already been student demonstrations, which had begun in Hefei, in Anhui Province, in December of 1986, and spread to Shanghai, Beijing, and elsewhere. Clearly, there were many Chinese who longed for freedom and democracy. They wanted an escape from the drabness of Communism as well; consequently, their apartments were more colorful, their clothing brighter, and sometimes their hair (men and women both) curled.

This lesson was not lost on China's hard-line rulers. The permanent waves of February 1989 were followed by the demonstrations of April and May. The government followed the violent crackdown of June 4th with an anti-pornography campaign that has grown ever harsher and more strident. The sale of pornographic materials is now a capital offense.

The United States is a younger, less orderly and more heterogeneous society than China. Despite this, and despite our liberties, life tends to proceed smoothly, work gets done, and many (perhaps most) Americans are not promiscuous. If sexual freedom existed in China, behavior would hardly change. There are thousands of students from mainland China in America, several of whom I know personally. They do not spend their time here indulging in orgies. No one forces them to enter porno shops. There is no reason to believe things would be different in China itself. If the laws against pornography were repealed, Chinese society would not disintegrate. Communism might, however.

It is not clear whether China and Communist countries in general are afraid of freedom because it might lead to sex, or whether they are afraid of sex because it might lead to freedom. In 1989, there were restrictions on personal choice that many people in China found painful: one could not choose one's place of residence or one's job. Consequently, many married couples were separated, sometimes for decades, when they are assigned jobs in different cities. This was an extraordinary policy for a nation that prides itself on the stability of its families. Nevertheless, no one protested against this policy, mainly because protest is not allowed in China, but also because there is no real acceptance of the idea that people have a right to make individual choices, even about so personal a question as whether they may live in the same part of the country as the rest of their family.

However, there are signs of relaxation. On November 11, 1992, China Daily reported that the ownership of pets was becoming popular in Shanghai. "Pet keeping," explained the news story, "was banned in China prior to the late 1970s because it was considered to be related to the bourgeois life style." On January 20, 1993, there was an article entitled "Religion promotes economy." On February 25, a report on the growing number of childless couples in China informed readers that one of the reasons was the desire for "more freedom to pursue self-fulfillment."

Totalitarian countries have always imposed severe and unnecessary restrictions on the liberties of their citizens. In a society in which the philosophy of the country demands that the needs of individuals must be subordinate to those of the state, people's rights are taken away simply to exercise and strengthen the state's power to take away rights. When I lived in China, popular support for China's lack of freedom was always expressed to me in terms of fear of sexual liberty and subsequent chaos, this despite the fact that Mao's Cultural Revolution has brought China more chaos than any other large country has had since the end of World War Two.

China's opposition to Zionism is quite difficult to explain. Both Israel and China have used a woman driving a tractor as a national symbol (it was never a true representation in either country); both are places where, for a long time, it was never necessary to wear a necktie.

Israel recognized the People's Republic of China in January of l950, a fact that very few Chinese citizens are aware of. In September of 1954, Zhou Enlai addressed the First National People's Congress and said, "Contacts are being made with a view to establishing normal relations between China and Israel." Yet it was not until the death of Marxism that China recognized Israel. South Korea has been recognized as well.

China once fought a war against South Korea. But there was neither an ideological nor a practical reason for hostility against Israel to exist. Honest people may honestly disagree about Zionism, as they may on any number of issues. But no one could seriously believe that Israel is any kind of threat to any Communist state. Nor is it possible to think that Israel is in some way a danger to Marxist ideology. Despite the accomplishments of its defense forces, its military situation is inherently precarious.

Its most controversial policies in recent years, the establishment of settlements on the West Bank and in the Gaza Strip and the destruction of houses while searching for terrorists by the Israeli Army in places like Jenin and Gaza, are considered by many people to be examples of injustice and violence, but they are minor wrongs indeed when compared to Cambodia's auto-genocide, the Iran-Iraq War, China's conquest of Tibet, Indonesia's massacre of ethnic Chinese, ethnic cleansing in Bosnia and Kosovo, the violent repression of the Chechens by Russia, or any number of other events of the past few decades. On the other hand, even the most fervent of anti-Zionists will concede that Israel has achieved a remarkable degree of civil liberties for a country that has never been at peace.

Now there is the Al-Aqsa Intifada. Israel's handling of this uprising has drawn worldwide condemnation. If there had not been an Intifada, or if Israel had managed to deal with it in a gentler fashion, Israel would not have been any more accepted by the world community today. Indeed, it was during the first Intifada that the UN rescinded its Zionism-is-racism resolution. The revolt of the Tamil Tigers in Sri Lanka is in certain ways parallel to the two Intifadas, but it has been very much more bloody. More than 3,500 rebels, security forces and civilians were killed in the second half of 1990 alone (reported in China Daily, January 12, 1991). Whether the government could or should have exercised more restraint is open to debate. Equally debatable is the relative justice of the opposing sides. Nevertheless, Sri Lanka remains an accepted member of the family of nations. Incidentally, Sri Lanka is the only non-Marxist, non-Islamic nation that voted to retain the Zionism-is-racism resolution.

Sri Lanka is a small and unimportant country, and what happens there is of little direct interest to outsiders. Israel too is a small and unimportant country, a fact no one seems to have noticed. Anti-Zionism is so strong and so widespread that Israel's marginality remains undiscovered.

Despite Israel's lack of importance and despite the weakness of the moral charges against it, Israel is an outcast. Israeli nationalism - Zionism - has been declared racism. The Arab League enforces secondary and tertiary boycotts against Israel. Jews may not enter Saudi Arabia, except for American soldiers. Malaysia forbids the performance of "Jewish" music. This endless policy of boycott and non-recognition is officially the policy of most Arab states. Countries like Libya, Iraq or Saudi Arabia have never suggested that they would make peace if Israel did X or Y or Z. Their opposition to Israel, once supported diplomatically by Communist states, is one of permanent enmity. Since such a stance excludes the possibility of peace, it is implicitly genocidal and therefore radically evil.

Anti-Zionism is one of the great hatreds of our time. Why did Marxists join in this extremism? One reason was lack of originality, a common failing in countries with no structure for the expression of opposition. Marx and Lenin died before the creation of Israel and so could not have written about it. Marx's anti-Semitic pair of essays, "Zur Judenfrage," which provides a theoretical reason to oppose any form of Jewish power, might explain the situation, but few people care about this work and even fewer have read it. What seems to have happened is that shortly before the beginning of the Six-Day War, anti-Zionism became an essential part of Marxist doctrine and has remained so through inertia. In other words, Marxism is anti-Zionist because it has defined itself as anti-Zionist.

Russia and China now have diplomatic relations with Israel. Shedding Marxist dogma leads automatically to the abandonment of anti-Zionism. On the other hand, those few remaining American leftists who are still fighting the Cold War remain anti-Zionist and supported Saddam Hussein. Leftist writers like Noam Chomsky have even declared America to be more of a force for terrorism than those who committed the acts of 9/11.

Islam's anti-Zionism is less surprising than the hostility that is found among Marxists. After all, Jerusalem, the third holiest city for Muslims, is now in Israel. Yet before the Six-Day War, East Jerusalem, which is where the holy sites are located, was in Jordan. Arab anti-Zionism then was no weaker then than it is now. Before l948, Jerusalem was ruled by Great Britain. Anti-British sentiment among Islamic peoples has occasionally been strong, but never has it had the ferocity of anti-Zionism. The establishment of Israel has led to a refugee problem and ultimately to the creation of Palestinian nationalism. These factors are not so much the causes of anti-Zionism as the result of it. The United Nations Partition Plan of 1947 was an attempt to create both a Jewish and an Arab state. The Jews then living in Palestine accepted the idea of a Palestinian Arab state; the Arabs rejected it because of their anti-Zionism.

Most people know that between l948 and 1967, Jews were not allowed to visit East Jerusalem. Fewer know that during the same period, Israeli Muslims did not have the right to do so either. What is even more shocking is the fact that until l977, Israeli Muslims were forbidden by Saudi Arabia from fulfilling the religious obligation of making the hajj. It was more important to the Saudis, the guardians of Islam's holiest places, to deny the existence of Israel than to let fellow Muslims obey their religion. In other words, being anti-Zionist had in effect become a more important part of Islamic law than Islamic law itself.

Suicide is against Islamic law. Amir Taheri, in an artile in the New York Post issue of April 20, 2003, entitled "The Truth About Jihad," writes that for Muslims, suicide is an unpardonable sin, "in the same category as denying the Oneness of God." Yet devout Muslims everywhere cheer suicide bombers who die so that they can kill Jews. Once again, we see that anti-Zionism has become a more important part of Islamic law than Islamic law itself.

Former President Ali Akhbar Hashemi Rafsanjani of Iran, according to Memri Special Dispatch Series No. 325, in the annual Al-Quds (Jerusalem) sermon given on December 14, 2001, said that if one day the world of Islam comes to possess nuclear weapons Israel could be destroyed. The use of a nuclear bomb against Israel would leave nothing standing, but any retaliation, however severe, would merely damage the world of Islam. For Rafsanjani, damage doesn't matter, since there is no cause more important than anti-Zionism.

Who needs more enemies? Saddam Hussein, during the first Gulf War, facing the active enmity of the United States, at that time the leader of a coalition of 28 nations officially or actually at war with Iraq, launched SCUD missiles against Israel's population centers, in order to tempt an extra army to fight against him. The courting of new foes ought to surprise us, even in this irrational world we live in. No one is puzzled at all, however. We all know the reasons: Iraq wished to divert attention from its unpopular invasion of Kuwait by espousing a popular cause: anti-Zionism.

There are any number of solutions to the problems of the Israelis and the Palestinians. Unfortunately, Arabs who attempted to find such solutions - President Sadat and King Abdullah are the best-known examples - have been assassinated. It is not in the interest of the Palestinians to remain forever homeless and persecuted. The Palestinians can advance their interests only with the Israelis, not against them. They have not yet done so, because the thought of accepting Israel's existence - a rather obvious fact - is more horrible to them than the thought of being attacked and massacred by Jordanians, Lebanese Christians and Shiites, Syrians, or Kuwaitis.

If anti-Zionism is one of the great hatreds of our time, that is no doubt because it is the child of anti-Semitism, one of the great hatreds of history. Nevertheless, it is neither logical nor practical. It survives because it is not questioned. If it were not for anti-Zionism, Islamic fundamentalism would be weaker. Arabs could dare to say that there is a way to live in peace with Israel.

Irrationality did not die with Marxism. Nationalism is as fierce as ever. Religious fighting in India, a danger that seemed remote for decades, is once again a threat to life and peace. Blind faith, whether political or religious, places restrictions on thought. It is therefore a denial of the greatness - indeed, the essence - of the human species. Blind faith is what links Islam to the ghost of Marxism.

This is a revised and updated version of an article that appeared in Partisan Review in Volume 55, Number 3, 1988.

 

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Foi et philosophie

13 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #religion

8 octobre 2010

Foi et philosophie

Cette foi ne peut être séparée de la vie, celle du village et des champs , dans les usines et les laboratoires des villes, dans les écoles et les centres de recherche,.... et même dans les synagogues, les églises, les mosquées et les temples.
Comme le dit Hassan El Tourabi: "Dieu est dans la vie quotidienne, dans la politique, l'école, dans l'art, dans l'économie, mais vous l'avez emprisonné dans vos tabernacles et vos églises... Tous nos prophètes ont affirmé les mêmes valeurs mais comme, au cours de l'histoire, les problèmes ont évolué, les prophètes ont renouvelé les formes d'expression." (Interview du 16 avril 1995).
Le père Pannikar dit la même chose dans son étude sur L'Avenir de la foi (Biblia y fe, 1988): "les problèmes de la faim, de l'inégalité, de l'exploitation de l'homme et de la terre, l'intolérance, les guerres, le néo-colonialisme, sont des problèmes religieux."
Yehudi Menuhin, partant de sa foi juive, me communiquant sa méditation sur la défense du sacré, cherche aussi, sans éclectisme, le dénominateur commun de cette Foi présente au coeur de tous les hommes et qui l'appelle à un dépassement, quelle que soit la forme culturelle dont les trois mondes l'ont revêtue: "La vie n'a pas été créée une fois pour toutes et pour toujours. Seuls les fondamentalistes peuvent croire cela... Nous avons besoin d'une nouvelle religion fondée sur la foi, sur les valeurs éternelles de la foi- sur l'idée d'unité totale... mais aussi adaptée à la connaissance et à l'expérience contemporaine."
Evoquant les croyances qui ont fait des dieux des souverains tout puissants, et des dirigeants des Oints de ce Seigneur, il ajoute: "Je suis convaincu que notre monde exige une nouvelle formulation des valeurs du sacré, une nouvelle conception de la religion, parfaitement compatible avec les principes d'adoration et de prière mais exprimés d'un manière nouvelle reconnaissant notre propre être, et aussi celui des autres, comme sacrés; nos responsabilités les uns envers les autres, notre pouvoir de créer un monde plus juste.. Dans notre nouvelle religion... le puissant, le riche, le savant ont la responsabilité, alors que le démuni a le droit... Tels sont la religion, l'économie, l'ordre social, la vie créatrice des arts et des techniques, de l'éducation, tout cela ne faisant qu'un pour guider notre pensée et notre action."
Quelle sera la place de cette foi dans la société? Elle sera centrale, motrice. Et nous devons ici éviter maints écueils:
La conception dite libérale, où l'Etat n'intervient pas dans la religion, ses rites et ses dogmes. Cette privatisation de la religion porte sur les croyances et non sur la foi. Or la croyance est une manière de pensée, la foi une manière d'agir. La tolérance sera donc totale en ce qui concerne la croyance, mais il est interdit à la foi d'agir sur les structures concrètes du monde, selon les intérêts des individus et des groupes. "Assistez à la messe" comme à une commémoration, "écoutez la lecture de la Thora" par votre rabbin, "prosternez-vous", derrière votre imam, mais, à la sortie, insérez-vous docilement dans le système.
Ayez toutes les idoles intellectuelles que vous voulez pourvu que vous n'interveniez pas, au sortir du temple, pour changer l'ordre établi par le libre jeu du monothéisme du marché, régissant, dans la pratique, toutes les relations humaines.
A l'inverse, le totalitarisme prétend régner à la fois sur les esprits et sur les corps, sur la foi et les actions qu'elle commande, soit en érigeant l'Etat en une religion, soit en faisant d'une religion particulière une religion d'Etat qui établira un nécessaire dualisme politique et social. Qu'il s'agisse d'un Etat juif, d'un Etat chrétien, ou d'un Etat islamique, celui qui n'appartient pas à la religion officielle est un citoyen de seconde classe.
De ce point de vue la prétention chrétienne d'être la religion universelle est une forme typique de colonialisme spirituel, inséparable du colonialisme tout court.
Quelle que soit la solution choisie la confusion de la croyance religieuse et de la foi vivante et agissante à l'intérieur de toutes les religions rend le problème insoluble par la résurgence des intégrismes, qui consistent à prétendre que tous les problèmes ont été résolus, et pour toujours, par leurs pères fondateurs.
Si Bouddha, Moïse, Jésus, Mohammed, ont apporté des réponses et des solutions aux interrogations et aux problèmes de leur temps, cela ne nous dispense en aucune manière de la responsabilité de résoudre, à partir de leurs principes, les problèmes de notre temps: aucun sutra bouddhiste, aucun verset de la Bible ou du Coran, ne nous permet de résoudre, sans une interprétation préalable, les problèmes posés par l'énergie atomique, les multinationales, la spéculation boursière, le colonialisme, ou autres, qui ne se posaient pas au temps des prophètes. Nous pouvons seulement, à partir des principes qu'ils ont apportés, prendre, à tout risque, la responsabilité de les appliquer dans des situations historiques radicalement nouvelles.
Ceci n'implique aucun relativisme, ni éclectisme, ni syncrétisme. Chaque religion a sécrété, autour des principes communs à toute acceptation de la transcendance, des valeurs absolues, des cultes avec leurs rites et leurs dogmes propres à chaque culture pour tenter une approche de l'absolu. Il se peut que cette liaison ou cette soumission à Dieu qui exige la participation entière de notre être, y compris de notre corps, donne une forme particulière à la prière et à l'adoration, qui vont ensuite informer notre action.
La tradition culturelle de chaque peuple peut ainsi s'exprimer par une attitude particulière du corps, celle du yoga (joug) soumission à Dieu, pour les uns, de la prosternation ou de l'agenouillement pour d'autres.
L'essentiel est que cette posture du corps facilite la communication avec Dieu ou avec la sagesse (de quelque nom qu'on les désigne), et ne se dégrade pas en une gymnastique sans âme.
La diversité des religions, par la fécondation réciproque des cultures qui les spécifie, est une richesse que l'on ne peut détruire en imposant à l'autre la forme d'expression dont nous sommes, avec notre culture, les héritiers.
Nous ne pouvons revendiquer le monopole des voies d'accès à la transcendance, que nous l'appelions salut, libération, moksha ou nirvana.
Nous pouvons seulement, avec le plus grand respect du comportement rituel des autres, et des symboles par lesquels ils expriment leur foi, leur sagesse ou leur Dieu, nous enrichir de leur expérience, gravissant, par des voies diverses, la même cime, inaccessible peut être, qui nous fait rechercher le sens de notre vie et de notre histoire, et les voies de son accomplissement.
En résumé, ce qu'il y a le plus précieux, ce n'est pas ce qu'un homme dit de sa foi, mais ce que cette foi fait de cet homme. Comment le libère-t-elle de ses aliénations?
C'est-à-dire de ses ambitions personnelles réalisées par l'écrasement des autres, de ses projets partiels, individuels ou nationaux, qui ne tendent pas à la création d'une communauté universelle, symphonique, fin suprême de la foi qui appelle toutes les religions à la transcendance, au dépassement de soi.
Une démystification spirituelle est d'abord nécessaire.
Il faut certes corriger l'erreur d'aiguillage commise à la Renaissance lorsque l'on appela raison la seule science des moyens, en la mutilant de son autre dimension fondamentale, seule capable d'en mettre les merveilleuses découvertes au service de l'épanouissement de l'homme et non de sa destruction: la sagesse, qui est réflexion sur les Fins.
Mais, au delà, il faut en finir avec la pire perversion de la pensée humaine: la notion tribale de peuple élu, divisant l'humanité entre élus et exclus, accordant aux premiers le pouvoir de droit divin de dominer, d'asservir ou même de massacrer tous les autres, quels que soient ceux qui s'attribuent ce privilège, qu'ils soient hébreux ou chrétiens d'Europe réclamant l'héritage de l'élection pour persécuter les juifs qui s'en croyaient détenteurs, puis les musulmans par les Croisades, puis le monde par le colonialisme, jusqu'à ce qu'ils soient dépossédés de ce mythique droit par le destin manifeste que se décernèrent les Etats-Unis au détriment des Indiens, des Noirs, puis du monde, sacralisant même la royauté du dollar en inscrivant, sur chaque billet vert, que sa toute puissance était d'essence divine: In God We Trust.
Il faut d'abord en finir avec les lectures intégristes de la Bible qui font d'elles la seule écriture sainte de l'humanité, alors que chaque peuple, dans le monde, a vécu la préhistoire de son humanité en créant les grands mythes qui balisent le parcours millénaire de l'humanisation divine de l'homme. Tous les peuples ont une histoire sainte: celle de l'homme à la recherche de Dieu.
Les conséquences de ces affabulations sur un peuple élu, sans autre fondement qu'un seul texte, sont aggravées par le fait qu'un certain christianisme s'est prétendu l'héritier de cette tradition, s'est approprié l'élection divine pour s'attribuer un droit divin de domination du monde, en exerçant sur les non -- élus ses dominations, ses spoliations et ses massacres, au nom de la même supériorité ontologique, théologique, sur les Indiens d'Amérique, les esclaves déportés d'Afrique, et une grande partie de l'Asie, de la guerre de l'opium à Hiroshima, des destructions massives du Viet Nam à celles de l'Irak.

* * *

Nous avons aujourd'hui plus besoin de prophètes que de politiciens, plus besoin de Bouddha, de Jésus ou de Gandhi que de César ou de Napoléon, car rien ne commence avec les lois et les empires: tout commence dans l'esprit des hommes, et d'abord dans la révision sévère des religions traditionnelles qui, par leur dégénérescence intégriste, se sont transformées en théologies de la domination. L'intégrisme, c'est cette prétention de toute hiérarchie religieuse comme de tout pouvoir politique (qui se sert de la première pour justifier sa pérennité) de réduire la foi à la forme culturelle ou institutionnelle qu'elle a pu revêtir à telle ou telle période antérieure de son histoire: pour nous en tenir aux religions dominantes des dominants, et aux religions dominantes des dominés: le christianisme ne peut plus être ce que le fit Constantin: l'héritier d'un empire centralisé à Rome, prétendant imposer son idéologie et ses hiérarchies à tout le reste du monde dont on ignore ou veut ignorer les spiritualités autochtones.
Une telle religion divise. Elle fut le prétexte de tant de guerres! Alors que la foi unit dans un effort solidaire de dépassement pour parvenir à cette certitude qui demeure toujours un risque et un postulat:
-- Aucun homme ne peut prétendre avoir la foi comme on possède un trésor. L'homme de foi est toujours en route vers un commencement.
-- Le monde n'est pas fait de choses mais de sources, de jaillissement du sens.
-- Dieu n'est pas un être (comme les choses) mais un acte (celui d'incessamment créer). C'est pourquoi il n'a pas besoin d'être visible pour exister: il est ce mouvement qui est en nous sans être à nous.
Ainsi, contre les prédicants d'une fin de l'histoire, l'histoire, comme les fleuves, n'a pas d'autre embouchure que l'Océan.

* * *

Préparer politiquement cette mutation spirituelle universaliste, c'est d'abord mettre fin à la prétendue mondialisation qui est le contraire de l'universalité: c'est une entreprise impériale de nivellement ou d'anéantissement de la culture et de la foi de tous les peuples pour leur imposer, avec les armes et les dollars des Etats-Unis, l'inculture et le non-sens d'une religion qui n'ose pas dire son nom: le monothéisme du marché qui ne serait pas seulement la fin de l'histoire mais la mort de l'homme et du Dieu qui est en lui.

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En 1985, lors du voyage du pape au Pérou, les Indiens des Andes lui remirent cette lettre: "Nous, Indiens des Andes et de l'Amérique, voulons profiter de la visite de Jean Paul II pour lui rendre sa Bible car, en cinq siècles, elle ne nous a procuré ni amour, ni paix, ni justice... remettez-la à nos oppresseurs car ils ont davantage besoin de ces préceptes moraux que nous-mêmes. La Bible nous est arrivée comme partie intégrante du régime colonial imposé."
Le problème actuel, en effet, aujourd'hui, est non seulement de déjudaïser, mais de désoccidentaliser le christianisme, qui a toujours considéré les Eglises, de la Chine à l'Amérindie et à l'Afrique, comme "un appendice de l'histoire des missions", comme l'écrit Enrique Dussel dans son livre: Histoire et théologie de la libération (publié en 1972 et traduit en français aux Editions ouvrières en 1974). Il montrait, comme le fera Leonardo Boff en 1992 dans son livre: La nouvelle évangélisation (Ed. du Cerf), comment l'invasion de l'Amérique, depuis 1492, était non pas l'apport d'un christianisme universel (catholique) à des cultures autochtones en recherche de Dieu, mais l'importation d'une chrétienté méditerranéenne, romaine, et fourrière d'un système social où, sous le nom d'Evangélisation, est imposé le colonialisme capitaliste le plus inhumain.
Leonardo Boff écrit: "L'évangélisation s'est faite en Amérique latine sous le signe de la colonisation." (p.169). Le Requerimiento, sommation adressée aux Indiens en 1514 disait: "Nous vous prendrons, vous, vos femmes et vos fils, et vous deviendrez esclaves .. nous prendrons vos biens... comme à des vassaux rebelles qui se refusent à accueillir leur Seigneur."
C'est contre quoi protestaient en vain le père Montesinos, premier prophète des Amériques, les évêques, Bartholomé de Las Casas et quelques religieux, comme Pedro de Cordoba, haïs par les colons parce qu'ils refusaient d'identifier une Eglise, complice des conquérants, avec le Royaume de Dieu, et d'accepter la destruction des cultures précolombiennes.
Cette ignorance radicale de l'autre a fabriqué des mutilés de l'humanité, isolés dans le ritualisme et les dogmes de leur religion qu'ils croient la meilleure parce qu'ils ignorent celles de tous les autres. Elle n'aurait pas à se substituer à la leur, mais à l'enrichir par des expériences différentes de la transcendance. Un même absolu ne peut être accaparé par aucun de ceux qui se croient un peuple de Dieu (c'est à dire tous les nationalismes et tous les colonialismes). Comme l'écrivait déjà Jean Jacques Rousseau: "Un Dieu qui choisirait un peuple en lui donnant le privilège de spolier ou de détruire tous les autres, ne peut être le Père de tous les hommes."
Et maintenant?
Après ce parcours insolite et insolent, nul, je l'espère, n'attendra une conclusion, c'est à dire une occlusion, une fermeture. Une magistrale et dérisoire réponse.
Car ce qui oppose fondamentalement une philosophie de l'acte à une philosophie de l'être, c'est de n'être pas de l'ordre d'une réponse mais de l'ordre d'une question.

-- Le propre d'une philosophie de l'être c'est de "s'installer dans l'être et de dire ce qu'il est". Que ce soit sous la forme du positivisme empiriste partant des données de nos sens (données une fois pour toutes) ou que ce soit sous la forme du dogmatisme prétendu rationnel d'idées éternelles, innées ou révélées, mais de toute manière indubitables comme des axiomes.

-- Le propre d'une philosophie de l'acte c'est au contraire d'avoir conscience de ses postulats et de leur inexorable remise en question, comme un dormeur s'arrachant à la quiétude de son oreiller et à la fascination de ses rêves pour s'éveiller dans un monde en fusion. L'homme couché devient l'homme debout, agressé par l'éveil et agressif pour le possible. Certains appellent cela la résurrection. Déjà le mot est enchanteur: il évoque l'acte de se lever. De se lever même d'entre les morts.

Ensemble, au courant de ces pages, nous nous sommes interrogés, nous nous sommes relativisés. Notre nature était peut être de nous résigner et de nous intégrer à une nature apparemment régnante et même universelle. Ce décollement, ou du moins cet effort de décollement, à l'égard de ce qu'on nous présente souvent comme la nature de l'homme, c'est la culture, c'est à dire tout ce que nous avons ajouté à la nature, et qui nous fait homme. Pas un animal supérieur. Mais autre chose qu'un animal: ce qui le transcende. Là encore, il existe, dans la coutume, un mot pour dire cela: Dieu, divin. Peut-être vaut-il mieux, au départ, ne pas l'employer: d'abord parce que Dieu est un substantif et cela incite à chercher derrière lui une substance, un être, fut-il l'Etre suprême. Ah! si Dieu était un Verbe! Un acte. Celui qui fait naître l'être. Divin, l'adjectif, trop souvent galvaudé, présente aussi des dangers: d'abord en suggérant qu'il serait imitation de ce sur-être, toujours défini mal, c'est à dire historiquement. Nous ne l'emploierons que lorsqu'il ne sera plus imitation littérale, mais création, à la manière de Jésus, ce poète par excellence de la vie.
Cette vision des choses, ou, plus modestement, cette visée, a introduit dans la méthode de l'exposé un désordre déroutant. Il ne s'agissait plus d'une histoire de la philosophie mise en sa perspective logique ou chronologique, par je ne sais quel "maître". Maître de l'absolu, comme un ersatz de Dieu. Le dernier qui s'y essaya, le dernier géant, Hegel, n'eut que des imitateurs atteints à la fois de nanisme et de suffisance professorale. Il n'est pas nécessaire d'en dire les noms.
Cet essai sur la philosophie de l'acte n'est pas écrit par un maître mais par un étudiant. Un étudiant monté en graine, c'est vrai, puisqu'il approche des 85 ans, mais qui demeure étudiant parce qu'il n'a pas fini de s'émerveiller. De s'émerveiller de ses propres naïvetés et des prétentions médiatisées des manipulateurs de vérités acquises, intouchables managers de la pensée unique, du politiquement correct, de l'orthodoxie religieuse, ou des variantes esthétiques de ce néant.
Il y a bien, dans ces pages, les ébauches d'une histoire de la philosophie, mais elle n'est pas construite selon l'ordre des raisons.
Trop prétentieusement peut-être, ou trop modestement, je ne sais, elle retrace, à tous risques, les étapes de mes enthousiasmes ou de mes déceptions. La rencontre (je n'ose pas dire la découverte) de limites et d'impostures, comme celles par exemple des pontifes millénaires de l'Occident, d'Aristote à saint Paul, ou de Descartes à Auguste Comte, ou, pour en donner une illustration mineure, l'attribution, l'appellation contrôlée du label de philosophes aux idéologues anglais du parti vénitien et de la Compagnie des Indes.
C'est déjà un travail qui dépasse les forces d'une seule vie que de dénoncer trois millénaires de postulats tenus pour des axiomes, ou d'avoir le recul et l'élan nécessaires pour franchir les traditionnelles limites.
J'aurais atteint une partie de mon objectif, si seulement j'avais communiqué à d'autres, et de plus jeunes, le désir de poursuivre cette tâche.
Mais il ne s'agit pas d'un programme seulement réflexif de remise en question. Ce serait déjà beaucoup d'avoir compris que toute philosophie qui ne prépare pas l'homme à rechercher le sens de sa vie, à se considérer comme membre responsable d'une communauté universelle, et à agir selon ces principes, ne mérite pas le nom de philosophie.
Mais cette prise de conscience exige un changement de style de vie et une action: seule une pensée consciente de ses postulats et procédant de façon créatrice par anticipation, qu'il s'agisse d'hypothèses scientifiques, d'actes de foi ou d'utopies sociales, nous permet d'agir sur le monde et de le transformer.
La première démarche rend la philosophie parente de ce que l'on appelle maladroitement théologie, comme si l'on pouvait parler de Dieu, et non, à tâtons, sans parole, essayer de discerner les exigences d'une vie habitée par la totalité de la vie.
Car telle est la culture: l'ensemble des rapports qu'un individu ou une communauté entretiennent avec la nature, les autres hommes, et la recherche de leurs fins dernières, que certains appellent Dieu et d'autres la sagesse
Dans cette recherche du sens de la vie, l'épopée, le roman, le poème, la mystique, ont plus apporté à notre désir: pour la tradition occidentale Eschyle, Sophocle ou Aristophane m'ont plus interpellé sur le sens de la vie que toute la philosophie grecque depuis qu'elle s'est séparée de la pensée orientale dont était imprégné, par exemple, le prince Héraclite, et avant que le questionnement de Socrate ne soit connu qu'à travers les dogmatismes de Platon.
Il fallut Kazantzakis pour faire renaître, avec son Odyssée, les plus hauts désirs de l'homme éternellement itinérant et voracement interrogateur.
Rome, avec ses soldats, ses maçons, et ses rhéteurs, ne m'a rien appris de vivant et de vivable.
De la France Rabelais et Pascal, puis Victor Hugo, Romain Rolland, Mauriac, Bernanos, Claudel ou Saint John Perse, m'ont obligé au réveil plus que n'importe quel philosophe professionnel d'aucun pays, à l'exception, peut être de Leibniz, de Kant et de Fichte comme du Faust et du Wilhelm Meister de Goethe.
Et puis les fous de Dieu qui furent les vrais sages: de Joachim de Flore au cardinal de Cues, de Maître Eckhart à saint Jean de La Croix, de Kierkegaard à Dostoïevski. Et à Nietzche, le plus grand des passeurs de frontières après Jésus.
Tous ceux-là ont vécu, comme les Pères de Cappadoce, en Asie, ou Clément d'Alexandrie en Afrique, de cette foi fondamentale et première, ou de cette sagesse unifiante, inséminée d'univers, qui naquit en Chine avec le Tao: "Etre UN avec le TOUT ", comme l'écrivait l'un des plus grands penseurs de tous les temps: Tchouang-Tseu.
Retrouver en soi le souffle de la vie créatrice, découvrir que ce qu'il y a de plus personnel en nous, c'est l'acte incessamment créateur de la vie universelle: " Tu es Cela ", des Védas et des Upanishads, du Ramayana et de la Baghavad Gita, de Çankara à Radhakrisnan.
Les poètes, les mystiques et les voyants de l'Islam, sont une merveilleuse introduction à cette foi universelle. Depuis les grands livres initiatiques de "l'homme total" (Insan Al Kamil), des "Récits de l'exil" ou de "l'Archange empourpré" d'Avicenne et de Sohrawardi, au "Langage des oiseaux", de Attar, du monumental "Mathnawi" de Roumi (ce que l'on a appelé parfois: Le Coran des Perses) aux poèmes ourdous de Kabir et à l'oeuvre géante d'Ibn Arabi en Espagne andalouse, frère spirituel, à trois siècles d'intervalle, de saint Jean de la Croix, nous conduisent à ce qu'il y a de plus intime et de plus spécifique dans l'Islam par rapport aux trois religions révélées: son esprit d'universalité, reconnaissant tous les prophètes, faisant d'Abraham "le Père des croyants" comme dit le Coran, et de Jésus "le sceau de la sainteté", comme écrit Ibn Arabi dans sa Sagesse des Prophètes qu'il accueille, tous, comme les messagers de Dieu.

* * *

La réflexion fondamentale sur la foi dans son universalité, se trouve dans les plus belles traditions abrahamiques depuis Le vivant fils du vigilant (Hayy Bin Yakzan) d'Ibn Thofayl de Cadix (1100-1185), au Traité théologico-politique de Spinoza (1632-1677), et à la Profession de foi du Vicaire Savoyard de Jean Jacques Rousseau (1712-1771), l'on trouve chez le musulman, le juif et le chrétien, la source commune de toute foi, communicable, comme l'écrivait le pasteur Bonhoeffer dans sa prison nazie, à un monde sans Dieu.

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Les Woodstocks pontificaux ne signifient pas un réveil de la foi, pas plus que les Woodstocks des rockers ne signifient un réveil de la musique ou de la culture.
Ni les succès de la secte Moon. Ni les déferlements médiatiques des sermons télévisés des révérends américains maîtres de la business religion.
L'épidémie des quarante mille suicides d'adolescents qui sont, en France, (comme dans les pays développés, où l'on meurt non par absence de moyens, comme dans le tiers-monde, mais par absence de fins) la principale cause de mortalité pour les jeunes, ne sera pas enrayée par les psychologues, les saints bernards ou les terre-neuve sauveteurs d'égarés individuels. Ce qui manque à cette jeunesse, c'est un grand dessein qui vaille la peine de vivre, contre la désintégration du tissu social par le monothéisme du marché, son désert spirituel et ses évasions dans le décibel, la drogue ou la mort.
Hors d'Occident ce grand dessein est né. Pas seulement pour créer l'unité harmonique de l'unité du monde et donner à chaque porte-Dieu, quelle que soit son origine, les possibilités économiques, politiques, spirituelles, de déployer pleinement le Michel Ange ou le Kuo Hsi qu'il porte en lui, mais pour en finir avec les égoïsmes sacro-saints des individus qui ne peuvent s'élever que par l'abaissement de leur rival de jungle, ou des peuples élus pour asservir les autres.
Le grand dessein, c'est, contre l'individualisme insulaire et désert, la communauté où chacun est lié à la vie par le sens de sa responsabilité à l'égard de tous les autres.
Cette foi, qui s'exprime dans l'action, est celle de Jésus, en train de renaître là où les pauliniens de Rome voudraient la tuer: chez ceux qui tentèrent l'expérience divinement humaine des prêtres-ouvriers; dans les communautés de base des favelas du Brésil, qui furent et demeurent le terreau humain des théologies de la libération, chez ceux qui cherchent d'où cette foi peut naître au coeur de toutes les spiritualité vivantes et militantes du monde. Le père Monchanin en fut le précurseur dans son effort pour "repenser l'Inde en chrétien et le christianisme en indien " et qui a fait lever aujourd'hui des continuateurs comme Raimundo Pannikar en Espagne ou René Guénon en France, vivant l'Islam comme le Coran évoque Jésus, ou le père Hegba en Afrique, enracinant Jésus dans les plus profondes spiritualités du monde noir.
Cette queste fraternelle n'a rien à voir avec l'éclectisme ou le concordisme. Il est l'expression d'une foi véritable en la transcendance: si Dieu est sans commune mesure avec toute connaissance humaine qui prétendrait le définir, c'est à dire l'enfermer dans sa propre culture, nous avons besoin de l'expérience de tous ceux qui tentent la même approche à partir de leur propre culture. Ainsi seulement nous pourrons briser nos limites, enrichir notre foi, et en comprendre la spécificité par une communion intérieure profonde avec la culture et la foi des autres. Il est appauvrissant de croire que ma religion est la meilleure, simplement parce que j'ignore toutes les autres.
Telles sont les conséquences ultimes de l'opposition entre une philosophie de l'être et une philosophie de l'acte.
- La première, la philosophie de l'être postule l'existence d'une nature dont l'homme peut extraire des données et les combiner de manières diverses pour les commodités de ses classifications et de ses hiérarchies des êtres. A partir de là il peut même manipuler techniquement cette nature mais ne peut lui assigner d'autres fins que celles de son créateur primordial (ou de ses lois éternelles si l'on nie cette création faite une fois pour toutes). En d'autres termes l'homme a une nature qu'il ne saurait transcender.
-- La seconde, la philosophie de l'acte, repose, elle aussi, sur un postulat: celui du pouvoir de l'homme de transcender cette nature et de procéder au contraire à sa création continuée: l'homme n'a pas une nature, il a une histoire. Celle des créations de sa culture, qui le distingue de l'animal: les abeilles des Bucoliques de Virgile se comportent comme nos contemporaines, et, même à l'échelle paléontologique, l'évolution n'est pas une histoire: l'être biologique n'est pas son acteur.
Si l'homme avait, comme les animaux, une telle nature, il n'aurait même pas dépassé les limites que l'environnement impose à son entretien. Pour dépasser les quelques millions d'êtres humains qui ont peuplé la terre pendant des millions d'années, il a fallu que l'homme crée une agriculture pour son alimentation, une industrie pour la transformation de son milieu et pour sa protection, en un mot une culture qui déjà permette la multiplication de l'espèce.
Il a fallu pour cela qu'au delà des dérives immuables de son instinct, il ne se contente pas d'utiliser les matériaux dans cette autre nature qui l'entoure, le contient et le contraint, mais qu'un projet oriente son propre travail, en détermine l'organisation et celle de la société qu'il a constituée et à laquelle il assigne des fins et des structures qui ne sont pas inscrites dans les lois de l'instinct intérieur ou de l'environnement extérieur. Cette émergence du projet est ce qui sépare radicalement l'homme de l'animal.
Ainsi donc, tout empirisme organisateur, selon l'expression de Charles Maurras, le plus rigoureux théoricien du conservatisme, conduit à se conformer à l'ordre établi et à ses évolutions naturelles, linéaires, comme celles de la Providence de Bossuet, du Progrès de Condorcet et de la loi des trois états d'Auguste Comte, qui en sont des versions laïcisées.
Résignation ou révolte, collaboration ou résistance, dirions-nous selon une terminologie plus récente, tel est le choix vital, et toute philosophie qui ne nous aide pas à faire ce choix n'est qu'une idéologie de justification de ce qui est ou de ce qui devient sans nous, comme l'accroissement technique de la production et de la consommation.
Ce choix nous avons voulu le suggérer au cours de nos efforts d'interprétation des philosophies en fonction des exigences historiques des dominants ou des dominés. Les dominants justifiant leur domination au nom de l'empirisme ou d'une raison éternelle, les dominés ayant le choix entre l'acceptation de cette vision, et la révolte contre elle et du pari sur un avenir qui ne soit pas la simple résultante du passé, dessein d'une Providence ou dérives mécaniques d'un déterminisme laplacien.
Contre les capitulations du c'est ainsi, nous maintiendrons ce choix qui fut celui de Gracchus Babeuf lorsqu'à la veille de sa mort sur l'échafaud où l'avait envoyé le Directoire, le 28 mai 1797, il écrivait à son ami Felix Lepelletier: "Un jour, lorsque la persécution sera ralentie, lorsque peut être les hommes de bien respireront assez librement pour pouvoir jeter quelques fleurs sur notre tombe, lorsqu'on en sera venu à songer de nouveau aux moyens de procurer au genre humain le bonheur que nous lui proposions, tu pourras chercher, et présenter à tous, ces fragments qui contiennent tout ce que les corrompus d'aujourd'hui appellent mes rêves. "

Roger Garaudy, L'avenir mode d'emploi, Editions Vent du large, 1998

Publié par Administrateur à l'adresse 8.10.10

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Comment les Etats-Unis ont occidentalisé le monde .

12 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #sociologie

28 septembre 2010

Comment les Etats-Unis ont occidentalisé le monde

La troisième sécession de l'Occident, après cinq siècles de colonisation, et 2 guerres civiles européennes (de 1914-1918 et de 1940-1945) est celle de la mondialisation, c'est à dire de l'occidentalisation du monde sous direction d'une Amérique qui, réussit, du point de vue économique, à amasser, en 1945, la moitié de la richesse mondiale, aux dépens d'une Europe exsangue de l'Atlantique à l'Oural et d'un Tiers-Monde affamé.
Du point de vue politique, ce pays, qui avait consenti le minimum de pertes humaines, se voulut le maître du monde, dictant sa loi à l'Europe mendiante du Plan Marshall qui rouvrait à l'Amérique un marché européen ruiné par la guerre, imposant à Bretton-Woods un règne du dollar égal à celui de l'or, et, cinquante ans après, un traité de Maestricht où il est dit expréssement que "l'Europe ne pourra être" que "le pilier européen de l'Alliance Atlantique" (c'est-à-dire, en clair, une Europe, soumise aux lois américaines comme l'ont illustré les lois de Helms-Burton et les lois d'Amato, légiférant pour le monde entier en imposant ses embargos).
Le XXème siècle est né avec quelques années de retard : avec l'incendie de 1914, cette guerre d'où ne sortirent que des vaincus. Ce qui précède, les quelques années ou l'on dansait encore sur les volcans éteints de la ligne bleue des Vosges et de la Commune de Paris. Celle-ci avait éveillé les espérances messianiques de ceux qui n'ont pas et les sauvages terreurs de ceux qui ont. Elles n'en font pas partie.
Il n'y avait plus que des ruines, des monuments aux morts, et la conscience de l'effondrement de toutes les valeurs.
Sur les deux rives du Rhin la vie sociale marquait un recul historique d'un siècle : d'un côté avec une Chambre bleu horizon face à la colère des grèves de 1920, de l'autre avec la répression sauvage de Spartacus et de ceux qui en incarnaient les rêves : Liebnecht et Rosa Luxembourg.
Au delà des ténèbres se levait alors un nouveau matin, avec ses nouvelles espérances messianiques, aussi bien pour les peuples brisant le joug des anciens tyrans, que pour les artistes, les poètes, savants, les Anatole France comme les Aragon, les Langevin comme les Romain Rolland, qui saluaient l'aurore. En face la grande terreur des maîtres qui essayaient d'endiguer ce déferlement d'avenir, par une politique du fil de fer barbelé avec Clémenceau, ou le projet de Churchil de marcher sur Moscou en battant le rappel de tous les débris du passé pour empêcher de naître autre chose que ce qui est.
Le siècle entier allait être dominé par cette grande peur et cette promesse d'un monde autre. Par l'irrésistible ascension aussi du désespoir et de la fureur des vaincus : le traité de Versailles portait en lui le germe d'une nouvelle tuerie que seul Lord Keynes annonçait prophétiquement dans son livre : Les Conséquences économiques de la paix (1922) : "Si nous cherchons délibérément à appauvrir l'Europe centrale j'ose prédire que la vengeance sera terrible : d'ici vingt ans nous aurons une guerre qui, quel que soit le vainqueur, détruira la civilisation."
En exigeant de l'Allemagne, sous prétexte de réparations, la moitié de sa richesse, fut préparé le naufrage de tout un peuple : le désespoir et l'humiliation des coeurs, le torrent des faillites, et le chômage des multitudes. Les provocations des vainqueurs suscitèrent l'appétit de vengeance et le déchaînement du Tout plutôt que cela, qui assura le triomphe de la démagogie nationaliste la plus délirante, le désir à tout prix de sortir de la misère et du chômage. Il ne fallut que 16 ans de fermentation de ce bouillon de culture, pour assurer le triomphe de l'homme providentiel. Il accéda au pouvoir de la façon la plus démocratique du monde, obtenant, avec ses alliés, la majorité absolue au Parlement de la République de Weimar.
Nous avons montré, dans un autre livre, le parallélisme rigoureux entre la courbe de la montée du chômage et celle de la montée du National-Socialisme.
Hitler trancha le noeud gordien en transformant les chômeurs en ouvriers des usines d'armement, puis ceux-ci en soldats, et ces soldats en cadavres. Le problème était résolu.
Les conditions étaient remplies pour que la deuxième guerre mondiale ne soit que la suite de la première : conséquence de l'aveuglement des vainqueurs, et de l'ivresse qui s'était emparée d'eux pour avoir abattu le grand rival économique et politique de l'Angleterre et de la France.

Deux éléments nouveaux allaient alimenter le brasier et rendre plus redoutable encore la conflagration inévitable.
A l'Ouest était née une puissance nouvelle, celle des Etats-Unis, pour qui la guerre de 1914-1918 fut une affaire économique sans précédent au point d'en faire désormais une grande puissance.
Les Etats-Unis, était le seul pays au monde qui, depuis sa fondation, n'avait jamais connu d'occupation étrangère sur son sol, et s'était enrichi de toutes les misères du monde : de l'expulsion et du massacre des indiens à l'exploitation de la main d'oeuvre des esclaves noirs, à la relève de l'Angleterre en Amérique du Sud et de l'Espagne dans les îles. Les pertes de l'Europe au cours de la guerre de 1914-1918 avaient fait couler un pactole d'or de l'autre côté de l'Atlantique : par ses ventes et ses prêts l'Amérique était devenue désomais une puissance de premier plan. Il ne lui restait plus qu'à voler au secours de la victoire en débarquant en 1917, après Verdun, comme elle volera au secours de la victoire, une deuxième fois, en 1944, après Stalingrad. Elle était sûre ainsi d'appartenir, aux moindres frais, au camp des vainqueurs, et de régner sur une Europe exsangue, de l'Atlantique à Moscou, sa nudité revêtue de cadavres et de ruines, avec cinquante millions de morts.
L'autre acteur nouveau était à l'Est. L'URSS supportait, en 1944, le poids de 236 divisions des nazis et de leurs satellites alors que 19 seulement s'opposaient en Italie aux troupes américaines, et que 65 étaient réparties de la France à la Norvège.
Depuis l'accession d'Hitler au pouvoir, les EtatsUnis, l'Angleterre et la France, voyant en lui, comme le disaient les évêques allemands "le meilleur rempart contre le bolchevisme", lui avaient fourni les crédits et les armes (la France lui fournit du fer pour ses canons jusqu'en 1938, l'Angleterre négocia avec lui des crédits jusqu'en 1939, et les Etats-Unis maintinrent leur ambassadeur à Vichy).
En outre l'on avait cédé à toutes ses exigences : lui laissant, sans coup férir, s'emparer de la Bohème et dépecer la Tchécoslovaquie, réaliser l'Anschluss (l'annexion de l'Autriche), participer en Espagne à une non intervention lui permettant d'intervenir, avec son complice Mussolini et ses propres légions Condor, jusqu'aux frontières sud de la France, à Guernica.
Le symbole de tous ces abandons, celui de Munich, lui livrait l'équivalent tchèque de la Ligne Maginot, avec l'espoir évident de détourner les appétits de l'ogre vers l'Est et l'Union Soviétique. Les munichois, épaulés par la dictature polonaise interdisant à l'URSS de faire passer ses troupes sur son territoire pour affronter Hitler avant qu'il n'arrive aux frontières russes dès l'invasion de la Pologne, il ne restait plus à Staline, pour éviter de supporter tout le poids d'une inévitable poussée hitlérienne, qu'à gagner du temps par un pacte de non agression, symétrique de celui de Munich, pour se préparer à une guerre alors inévitable.
Hitler réussissait ainsi à n'avoir pas à se battre sur deux fronts et pouvait dévorer l'Occident avant de se ruer vers l'Est soviétique.
Quant aux Etats-Unis, le sénateur Truman (devenu quelques années plus tard le Président Truman) définissait parfaitement la ligne constante de la politique americaine : "Si l'Union Soviétique faiblit, il faudra l'aider; si l'Allemagne faiblit, il faudra l'aider. L'essentiel est qu'ils se détruisent l'un l'autre."
Il est significatif que pour avoir lu cette déclaration de Truman à Radio-France, à Alger, où j'étais devenu, après ma libération des camps de concentration, rédacteur en chef du journal parlé du matin, je fus chassé de mes fonctions par ordre du représentant américain Murphy, malgré l'approbation de mon texte par le Général de Gaulle. (Voir Tome I de Mon tour du siècle en solitaire.)
Les voeux de Truman furent réalisés de sorte qu'au sortir de cette deuxième guerre en Europe, beaucoup plus ravageuse que la première, le Plan Marshall permit à l'économie américaine de poursuivre son ascension, en faisant de l'Europe ruinée un client de nouveau solvable.
Ainsi le troisième tiers du siècle fut dominé par une guerre froide entre les richissimes Etats-unis et une Union Soviétique qui avait, à Stalingrad, brisé l'armée allemande et avait poursuivi l'ennemi jusqu'à Berlin où Hitler dut se suicider dans son bunker de la Porte de Brandenbourg. Après la véritable déclaration de guerre de Winston Churchill, dans son discours de Fulton, et son aveu qu'on avait "tué le mauvais cochon", c'est à dire l'Allemagne hitlérienne au lieu de l'URSS et de Staline, la course aux armements entre les Etats-unis se poursuivit dans l'espace, les succès de l'un, comme celle du premier Cosmonaute (Gagarine), entrainaient la surenchère du rival jusqu'au paroxysme de la guerre des étoiles imaginée par Reagan.
L'URSS s'était épuisée en supportant l'essentiel du poids de la guerre contre Hitler : ses terres les plus fertiles de l'Ukraine avaient été ravagées par l'envahisseur, et les centres industriels les plus décisifs avaient été détruits. Elle était inéluctablement dépassée par les Etats-Unis qui avaient au contraire tiré du carnage européen le plus grand profit.
Pour soutenir un tel effort les dirigeants soviétiques adoptèrent le modèle de croissance de l'Occident, reniant ainsi toutes les promesses du socialisme. Ils en moururent par implosion du système.
Je rencontrai Gorbatchev longtemps après qu'il eut déclenché l'avalanche. Précipitée par la prostitution politique d'Eltsine à ses conseillers américains (tels que Soros), la restauration du capitalisme en URSS porta ses fruits habituels : l'accumulation de la richesse à un pôle de la société et de la misère à l'autre. L'on vit naître, avec la vitesse de champignons vénéneux, des fortunes maffieuses qui firent de Moscou un marché alléchant pour Rolls Royce, et, en même temps, proliférer le chômage, l'exclusion, la mendicité, la délinquance et le crime. L'ancienne Union Soviétique rattrapait l'Amérique sur un point significatif: le trafic de drogues multiplié par 4 en deux ans.
Dans la conversation avec Gorbatchev, je lui dis quel espoir j'avais partagé à la lecture de son livre Perestroika, où apparaît la véritable finalité du socialisme : donner un sens non seulement au travail mais à la vie entière, aliénée par le monothéisme du marché. Un sens nouveau lorsqu'il écrivait par exemple cette parabole résumant l'opposition de l'expérience du travail en régime de marché, c'est à dire de jungle, ou en régime humain, c'est à dire divin : "Un voyageur s'approche d'un groupe de gens en train de bâtir un édifice et demande : Que faites-vous là ?"
L'un d'eux répond avec irritation :
- "Eh bien, tu vois ! Du matin au soir il nous faut transporter ces maudites pierres... ".
Un autre se lève, redresse fièrement les épaules, et dit :
- "Eh bien !, tu vois : nous élevons un temple !". (p. 36-37)
C'est ce que Marx avait profondément distingué : un système social, celui du marché, réduisant l'homme à sa seule dimension animale : le maniement des moyens, ou un système fondé sur ce qu'il y a de proprement humain en l'homme : la conscience des fins précédant l'organisation des moyens et leur donnant un sens. (Le Capital I, XV, 1). L'homme et son travail utilisé comme moyen, sans conscience du but et de la valeur humaine de ce qu'il fait, peut être remplacé,comme force motrice par exemple, par un âne ou par une machine.
L'erreur historique mortelle de Gorbatchev fut précisément de commencer par la réforme des Moyens, c'est à dire de l'économie, en la libéralisant c'est à dire en introduisant ce libéralisme qui est la liberté laissée aux forts de dévorer les faibles. Dès lors cette économie de marché, c'est à dire régulée (ou dérégulée) par les lois non humaines d'un régime où tout s'achète et se vend (depuis la cocaïne jusqu'à la conscience des hommes) selon le profit qu'on en peut attendre, fit, en moins de 3 ans, oeuvre de désintégration de tous les rapports humains. Gorbatchev croyait qu'il allait réformer le socialisme, ce qui survint ce fut la restauration du capitalisme, et du pire : non pas le capitalisme juvénil qui, en dépit de son inhumanité foncière, investissait au moins dans une économie réelle, créatrice d'entreprises, mais le capitalisme déchu, où la spéculation détourne de la production 80 % des capitaux, et où la corruption se substitue à la planification (devenue d'ailleurs sclérosée et irréaliste dans la phase décadente de l'Union Soviétique).
Ce primat accordé à l'économie libérale c'est-à-dire à un monde sans l'homme) désintégra toutes les structures de la société, accentuant les inégalités, cassant tous les rouages de l'Etat au profit de nationalismes parcellaires, d'intérêts monopolistiques étrangers, ou de cupidités individuelles.
C'était méconnaître l'essence même du marxisme de Marx, donnant priorité aux initiatives historiques conscientes de l'homme, au lieu de l'abandonner au déterminisme des lois du marché instituant, dès ses origines, la guerre de tous contre tous sous le nom de liberté confondue avec la concurrence darwinienne des fauves.
Lénine, après Marx, avait bien vu le rôle primordial de la conscience, mais dans la Russie de 1917, où la classe historiquement porteuse de cette conscience n'existait pratiquement pas. Lorsqu'éclata la Révolution d'Octobre 1917, la classe ouvrière représentait en Russie moins de 3 % de la population active. Ainsi fut crée un parti prétendant exprimer la conscience d'une classe qui n'existait pas. De là les glissements ultérieurs : un parti qui se voulait unique (à l'encontre de la pensée constante de Marx depuis la création de la Première Internationale) se donna pour la conscience d'une classe, puis les dirigeants parlèrent au nom de ce Parti, et finalement un seul à la place de la Direction qui avait cessé d'être collégiale et d'exprimer la volonté des communautés de base (soviets).
Bon ou mauvais (mais plus souvent mauvais que bon) ce Parti constituait la colonne vertébrale du pays. Il en était en principe la conscience. C'est à ce niveau de la conscience que pouvait commencer une réforme du système par une véritable révolution culturelle à l'intérieur du Parti. A une étape de l'histoire de l'Union Soviétique (où le niveau de culture de la majeure partie de la population, et les exploits de ses chercheurs et de ses savants qui avaient, en certains domaines, de la médecine à l'exploration spatiale, mis l'URSS à égalité avec les plus grands), l'heure était venue d'une inversion radicale de la conception même du Parti ; toutes les directives ne viendraient plus d'en haut, mais émaneraient au contraire des communautés de base (soviets -- c'est à dire conseils de paysans, d'ouvriers, d'artistes, de savants, de chercheurs en tous domaines), pour que l'initiative de construire un avenir proprement socialiste puise constamment son inspiration dans les expériences de ceux qui sont directement aux prises avec le réel et entendent en contrôler l'évolution.
Cette erreur fondamentale de ne pas commencer par une mutation radical du Parti (et non de l'économie) conduisit à la débacle.
L'Union Soviétique s'est effondrée précisément parce qu'elle n'a tenu aucun compte de la méthode de Marx et s'est contentée de répéter ses formules : Marx avait dégagé les lois de la croissance du capitalisme anglais au XIXème siècle. Les dirigeants et les soi-disant théoriciens soviétiques ont fait une répétition intégriste et dogmatique des théories de Marx en appliquant à l'Union Soviétique, au XXème siècle, les modèles de croissance du capitalisme anglais au XIXème siècle. Son implosion ne signifie nullement une faillite de Marx, mais une faillite de l'interprétation intégriste de Marx qui a conduit à imiter les méthodes de croissance du capitalisme qui reposaient sur l'exploitation des richesses des 3/4 du monde (appelé le Tiers Monde)
L'Union Soviétique est morte pour avoir trahi Marx et pour avoir adopté le modèle de croissance du capitalisme.
Je suis devenu marxiste parce que Marx n'a créé ni une religion, ni une philosophie mais une méthodologie de l'initiative historique nous permettant de dégager les contradictions d'une époque ou d'une société, et, à partir de cette analyse, de découvrir les moyens capables de les surmonter.
Il y eut deux grands analystes du capitalisme : Adam Smith et Karl Marx. Selon Adam Smith, si chaque individu poursuit son intérêt personnel, l'intérêt général sera réalisé, permettant le bonheur de tous.
Karl Marx qui avait profondément étudié Adam Smith, disait qu'en effet le capitalisme libéral créerait de grandes richesses, mais qu'en même temps il créerait une grande misère des masses et une inégalité croissante. Aujourd'hui où, en Amérique, 1% de la population possède 40 % de la richesse nationale et où, dans le monde, 75 % des ressources naturelles se trouvent dans le Tiers-Monde, mais sont contrôlées et consommées par 25 % de la population mondiale, il est facile de savoir qui avait raison : Adam Smith (répété au XXème siècle par les prétendus libéraux, comme Friedman aux Etats-Unis ou un Raymond Barre (son traducteur en France), ou bien Karl Marx ? La réponse est claire, c'est Karl Marx, et c'est pourquoi je suis resté marxiste car on ne peut rien comprendre à la situation actuelle du monde et à ses inégalités croissantes sans utiliser les méthodes de Marx et non pas celles d'Adam Smith, de Friedman ou de Von Hayek.
Le XXe siècle n'est donc pas la faillite du socialisme de Marx, mais la faillite du modèle de croissance qui a créé de telles inégalités que quarante-cinq millions d'êtres humains (dont treize millions et demi d'enfants -- selon les statistiques de l'UNICEF) meurent chaque année de faim ou de malnutrition. C'est dire que le système actuel de croissance des pays occidentaux (sous la direction des Etats-Unis) coûte au monde l'équivalent de morts d'un Hiroshima tous les deux jours. Quarante fois, chaque année, ce qu'a couté Auschwitz par an.
Je répète : un Hiroshima tous les deux jours. Quarante Auschwitz par an.
On ne saurait imaginer une gestion plus désastreuse de la planète sous la domination du pire ennemi de l'humanité : les dirigeants américains, de Reagan à Clinton, qui sont, avec leurs mercenaires israéliens et anglais, les pires terroristes du monde. Alors que, dans un langage commun à Hitler, à Clinton et à Netanyahou, l'on appelle terroristes les résistants à une occupation étrangère.
L'inversion du rêve initial de Marx et des militants d'Octobre 1917, découlaient de conditions objectives (comme autrefois la dégénérescence de l'idéal des Lumières et de 1789, en Terreur jacobine, en pourrissement du Directoire et finalement en dictature napoléonienne La France en sortit moralement désorientée par la Restauration avec ses régressions sociales, ses inégalités aggravées (comme la Russie d'aujourd'hui après la Restauration du capitalisme.)
Les principales dérives venaient d'abord d'une interférence constante entre les problèmes de la construction du socialisme et ceux du développement, du fait que le socialisme ne succédait pas à un capitalisme pleinement développé comme l'avait conçu Marx, mais d'un capitalisme retardataire, celui de la Russie. L'intervention extérieure et l'état de siège des pays capitalistes rendit la situation plus complexe encore.
Winston Churchill se flattera, dans son livre : The World Crisis (Londres 1929) d'avoir organisé contre la République des Soviets, "une croisade de 14 Etats ".
Le chiffre 14 évoque celui des 14 armées que l'Europe fit converger, en 1792, sous les ordres du Duc de Brunschwig, pour écraser Paris et la Révolution française. En France, Clémenceau déclare qu'il faut pratiquer à l'égard de la Russie rouge : "une politique du fil de fer barbelé".
Churchill, plus offensif encore, ajoute : "établir un cordon sanitaire et foncer sur Moscou."
Ce boycott affamera (Les affamés de la Volga auxquels Anatole France envoyait son Prix Nobel) le peuple russe. Enfin, résister à l'encerclement, au surarmement, et à la menace permanente de l'environnement haineux des dirigeants des pays Nantis, exigea une politique d'armement à outrance : Staline disait, en 1930, au XVI ème Congrès du Parti bolchevik : "Il nous faut 17 millions de tonnes d'acier.... nous devons combler ce retard en 10 ans ou ils nous écraseront."
Cet objectif fut atteint en 1941, à un coût humain effroyable pour le peuple soviétique. Mais, s'il ne l'eût pas été, qui aurait brisé l'armée nazie à Stalingrad ?
Il est vrai que cette politique féroce conduisit à une militarisation qui amena l'économie au chaos et les hommes au cachot.
L'ensemble de ces contradictions internes et des théorisations intégristes des dirigeants conduisit à l'implosion du système.

 

La première guerre, épuisant l'Europe, a fait des Etats-Unis une grande puissance économique.
La deuxième guerre mondiale fut la plus belle affaire des Etats-Unis : fournisseur de l'Europe, puis, dans une Europe une nouvelle fois exsangue, extraordinaire prêteur et investisseur, son potentiel économique a augmenté de 40 % grâce à cette deuxième guerre mondiale, et de 7 % encore avec la guerre de Corée.
Vertigineuse tentation, aujourd'hui, lorsqu'à la fois s'effondrent, à l'Est, les possibilités de résistance, et que les anciennes puissances coloniales autrefois rivales, l'Angleterre et la France, -- du moins leurs dirigeants -- se résignent aux rôles de supplétifs de l'armée américaine dans des entreprises n'opposant plus désormais l'Est et l'Ouest mais le Nord et le Sud.
Ainsi semble s'ouvrir l'ère d'un déchirement nouveau de la planète entre un Occident coalisé, du Pacifique à l'Oural, pour perpétuer l'hégémonie du Nord contre le Sud.
La guerre du Golfe fut le prélude annonciateur de ce danger de guerre des mondes. Le dévoilement progressif des objectifs de guerre des Etats-Unis est révélateur : invoquant d'abord, la défense du droit international, invariablement oubliée jùsque là pour toute invasion, il n'a pu échapper qu'aux naïfs, trompés par les médias, qu'il s'agissait d'une guerre du pétrole, principe de toute croissance à l'occidentale.
Puis l'objectif véritable fut avoué : détruire la puissance de l'Irak, seul pays du Tiers-Monde possédant peut être les moyens de faire obstacle aux visées hégémoniques de l'Occident et d'Israël au Moyen -- Orient.
Il s'agissait d'une véritable guerre coloniale.
Le peuple irakien, par la guerre économique que lui livraient les émirs du Koweit (téléguidés par les Etats-Unis), était privé, avec 7 dollars de moins par baril de pétrole, de la moitié de son budget et voué à la faillite.
Mais la faiblesse politique de Sadam Hussein tombant à deux reprises (par l'invasion de l'Iran et pour l'opération au Koweit) dans le piége américain, a offert au complexe mllitaro- industriel le prétexte idéal pour une lntervention massive préparée depuis un tiers de siècle (depuis le projet de nationalisation des pétroles par Mossadegh en Iran)
Reçu par Saddam Hussein à Bagdad, le 5 décembre 1990 j'ai essayé, pendant deux heures d'entretien, en présence de deux de ses ministres et de deux généraux de son Etat-Major, de le convaincre de deux choses : d'abord qu'il n'y avait aucune symétrie entre lui et les Américains. A sa frontière il y a une armée, et, chez lui, un peuple. Peut-être peut-il faire quelque mal à cette armée (hypothèse qui ne s'est pas réalisée), mais cette armée peut faire beaucoup de mal à son peuple. J'en concluais qu'il devrait accepter de retirer du Koweit son armée, à condition qu'elle soit relevée par des contingents arabes de pays demeurés neutres, comme l'Algérie ou la Tunisie, afin de préparer un referendum de tous les habitants du Koweit (immigrés et autochtones). Il me rappela ses propositions du 12 août : l'Irak se retirera du Koweit si toutes les décisions des Nations-Unies sont appliquées (par exemple contre l'annexion de Jérusalem-Est, condamnée par toutes les nations, y compris par les Etats-Unis). Sa suggestion était parfaitement justifiée. Mais la méthode employée : l'occupation militaire, donnait un prétexte aux prétendus soldats de droit pour détruire un peuple.
Depuis la fin du Mandat britannique sur l'Irak (1930) les compagnies pétrolières occidentales (unies dans Irak petroleum) disposaient de 94 % du territoire Irakien. Lorsque la révolution irakienne du général Kassem décida de leur retirer ces concessions, la menace d'une intervention militaire anglaise, en 1961, imposa l'indépendance du Koweit, et son entrée aux Nations Unies en 1963.
L'émir du Koweit était dès lors chargé, par ses maîtres occidentaux, d'appliquer au pétrole (par exemple en inondant les marchés) la règle des échanges inégaux caractéristique du système colonial : faire baisser les prix des matières premières.
L'invasion du Golfe par les Etats-Unis et leurs vassaux, en 1990, renouvelle, à une échelle très supérieure, l'opération coloniale de 1961.
Les occidentaux appellent libération du Koweit le retour, dans les fourgons de l'armée américaine, de leurs prête-noms serviles et milliardaires. Le Koweit est, en effet, libéré de toute entrave à la spéculation financière la plus cynique, libéré de toute limite aux exactions de ses privilégiés corrompus. La ruée des grands rapaces coloniaux pour arracher des contrats et des parts de marché fait rage. Les entreprises américaines raflent, auprès des émirs revenus de leur Coblentz, la part du lion. Les autres se partagent les bas-morceaux en proportion des effectifs qu'ils ont engagés dans l'invasion, du rôle pris par les pétroliers et les multinationales dans le déploiement militaire qui a permis la restauration de leurs privilèges.
Comme tous les colonialismes, à travers les mensonges sur la guerre propre, chirurgicale, aseptisée, les américains ont livré à l'Irak une guerre totale avec les moyens techniques les plus sadiquement sophistiqués: une barbarie informatisée présentée comme un jeu électronique, avec des cibles dont on ne voit jamais les victimes déchiquetées. On ne comptabilise que les morts américains ou israéliens. Les autres ne comptent pas.
Comme autrefois le colonialisme espagnol réalisait le génocide des indiens d'Amérique par la supériorité technique de l'arme à feu, comme les colonialistes anglais utilisaient les armes automatiques pour massacrer au Soudan les hommes du Mahdi, comme Mussolini employait contre les éthiopiens les balles dum-dum destinées aux fauves, les américains expérimentent aujourd'hui les missiles guidés au laser, les bombes à dépression qui font éclater les poumons sur plusieurs kilomètres, et d'autres armes de destruction massive.
Le rapport entre le nombre de morts de l'armée coloniale et celui du pays envahi est toujours du même ordre de 1 pour mille, en raison de la supériorité technologique. Il en fut ainsi pour les Espagnols et les Indiens, pour les Anglais en Inde, pour les Américains au Viet-Nam, pour les Français en Afrique Noire et en Algérie.
Le commandement américain se vantait, lors du cessez le feu, le 28 février 1991, d'avoir déversé, en quarante jours, 100 000 tonnes d'explosifs sur l'Irak, c'est dire l'équivalent de plus de 4 Hiroshimas.
La tentative de maintenir par la force ce système post-colonial dans lequel l'Occident, avec un cinquième de la population mondiale, contrôle et consomme 80 % des ressources, et où sa croissance implique ainsi le sous-développement du reste du monde, conduirait à une véritable guerre de Cent ans entre le Nord et le Sud. Le Tiers Monde ne pouvant se laisser détruire et le monde riche se vouant à une crise sans issue en ruinant ses clients par la faillite et la famine. Les statistisques des Nations Unies nous apprennent que, dans le Tiers-Monde, par le jeu des échanges inégaux et de la dette, plus de 45 milllons d'êtres humains meurent chaque année de faim ou de malnutrition. L'ordre colonial et le droit qui le perpétue, imposent au Tiers Monde l'équivalent de quarante Auschwitz par an. La Crucifixion banalisée à l'échelle des multitudes.
Le dirigeant syndicaliste brésilien Lula écrit : "la troisième guerre mondiale est déjà commencée. Une guerre silencieuse mais qui n'en est pas moins sinistre.... Au lieu de soldats, ce sont des enfants qui meurent, au lieu de millions de blessés, des millions de chômeurs, au lieu de destruction de ponts, ce sont des fermetures d'usines, d'écoles, d'hopitaux.... C'est une guerre déclarée par les EtatsUnis contre le continent américain et tout le Tiers Monde."
La guerre du Golfe fut seulement une expression plus sauvage de cette guerre permanente.
Telle est l'ampleur de la défaite de l'homme masquée par le plus puissant lavage de cerveaux de millions d'hommes réalisé par le matraquage médiatique : l'on a présenté comme une victoire de la civilisation contre la barbarie l'instauration d'un ordre du monde où l'hégémonie militaire appartient à une societé qui porte tous les stigmates de la décadence.
Nous voici ramenés au temps de la décadence de la République romaine et de l'instauration d'un Empire romain, avec une polarisation croissante de la richesse et de la misère: Rome comptait alors 320 000 sans emplois. Les 6 plus grands propriétaires d'Afrique, au temps de Néron, possédaient la moitié des terres de cette province, comme aujourd'hui, aux Etats-Unis, 5 % des américains détiennent 90 % de la richesse nationale. Les légions faisaient peser leur joug de l'Atlantique à l'Asie.
Nous vivons une nouvelle fois une époque de pourrissement de l'histoire, caractérisée par la domination technique et militaire écrasante d'un empire qui n'est porteur d'aucun projet humain capable de donner un sens à la vie et à l'histoire.
Il fallut trois cents ans de révoltes larvaires, et surtout la formation de communautés autonomes d'un type nouveau échappant peu à peu aux tentacules de la pieuvre, pour que se crée un nouveau tissu social.
Cette naissance d'un monde humain, à partir de la préhistoire bestiale que nous continuons à vivre sous le signe de la barbarie informatisée, ne pourra naître que d'une prise de conscience, à l'échelle des peuples, de la malfaisance de ce monothéisme du marché et de ses sanglants prophètes.
Le fait que la manipulation médiatique et surtout la télévision puisse donner à 200 millions d'hommes (dont 30 millions vivent pourtant a un niveau infra-humain) la bonne conscience d'être ce qu'il y a de meilleur au monde, digne d'en être à la fois le modèle et le gendarme, sont les signes profonds de cette décadence qui s'exprime, au niveau individuel, par le crime.
Les statistiques de la police nous révèlent qu'à New-York toutes les 3 heures, une femme est violée, toutes les 2 heures un homme assassiné, toutes les 30 secondes un attentat commis. L'Amérique détient le record des suicides d'adolescents comme de la criminalité et compte 20 millions de drogués.
Tel est le mode de vie américain de nos moralistes au moment où Mr Bush organise des prières pour sa croisade du pétrole.
Ce mode de vie est celui de l'exaltation de l'argent et de la violence. Cette culture de l'inhumain est exportée dans le monde entier par les films américains. Ceux de la violence répressive des polars avec leurs cascades de coups de révolvers ; ceux de la violence raciste des westerns exaltant la chasse à l'indien ; ceux de la violence-spectacle des films d'épouvante.
Telle est la puissance qui détient l'empire du monde.
Aujourd'hui c'est le principe même du système : le monothéisme du marché (c'est à dire l'argent) comme seul régulateur de toutes les relations sociales (de l'économie à la politique et de l'art à la morale) qui est la plus grande défaite de l'homme.
Cette guerre coloniale et l'embargo assassin qui la perpétue, a servi de révélateur de la responsabilité des dirigeants et de la caducité des institutions, permettant ainsi de distinguer clairement ce que le Président Bush appelle : le nouvel ordre international (qui serait le maintien et le renforcement, dans le monde, du statu-quo colonial sous hégémonie américaine), d'un véritable nouvel ordre international qui en est le contraire.

 


Ce texte est extrait du livre de Roger Garaudy  L'Avenir: mode d'emploi, Ed. Vent du Large, 1998

Le titre donné à cet extrait est de l'administrateur du blog

Publié par Administrateur à l'adresse 28.9.10

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