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ديوان :وأخيرا صار لنا أمل ...الأستاذ :خليفة عدالات

15 Février 2012 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #poème

خيمة الشعر

 

 

 

خيمة للشعر أنسجها من خيوط الكلمات

أجول من خلالها روحا ما بين ماض وآت

أعيد من خلالها ماض قد  نأى عني

ولم يبق منه سوى الذكريات

 

خيمة للشعر أنسجها من حنين الذكريات

لأبعث  نفسي جديدا

 في ربوع الكلمات

آه أيتها الأيام التي أفلت

وآه أيتها الأيام الخاليات

ما مضى من أيامي حلو وعذب

فكيف يا ترى حال

سنيني المقبلات؟

 

بالأمل والتوكل وعشقي العمل أمضي

أنحت قدري عازما وبكل ثبات

ذلك دربي منذ نشأت

وذلك زادي وعدتي حتى الممات

عش يا صاحبي كما شئت بمال وفير وجاه

وما شابه ذلك من متع الحياة

ولكن تذكر فالحياة دجى مظلم

إذا افتقرت إلى الفضائل والمكرمات

ورأس هذه الفضائل أمل نزرعه

في نفوسنا المنهكات

وحب صادق نتقاسمه

به نحيا أيامنا  المقبلات…

 

مثقلة هي الدنيا بخطوبها

ونفوسنا بمتاعب الأيام مثقلات

ولكن بالعمل والأمل والإيمان نمضي

يا صاحبي نغالب الخطوب الآتيات

فكن يا صاحبي ذا أمل وسعي

وذا  نفس طويل طاول به الأيا م الباقيات

وكن للتحديات كفؤا وندا

ولا تنحن  إلا  لفاطر السماوات

 

حياتنا يا صاحبي درب نسلكه

فاختره بحكمة تنأى بنفسك عن المتاهات

واحذر يا صاحبي غفلة

فإن تغفل تكن عبدا للضلالات

وكن يا صاحبي كيسا

 تجد في تجارب الآخرين عبرا وعضات

ولا يكونن الأحمق أسوة لك

يقضي حياته تائها

ما بين الحماقات

 

 

 

حياتنا يا صاحبي قصيدة

 تستمد روحها من صدى الكلمات

تستقي رونقها وقافيتها

 من سحر الليالي والأمسيات

وميزانها مستلهم

من وقع الحوادث المتعاقبات

نبدأ تأليفها صغارا

وحين نكبر تكبر معنا

وحين ننهيها ننتهي....

 ولا نترك خلفنا سوى الكلمات.

 

سأكتب الشعر ما دمت حيا

أخلد به الساعات العابرات

أتصيد المعنى مابين روي وقافية

وبين كلماته والعبارات

لعلي في يوم أفهم ذاتي

وأدرك سر هاتيك الحياة.

كم من قصيدة كتبنا يا قلمي

 وكم نفثتا خلالها من الزفرات...

وها  نحن كلما أنهينا واحدة مررنا لأخرى

نمتطي صهوة الشعر ونمضي نتابع درب الحياة....

 

نوفمبر 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Société du risque .

23 Janvier 2012 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #sociologie

Dans La Société du risque (1986), Ulrich Beck constate un changement dans la configuration de la société, en raison du développement industriel et technologique, où la question centrale est désormais la répartition du risque. Il s'interroge également sur une société à venir dans le cadre de la mondialisation où la valeur de l'avenir pourrait être le cosmopolitisme.

Beck insiste en partie sur la tolérance au risque qui, selon lui, en baissant, augmente la demande d'assurabilité. Cependant, prenant l'exemple de l'industrie nucléaire et de la longévité des déchets nucléaires, qui est selon lui mise en avant en raison du changement climatique et de la hausse des prix du pétrole, il critique « les acteurs qui sont censés garantir la sécurité et la rationalité - l'État, la science et l'industrie - » dans la mesure où « ils exhortent la population à monter à bord d'un avion pour lequel aucune piste d'atterrissage n'a été construite à ce jour. » [1].

Selon lui, les choix à faire sont entre des « solutions également dangereuses », mais « dont les risques sont qualitativement trop différents pour être aisément comparés. » [1] Or, précisément, les « gouvernements adoptent (...) une stratégie de simplification délibérée » en présentant « chaque décision particulière comme un choix entre une solution sûre et une solution risquée tout en minimisant les incertitudes de l'énergie nucléaire et en focalisant l'attention sur le changement climatique et la crise pétrolière. »[1]

Concepts[modifier

 

 

 

I . Sur le volcan de la civilisation : les contours de la société du risque

  1 : Logique de la répartition des richesses et logique de la répartition des risques
  2. Epistémologie politique de la société du risque

II. Individualisation de l'inégalité sociale : formes d'existence et déclin de la tradition dans la société industrielle

   3. Par-delà les classes et les couches sociales
   4. Je suis moi : oppositions, relations et conflits entre les sexes à l'intérieur et à l'extérieur de la famille
   5. Individualisation, institutionnalisation et standardisation des modes de vie et des modèles biographiques
   6. Déstandardisation du travail : de l'avenir de la formation et de l'activité professionnelle

III. Modernité réflexive : généralisation de la science et de la politique

   7. Une science au-delà de la vérité et la rationalité émancipatrice ? Réfléxivité et critique de l'évolution scientifico-technique
   8. Pas de limite à la politique : gestion politique et mutation technico-économique dans la société du risque

 
 
On ne sait quelle attitude adopter face à ce livre paru en 1986 et dont la traduction nous parvient avec 15 ans de retard ! D'un côté, on reste confondu par la richesse foisonnante et la précocité des analyses qui font de ce livre pionnier un livre fondateur pour la réflexion écologiste mais, d'un autre côté, cette précocité et ce foisonnement ne vont pas sans d'inévitables confusions que de nombreux débats ont permis d'éclaircir depuis. Si la critique est facile après-coup elle n'en est pas moins une mise à jour nécessaire après la chute du mur de Berlin qui ouvrira l'ère impériale où la domination de la société marchande est encore plus totale.

A l'époque, c'est surtout l'analyse de l'individuation et de l'éclatement des solidarités de classe au profit d'une "lutte de classe des risques" qui a été au coeur des débats politiques et de l'inscription de la "société du risque" dans l'élaboration d'une "troisième voie" marquée par une certaine impuissance politique, à la suite de Bell et Giddens, bien que dans une version plus progressiste sans doute. Cet aspect de la polémique a beaucoup perdu de son importance, par le triomphe de ces thèses depuis la faillite de l'URSS, tant l'individuation s'est encore accélérée au détriment des solidarités de classe. Le thème de la répartition des risques, où les seules solidarités restantes sont territoriales face à un risque menaçant toute la population locale, a trouvé aussi ses limites qui sont celles d'une sociologie géographique, bien que ce soit un réel problème à certains endroits, comme à Toulouse

Il faudra examiner ce qui situe ce livre dans un certain social-libéralisme et qui ne se réduit pas au dépassement de la lutte des classes qu'André Gorz avait annoncé il y a longtemps dans ses "Adieu au prolétariat" sans renoncer à la libération de l'économie, mais ce qui est le plus contestable sans doute dans ce livre, c'est son titre de "Société du risque" qui prétend rassembler sous une notion de risque élargie et confusionnelle un ensemble de transformations sociales différenciées (modernité réflexive, individuation et risques scientifiques). On ne peut mettre sur le même plan risques industriels, incertitudes scientifiques et insécurité sociale. Cette notion très idéologisée du risque souligne pourtant, contrairement à d'autres comme Gilder, son aspect négatif d'insécurité qui est la contrepartie de la mobilité sociale. Le fait que ce livre soit sorti peu de temps après Tchernobyl et, sa traduction ici, juste après la catastrophe de Toulouse renforce donc plutôt le malentendu car son contenu est loin de se réduire à ces questions de risque industriel, même s'il commence et se termine par là.
 

La modernisation achevée

L'insécurité que la société du risque impose à l'humanité tourmentée a aussi une autre face : elle lui permet de trouver et d'activer un progrès de l'égalité, de la liberté et de la possibilité de se constituer soi-même que promet la modernité. 488 (pour quelques uns!)

L'objet de ce livre est la post-modernité ou, ce qu'Ulrich Beck appelle, comme Anthony Giddens, la modernité réflexive ou la détraditionnalisation de la société industrielle plus que la notion de risque. Le concept d'Empire apparu depuis l'effondrement du communisme apporte sans doute, dans son caractère englobant, et pour tout dire totalitaire, ce qui manque à cette "société du risque" voulant exprimer surtout la situation d'une modernisation achevée ne connaissant plus d'extériorité, tout comme l'Empire universel, et dont les risques ne sont plus extérieurs, naturels, mais sont devenus internes, produits de la rationalisation et de la science mais aussi de la politique, du Droit et de la "démocratie". La Société du "spectaculaire intégré" annonçait déjà le triomphe de la marchandise recouvrant toute communication. Toni Négri étend à l'Empire le constat de la société-usine effaçant les frontières entre travail productif et vie privée. Dans le même esprit, Ulrich Beck montre que le triomphe du système industriel brouille les limites entre nature et société, jusqu'à l'internalisation de la nature au processus industriel et à la civilisation. "Face au risque internalisé, il n'y a plus d'indépendance". "L'extérieur disparaît. Les conséquences sont internes" 377 Le risque devient global, systémique, invisible et autoréférentiel. "La société du risque est une société de la catastrophe. L'état d'exception menace d'y devenir un état normal" 43 mais le risque systémique est devenu l'enjeu politique d'une guerre civile, plutôt qu'une lutte de répartition des risques, et la lutte contre le terrorisme, justifiant l'intervention militaire de l'Empire, ouvre de nouveaux territoires à la circulation des marchandises.

L'interprétation qu'en donne la revue TIQQUN donne plus de force à ces hypothèses que la notion indifférenciée de risque ou même que la notion de modernité réflexive dont la signification n'est pas aussi claire, bien qu'elle désigne aussi le fait d'une modernisation achevée n'ayant plus d'extériorité et ne pouvant s'appliquer désormais qu'à elle-même. L'idée principale consiste à montrer que la modernisation de la société traditionnelle aboutissant à sa disparition, nous assistons depuis à la modernisation de la société industrielle, de ce qui restait de "tradition industrielle" pour déboucher sur une critique de l'industrie, de la science et de la rationalisation, produisant ainsi un post-rationalisme, une société post-industrielle auto-référentielle, époque tardive et décadente qui détruit les cadres sociaux de la modernisation, par sa réussite même, c'est bien ce qu'il faut souligner, et selon trois axes principaux : 1) Les progrès de la productivité en diminuant la pression de la nécessité mènent à une inversion des priorités entre risques et profits, le progrès et ses effets secondaires, développant la critique de la science et de l'économie. 2) L'individuation résultant de l'Etat social, de la diversification des parcours et de la division du travail fait éclater la famille et les normes salariales, généralisant incertitude et insécurité. 3) La victoire de la démocratie vide de substance le centralisme politique perdant son pouvoir sur la société mais généralise l'action citoyenne sub-politique, conduite avec ses propres moyens, aussi bien contre un pouvoir sourd qu'une science aveugle à ses effets. C'est la fin du double monopole de la science et de la politique, du savoir et du pouvoir. Les contradictions de la société post-moderne sont le résultat de la réussite des idéaux de la modernité : abondance, formation, droits (auxquels il faut opposer solidarité, autonomie, responsabilité) et le risque n'est pas une imperfection du progrès mais bien sa contrepartie (ce qu'on peut dire pour l'homme en général et sa liberté, voire pour toute vie : "Sauf que nous plus encore que la plante ou l'animal allons avec ce risque" Rilke).

La répartition des risques

L'unification de tout cela sous la notion de risque a tout du caractère idéologique, même s'il est peu question des risques financiers, et n'est pas très éclairante entre insécurités et incertitudes, individuation et internalisation, risques sanitaires et systémiques. J'ai montré dans "Les cycles du Capital" que la valorisation du risque correspondait aux tendances idéologiques des phases de dépression. Il semble que son heure de gloire soit passée avec la reprise. Alors que des années 80 à très récemment le risque sous toutes ses formes, industrielles, financières, professionnelles était de plus en plus valorisé, petit à petit on valorise plutôt désormais la sécurité (des investissements, des emplois, des cités). Ce n'est pas une raison pour évacuer complètement la notion de risque, qu'il faut ramener plutôt à son champ écologique, encore moins pour ignorer les phénomènes différenciés qu'elle recouvre.

L'idée de répartition des risques qui est défendue au début de l'ouvrage a une pertinence certaine qui n'est pas nouvelle (qu'on songe à la Grande Peste) et toujours confirmée depuis de mille façons, comme à Toulouse, faisant même parfois l'objet de négociations internationales, mais sa simple mise en lumière rend intenable le calcul morbide du prix de la vie et ne semble pas déboucher sur une "lutte des classes", ce phénomène étant contre-balancé par la solidarité entre toutes les victimes potentielles quelque soit leur classe. S'il est vrai que "la richesse s'accumule en haut, les risques en bas" et qu'il y a répartition des risques par "évitement, déni ou réinterprétation" (il suffit de penser aux prisons), c'est bien là qu'il est difficile de confondre toutes sortes de risques (du travail, local ou systémique, calculable ou incertain), encore plus de parler de lutte des classes. Beaucoup plus pertinente semble l'analyse, présente ici aussi, de la constitution d'un sujet, d'une "communauté objective" face à un risque non choisi (riverains, malades, victimes). On ne débouche pas tant alors sur une lutte des classes mais plutôt, dans le meilleur des cas, sur la formation d'un consensus dans un processus cognitif combinant science objective et subjective comme le montre le livre beaucoup plus récent "Agir dans un monde incertain".

Le point qui me semble beaucoup plus décisif est la constatation d'une inversion des priorités à partir d'un certain niveau d'abondance. La réussite même de l'économie annoncerait la fin de sa suprématie, la fin des pénuries donnant la priorité à la sécurité de même que l'intégration de toutes les activités met au premier plan la nécessité de la cohésion sociale face à la fragilité du système qui nous rassemble et nous rend transparents. C'est la réussite du système industriel qui rend prioritaire sa critique, la correction de ses nuisances, la protection de ses dangers, l'urgence de la modernisation de la modernité (réflexive) et d'une reconfiguration de la société, de son rapport à la science, à la politique et à l'économie. Il faudrait sans doute ajouter que la "pénurie de travail" retarde cette perte d'importance de l'économie mais inverse déjà la contrainte de production en activité de socialisation, la sécurité de l'emploi ou l'intérêt du travail prenant le pas sur la gain immédiat.

On passerait ainsi à une détermination par l'avenir où c'est la connaissance (des risques) qui détermine l'être (l'action) mais qui se limiterait désormais à cette gestion des risques comme si plus rien ne pouvait changer. La post-modernité prétend venir après une Histoire achevée.

L'individuation

C'est encore par la réussite de la modernité et du formidable instrument de libération que l'Etat social a constitué, permettant à chacun de s'affranchir de ses liens familiaux, que l'individuation a détruit les solidarités de classe et soumis nos vies à une insécurité grandissante et une perte des normes. "La généralisation de la société du marché du travail garanti par l'Etat-providence a sapé les bases de la société de classes, ainsi que celles de la cellule familiale restreinte". "L'existence des gens s'autonomise par rapport aux milieux et aux liens dont ils proviennent ou dans lesquels ils s'intègrent" 171. Il est sans doute exagéré de faire de l'Etat social la cause de l'individuation, il y en a bien d'autres (formation, division du travail, salariat, etc.) mais il est exact que l'Etat et le Droit sont des instruments de dépersonnalisation, indispensables pour assurer l'anonymat et l'égalité des rapports marchands notamment. En tout cas le fait est là, massif, de la différenciation et de la perte des solidarités sociales.

Là où chacun suivait une voie tracée, il n'y a plus désormais que parcours individuel. La biographie réservée aux grands hommes se généralise par le CV. Notre destin n'est plus social mais personnel. Il ne s'agit plus dès lors de s'engager à vie dans une carrière mais de donner sens à son travail dans lequel on est plus impliqué. Cette personnalisation des parcours et les changements d'entreprise entraînent pourtant aussi une certaine perte d'importance de l'entreprise et du travail mais se traduit surtout par une individualisation de l'inégalité sociale et du marché du travail. La division sociale devient division biographique (entre emploi et chômage, étudiant et cadre, etc).

Cette individuation va donc "transformer les causes extérieures en responsabilités individuelles" 202 donnant aux crises sociales l'apparence d'une crise individuelle car tout le monde n'est pas pareillement touché. "La possibilité de ne pas décider a tendance à disparaître" 257 et les décisions révèlent inégalités et conflits. Il y a donc à la fois disparition des classes et augmentation des inégalités, d'autant plus insupportables qu'elles sont individualisées et qu'on en porte l'impossible responsabilité. L'estime de soi est souvent atteinte jusqu'à l'autodestruction, ce dont témoigne la place de plus en plus grande des psy mais on voit revenir aussi toutes sortes de discriminations (âge, sexe, race). C'est la partie la plus convaincante du livre mettant en évidence le prix que nous devons payer pour l'inadaptation de nos institutions à leur réussite même. Devant l'évidence que les gens ne sont pas responsables de leur situation et de leurs problèmes, qui ont un aspect institutionnel et macro-économique, Ulrich Beck pense qu'il faudra remettre en cause le productivisme, assurer à tous des services comme la garde des enfants et surtout un revenu garanti indispensable pour ne pas sombrer à la moindre rupture biographique.

Il y a un lien direct entre l'individualisation et l'impuissance politique ressentie, l'anomie sociale. La sphère privée n'est "que la face extérieure de circonstances et de décisions qui sont prises ailleurs" 286 "Vivre sa vie, cela équivaut à résoudre sur le plan biographique les contradictions du système" 293 Le privé est de plus en plus politique 426. C'est flagrant pour le salariat féminin et la libération de la femme, la fin de la répartition des rôles et l'éclatement de la famille qui aboutissent à la contradiction sexuelle entre égalité théorique et comportements inchangés. On peut décomposer le processus en 3 temps :
1) La fin de la société par état et le salariat féminin abolissent les rôles sexuels pourtant à la base de la société salariale (déqualification du travail domestique)
2) La fin des jeux de rôle, du "comme si" de traditions périmées donne à l'individu une liberté dans le couple et un besoin d'intimité, son projet n'étant plus tant familial que de réalisation de soi.
3) Les différences sociales et les discriminations effectives transforment les conflits sociaux en conflits familiaux et les divorces provoquent une grande partie de la précarité féminine.
Les conflits intimes témoignent que l'égalité ne peut se réaliser "à l'intérieur des structures institutionnelles qui présupposent l'inégalité entre hommes et femmes" comme le salariat actuel 244.

La normalité est de plus en plus hors d'atteinte pour la plupart. On passe de la "biographie normale à la biographie choisie" 290 mais cette existence nomade 199 se transforme pour chacun en quête d'identité et devoir envers soi qui est nécessité de production de soi, comme dit Gorz, plus qu'individualisme. On n'a pas le choix, on est obligé de se soucier de soi (individualisation des risques, échecs personnels, responsabilité). "Les impératifs de travail sur soi, de planification et d'organisation de sa propre existence constituent tôt ou tard de nouveaux défis dans le domaine de la formation, de la thérapie et de la politique" 292

La destruction du salariat

Sans refonte du système de protection sociale, l'avenir est menacé par la pauvreté. Ce n'est qu'en instituant juridiquement un revenu minimum pour tous que l'on pourrait retirer de cette évolution un peu de liberté. 316

Loin d'être une libération, l'individuation est une contrainte ,une exigence supplémentaire pour l'individu incertain qui perd la maîtrise de sa vie et dont Alain Ehrenberg a montré la fatigue d'être soi. "L'individu est certes affranchi des liens traditionnels mais il doit en échange se plier aux contraintes du marché du travail et du monde de la consommation et aux standardisations et aux contrôles qu'elles impliquent" 282. "La disparition des liens traditionnels en font le jouet des modes, des circonstances, de la conjoncture et des marchés. Ainsi l'existence privée individualisée devient justement de plus en plus dépendante de circonstances et de conditions qui se soustraient totalement à son intervention". 283

Cette perte de sécurité et de liberté de choisir, de contrôle de sa vie, se traduit par une flexibilité de plus en plus grande, mais ce sont plus globalement les frontières travail-non travail qui deviennent fluctuantes. 301 A l'ancien travail caractérisé par la standardisation du contrat, du lieu de travail et du temps (à vie) se substitue un "sous-emploi flexible, pluriel, décentralisé et saturé de risques" 304 "Les entreprises découvrent la force productive que sont le travail à temps partiel, le sous-emploi, ou, plus généralement, la déstandardisation des normes d'utilisation de la force de travail" 309 On peut y voir une transposition de la philosophie du morcellement de Taylor. "Le temps partiel loin de contribuer à lutter contre le chômage généralise le sous-emploi flexible". 315 Les nouvelles forces productives ne font plus éclater les rapports de propriété, elles pulvérisent "les conditions du contrat de travail et du marché du travail" 314, les formes et les cadres du travail salarié.

Le normes d'emploi disparaissant, les diplômes ne garantissent plus rien et la formation professionnelle n'a plus de sens sinon de voie de garage, tout comme les programmes de réinsertion par le travail. On revient dès lors pour l'embauche au jugement subjectif sans justification, aboutissant à l'exclusion des plus faibles et marginaux, à une ségrégation "en fonction du sexe, de l'âge, de l'état de santé mais aussi des opinions, de l'aspect physique, des relations, des attaches régionales, etc" En perdant les normes salariales, on retrouve ainsi des normes féodales : la détraditionnalisation de la société industrielle est en partie régression.

Les incertitudes scientifiques

La science devient de plus en plus nécessaire mais de moins en moins suffisante à l'élaboration d'une définition socialement établie de la vérité 10

Après les contradictions résultant de la réussite industrielle et sociale, ou de la généralisation du salariat, venons-en aux nouvelles questions que pose la science par son omniprésence, les incertitudes produites par son hypercomplexité 344, ses "effets secondaires de moins en moins calculables mais de plus en plus prévisibles." 380

La modernisation de la tradition se traduisait par un scepticisme rationaliste, au nom de la science, alors que la modernisation de la société industrielle développe un scepticisme de la rationalité et de la science, jugées sur leurs effets (réflexivité). En posant la question "quel type de science est susceptible d'intégrer d'emblée à sa démarche les éventuels effets induits prétendument imprévisibles", science qui devra s'opposer à l'hyperspécialisation et renouer avec une véritable capacité d'apprentissage, Ulrich Beck préfigure déjà le principe de précaution alors embryonnaire. On pourrait ajouter que ce scepticisme du scepticisme est déjà celui de la philo-sophie.

Le plus intéressant ici, c'est la constatation que la critique de la science renforce paradoxalement son instrumentalisation, sa soumission aux intérêts féodaux et aux croyances, sa dépendance sociale, en effaçant la différence entre recherche et applications. Ce n'est plus la vérité qui compte mais son caractère socialement acceptable et ses conséquences supposées. De plus la recherche des causes des catastrophes scientifiques mène à la recherche des responsables. Les dirigeants sont directement mis en cause dans les conséquences de leurs décisions, accélérant ainsi la politisation de la science. On assiste à une externalisation de la connaissance et internalisation des conséquences pratiques. 366 La disparition des frontières de la science, de son monopole sur le savoir et de sa neutralité politique doit se traduire par sa pénétration de la démocratie, la multiplication des contre-expertises, d'une critique scientifique de la science, réintroduction de son sujet dans le savoir qui est aussi la fin d'une science désintéressée et d'une politique réduite aux rapports de force ou aux intérêts. La politique devra intégrer la dimension cognitive comme la science la dimension démocratique.

L'impuissance politique

La politique doit tirer les conséquences de son autolimitation historique. La politique n'est plus le seul lieu, ni même le lieu central où l'on décide de la configuration de l'avenir social. 489

La réussite démocratique vide en effet la politique de toute substance, ne laissant plus aucune marge de manoeuvre à un pouvoir centralisé puisqu'elle entraîne au contraire une décentralisation croissante, une citoyenneté active ne se limitant pas au vote mais incluant opinion publique, mouvements sociaux, tribunaux... Le pouvoir ne peut ignorer cette participation citoyenne, les discussions entre partenaires sociaux et ne maîtrise ni les interactions, ni les négociations, ni le processus économique. On ne peut plus faire n'importe quoi, l'espace politique est restreint et diffus. Tout est possible mais rien n'est possible. 176 C'est la même conclusion que celle de Marcel Gauchet (relativisée depuis) sur une "société de marché" réduite à la gestion des conflits, société du changement où plus rien ne peut être changé. C'est le refrain libéral sur l'impuissance politique, les "conséquences non-intentionnelles de l'action" d'un Giddens par exemple, ce qui n'a rien de neuf puisqu'on les retrouve au moins dans St Paul ! C'est la base du réformisme minimal de la troisième voie. Pourtant cet enfoncement dans la sphère privée peut être complètement ébranlé par une guerre ou une cause qui nous mobilise. L'impuissance politique est donc l'impuissance de la politique dans l'Empire plutôt que le résultat de l'émancipation, et la fuite dans l'intérêt privé est un résultat de l'impuissance politique plutôt qu'une pente inexorable. "Ainsi le papillon de nuit, quand s'est couché le soleil universel, cherche la lumière à la lampe du foyer privé." Marx 317 On ne peut reprocher dans la description de notre impuissance politique de ne pas décrire une réalité mais de prendre cette réalité pour un destin (TINA : There Is No Alternative)

En dehors de cet aspect politique (et polémique) sur l'impuissance du politique, on doit bien reconnaître les conséquences politiques de l'économie et de la science. Ce qui est remis en cause c'est plutôt une autonomie du politique qui, à peine délivré de la théologie, se transforme en religion du progrès . La plupart des transformations révolutionnaires ne sont plus politiques mais techniques, "le progrès remplace le scrutin" 40 (ce qui change le monde c'est ce dont on ne décide pas) et les laboratoires de recherche sont devenus des "cellules révolutionnaires" 472. Le progrès n'est pas une idéologie, c'est une structure de transformation sociale largement déresponsabilisante et justifiée par la politique de l'emploi, selon le principe que tout progrès économique est un progrès social 432. La politique se limite alors au traitement des conséquences néfastes, sacrifices consentis au progrès mais qu'il faut soulager. Il faudrait accepter sans savoir, tout le reste est superstition ! Transformation de l'agir rationnel en "processus de rationalisation" 455. On voit qu'on n'a pas tellement évolué. La science et l'économie ont remplacé Dieu et l'église, une contrainte hétéronome se substituant à l'autonomie démocratique. "La politique devient une agence de publicité financée par les fonds publics, qui vante les qualités d'une évolution qu'elle ne connaît pas et à laquelle elle ne participe pas activement ".472 Pourtant, ce que nous ne voulons pas change le monde de manière inquiétante.

La généralisation de la politique

En fait, plutôt qu'impuissance, il y aurait inversion entre politique et non-politique. Si l'économie notamment échappe désormais à la politique traditionnelle, la science et la vie privée se politisent. Il y a donc déplacement des lignes plus que disparition du politique, effacement des frontières entre science et politique, fin des monopoles. "Les monopoles s'effondrent mais les univers ne s'écroulent pas." 487 Il n'y a plus de citoyen divisé entre politique et intérêt mais l'économie et la science prennent une dimension éthique et politique par les risques qu'elles génèrent au moins. Alors qu'on croit le profit triomphant il n'est pourtant déjà plus suffisant. Les entreprises doivent désormais se légitimer par l'intérêt général et plus seulement par le profit, du fait même de devoir communiquer "les entreprises sont alors contraintes de recourir à des justifications discursives, non économiques" 476. Comme l'économie, la science doit réintroduire le sujet dans le savoir. "Sans la rationalité sociale, la rationalité scientifique reste vide, sans la rationalité scientifique, la rationalité sociale reste aveugle".

Si la fin de la politique traditionnelle se traduit par une généralisation de la politique et non par sa disparition, l'erreur serait de croire à une recentralisation. "La société moderne n'a pas de centre de régulation", ce pourquoi il ne peut y avoir qu'une politique diversifiée et multiforme (mouvement social, ONG) "nouvelles formes de participation et de contrôle direct en dehors de la fiction d'une régulation et d'un progrès centralisés" 485 confirmant la "disparition des frontières de la politique" devenue sans milieu spécifique. 485 C'est l'autre face de l'impuissance d'une politique centralisée, la nécessaire "autocoordination des subsystèmes et des unités d'activité décentrées". 486 En fait je ne suis pas d'accord, il y a plutôt pluralité de centres car si, en temps ordinaire la plus grande autonomie doit être laissée aux régulations locales, la notion de centre dépend de l'action à mener et des capacités de mobilisation d'un organisme sur cet objectif. Il y a une politique pour temps de paix et une autre pour temps de guerre pourrait-on dire si ce n'était trop réducteur, un temps pour l'économie, un temps pour la politique. L'autonomie de chacun n'exclut pas une grève générale ou de changer de monnaie européenne !

La construction de l'écologie

Bien que le concept de risque utilisé soit trop large, il englobe malgré tout le risque écologique, et la fin des monopoles du pouvoir ou de la science concernent directement les écologistes dont plusieurs tendances sont critiquées. Ainsi, le principe pollueurs payeurs est considéré comme inadapté à des risques qui peuvent être systémiques, dont les taux limites ne sont pas connus, ni les effets d'accumulation ou des diverses compositions de polluants. Le risque est pointé d'un "totalitarisme légitime de la prévention" 145 mais il souligne surtout, malgré la nécessité d'un contrôle citoyen, l'impossibilité d'une démocratie industrielle, de soumettre "aux parlements avant qu'elles soient prises les décisions fondamentales qui portent sur leur application" 482 On revient ici à l'impuissance politique devant des problèmes "résultants d'investissements décidés hier et d'innovations technologiques datant d'avant hier contre lesquels dans le meilleur des cas on adoptera demain les contre-mesures qui seront éventuellement efficaces après-demain." (Jaenicke 453)

A ce degré de généralité, on ne peut guère aller au-delà de la constatation d'une nécessaire réponse diversifiée, basée en partie sur l'action citoyenne spontanée des acteurs concernés. La constitution d'un Etat-providence écologique est considérée comme probable. A l'image de l'Etat social né après une phase de dénégation de la pauvreté, "on peut très bien passer à la construction de possibilités d'action politique et de droits de protection démocratiques" intégrant la dimension écologique. 483 Le fait que les risques et les coûts soient inégalement répartis favorise cette extension des droits sociaux malgré le risque d'autoritarisme scientifique et de bureaucratie proliférante.

Cela ne règle pas le fond du problème : "Comment pouvons-nous à l'avenir faire obstacle à la fuite en avant de la génétique humaine sans étouffer la liberté de la recherche sans laquelle nous ne pouvons pas vivre non plus?" 490. Pour cela, il faudrait combiner des garanties juridiques, des tribunaux et des médias forts et indépendants pouvant engager des contre-expertises, ainsi qu'une généralisation du droit à l'auto-critique (clause de conscience, responsabilité juridique); droit de critique, "non seulement à l'intérieur de la discipline mais aussi de façon ouverte et interdisciplinaire" 492 permettant de rendre public et politiser la controverse, créer du consensus à partir des conflits. On ne peut qu'approuver même s'il faudrait opposer le consensus obtenu face à une menace extérieure qui efface nos inégalités, au profit des privilégiés, et le consensus obtenu à partir d'un conflit d'intérêt ou de risques au bout d'un processus cognitif.

S'il y a donc beaucoup à retirer de la lecture de ce gros livre (500 pages), la politique se limite encore ici aux "fonction de protection et d'arbitrage, les fonctions discursives et symboliques de la politique" qui ne font qu'accompagner un changement qui ne dépend pas de nous. Nous devons aller au-delà de cette correction politique, aux marges d'une évolution subie, car cette fuite en avant n'est pas durable tout simplement. Le principe de précaution nous pousse à choisir  notre avenir plutôt que de subir les catastrophes, à l'organisation d'une démocratie cognitive, la réappropriation de nos vies et la maîtrise de notre destin collectif. Il y a un monde entre cette société du risque pacifiée et notre projet écologiste de réorientation du salariat productiviste vers les activités autonomes, même si nous défendons aussi un revenu garanti pour tous, mais c'est bien la production qu'il faut changer, l'objectif social et pas seulement protéger la mobilité. Il faudra remplacer la logique du profit ou du rendement par celle de l'investissement et du développement humain (A. Sen). Ceci implique sans doute qu'il puisse y avoir des moments révolutionnaires même si on ne peut pas s'installer dans la révolution et qu'en temps ordinaire il est heureux qu'on ne puisse pas changer tout le temps les règles ! La science normale et routinière n'empêche pas les révolutions scientifiques mais toute révolution étant brève, il faut effectivement penser une démocratie post-révolutionnaire où la grande politique cède la place à de multiples processus décentrés jusqu'aux prochaines mobilisations et réorganisations sociales. Le peuple instituant n'est pas, comme le voulait Castoriadis ou même Rousseau, la puissance souveraine intervenant sans cesse dans sa création mais puissance qui se retire pour dégager des espaces de liberté et d'autonomie individuelle, ce qui n'exclut nullement pourtant d'intervenir par éclair pour changer les règles lorsque cela devient indispensable.

Ce qui ne pouvait pas apparaître à l'époque, c'est à quel point les nouvelles activités cognitives et culturelles exigent une toute autre logique que celle de la dépense énergétique et du profit, dégageant des voies insoupçonnées comme la productivité de l'autonomie et de la gratuité dont témoignent les logiciels libres ou la réorientation de la consommation vers l'immatériel et la production de soi. La société de marché n'est pas éternelle dont le triomphe est si récent. L'écologie ne se réduit pas à la sécurité mais doit remplacer l'économie à terme plutôt que d'en réduire simplement les excès les plus voyants, c'est la logique qu'il faut changer, c'est-à-dire simplement tenir compte du changement de logique dans l'Empire achevé et l'économie cognitive, ou bien nous risquons de payer cher notre retard et notre passivité complice.

12/01/02


Index

ULRICH BECK ET LA THÉORIE DU RISQUE

Denis Kessler
Président de la Fédération française des sociétés d'assurances

Ulrich Beck est professeur de sociologie à l'université de Munich. Il enseigne également à la London School of Economics, dirigée par Anthony Giddens, celui-là même à qui l'on doit le concept de « troisième voie », un concept politique où la question du risque – et les travaux d'Ulrich Beck – est très présente.

La Société du risque

Ulrich Beck est un intellectuel connu et reconnu en Allemagne et dans le monde anglo-saxon, et cela depuis et grâce à la publication de La Société du risque (Risikogesellschaft, risk society). Il aura fallu attendre quinze ans la traduction française de cet ouvrage, au titre à la fois si simple et si énigmatique qui pourrait même faire croire qu'il s'agit d'une société d'assurances... Elles se sont appelées la Paternelle, la Préservatrice, l'Équitable. Il est curieux qu'aucune n'ait jamais décidé de s'appeler « La Société du risque ». Car, en effet, qu'est-ce qu'une « société d'assurances » si ce n'est une « société du risque » ?

Je suis très heureux que le jury du Prix Risques-Les Échos ait récompensé Ulrich Beck, qui, depuis 1986, n'a cessé d'approfondir ses analyses de la société du risque.

Je voudrais faire quelques remarques sur cette notion de société du risque, des remarques d'économiste et d'assureur. Pourquoi les analyses d'Ulrich Beck sont-elles si importantes pour nous ?

1986 n'est pas seulement la date de la publication de La Société du risque, c'est aussi celle de l'État-providence de François Ewald. C'est peut-être le moment où la notion de risque a vraiment été prise au sérieux par la sociologie, la sociologie politique.

La sociologie du risque s'est développée grâce à l'économie du risque. Depuis la fameuse théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, la question du risque a fait l'objet de très importants travaux d'économistes, ceux d'Arrow, de Stiglitz et Rothschild, etc. On a assisté à la naissance de toute une économie du risque, d'une théorie de la décision en incertitude, d'une théorie des comportements face à l'incertain - et d'une théorie des marchés d'assurance. Il s'agit d'une théorie extrêmement importante, foisonnante, parce qu'elle est apparue comme un schéma d'explication générale des comportements des individus. Une science des comportements, qui serait vraiment scientifique, parce qu'axiomatisée. On a bel et bien vu naître une science du risque et de l'incertain. Et l'on s'est efforcé de vérifier ses résultats sur des observations, d'où une science souvent très formalisée. Pourtant, cette science débouche sur une théorie de l'action, qui ouvre sur toute une politique, une science du gouvernement avec, par exemple, la théorie des incitations. Je tiens d'ailleurs à citer les contributions fondamentales de Jean-Jacques Laffont et de Jean Tirole. Il s'agit de gouverner non pas par la contrainte, mais par une gestion avisée des risques ou, plus exactement, du rapport que les individus entretiennent avec le risque.

Quittons la science économique. On pourrait dire que, avec Ulrich Beck, la théorie du risque entre en sociologie, devient une catégorie qui peut prétendre révolutionner la sociologie, comme elle a révolutionné l'économie quarante ans auparavant. Disons d'emblée que la notion de risque est plus floue – par nature – en sociologie qu'elle ne l'est en économie. Autre différence entre économistes et sociologues : en économie, le processus de connaissance est souvent cumulatif, au sein d'un même paradigme. En sociologie, il faut bien constater que la prise en compte du risque donne lieu à deux thèses qui peuvent paraître contradictoires, tout au moins de prime abord. François Ewald décrit la naissance d'une « société assurancielle » – sous la forme de l'État-providence –, quand Ulrich Beck, au nom de la société du risque, annonce plutôt sa fin, son dépassement. C'est un peu le paradoxe pour les assureurs, la société du risque, si l'on croit la thèse d'Ulrich Beck, conduisant à terme à la marginalisation de l'assurance dans la gestion des risques.

Ulrich Beck illustre sa vision des risques par les menaces globales, écologiques, les catastrophes nucléaires, climatiques, la « vache folle », les OGM... La « société du risque », c'est un peu la théorie du principe de précaution, du Vorsorgeprinzip, une notion qui vient d'Allemagne. On a beaucoup dit en France que le philosophe du principe de précaution était Hans Jonas, avec son principe responsabilité. Cela n'est pas si sûr. C'est chez Ulrich Beck que l'on trouve la sociologie politique du principe de précaution, une description du contexte dudit principe, de ses conditions de possibilité.

Le risque, vraie nature des sociétés contemporaines

Mais dans un univers allemand, autour d'une critique de la technique, de la science, il est difficile de ne pas penser à Heidegger. Il y a une prétention ontologique chez Ulrich Beck, à faire du risque une description de l'être, de l'essence de nos sociétés. Il ne s'agit pas de dire seulement que celles-ci sont confrontées à des risques de plus en plus grands, de plus en plus importants, de plus en plus difficilement maîtrisables, mais aussi que la notion de risque décrit l'essence même des sociétés modernes, des sociétés au stade actuel de leur développement. Nos sociétés se « réfléchissent » dans le risque, doivent se penser elles-mêmes à travers cette notion. Ulrich Beck analyse les conséquences de ce fait. Il parle d'une réflexive modernization, ce qui veut dire que la modernité devient à elle-même un problème parce qu'elle se réfléchit comme risque. Ulrich Beck distingue deux modernités : la première serait conduite par des valeurs de progrès, de technique, de rationalité qui iraient en quelque sorte de soi et ne feraient guère l'objet de questions. Ce qui caractérise la seconde modernisation, c'est qu'elle est critique en elle-même, incertaine sur elle-même, sur ses propres valeurs - par exemple le progrès, la science, la valeur des sciences. De ce point de vue, la notion de risque pour Ulrich Beck est au centre de ce que nous appelons éthique, développement durable ou encore responsabilité envers les générations futures.

Le grand saut d'Ulrich Beck est de faire du risque notre nature, une seconde nature. Il oppose la « société du risque » à la « société industrielle ». Au principe de la lutte des classes se substituera un principe de « lutte des risques ». La société du risque naît de la crise de la société industrielle, de sa propre transformation. Cette transformation est d'une nature un peu particulière.

L'idée est la suivante. Longtemps, nous avons vu dans le risque l'autre, l'adversaire, ce qui pouvait faire échouer nos actions. Les risques sont dans la nature, plus ou moins hostile. Ils prennent la forme de l'aléa, de la force majeure, de l'Act of God. Ils sont dans la nature, mais on peut en connaître les lois et se répartir les conséquences de ce que l'on ne peut pas prévenir. L'assurance permet de gérer ce type de risques car nous sommes dans un univers « probabilisable ».

Pour Ulrich Beck, dans la société du risque, les risques ne sont plus dans la nature, mais dans la société, dans notre propre développement. S'ils ne sont pas dans la nature, c'est que le risque est devenu notre seconde nature, dans la mesure où le monde industriel, n'est pas seulement une manière d'exploiter la nature pour satisfaire des besoins, il est devenu notre nature. Notre nature est donc celle de nos technologies.

Mais, précisément, ce monde où la technique est devenue notre nature est pour elle-même un danger. Cette société ne court pas des risques : elle est risque. Elle n'est pas sûre d'elle-même, dominatrice, mais minée, suspicieuse, inquiète ; angoissée, donc anxiogène. Et cela selon une logique qui ne semble pas pouvoir avoir de fin. C'est le paradoxe d'une société qui demande la plus grande protection, quand les instruments de cette protection lui font défaut, parce qu'ils vont être cherchés dans cela même qui fait question, la technologie. Ce qui est supposé rassurer est source d'incertitude, d'inquiétude, d'angoisse. Demander à un surcroît de technologie plus de protection signifie réintroduire encore du risque. Le risque s'auto-entretient, s'autogénère, par une sorte de réaction incontrôlable. Le risque engendre le risque, surtout quand on cherche à le maîtriser.

La science, vecteur de risques

Vous avez compris que la société du risque, telle que la décrit Ulrich Beck, est une société où la science, qui a tellement porté ce qu'il appelle la première modernité, la société industrielle, se trouve elle-même en question. La société du risque est donc en même temps une société d'inversion des signes en matière de science. En particulier, la science produit non pas des certitudes, mais des incertitudes, multiplie même ces incertitudes : elle produit des risques. Nous avons le sentiment de sa relativité, de controverses permanentes. Nous avons le sentiment que la confiance que nous avions mise dans la science revient à faire de la société un immense laboratoire, où nous faisons constamment des expériences sur nous-mêmes en vraie grandeur. Il n'y a plus d'extérieur. Nous sommes dans une société expérimentale de part en part, où il est difficile de tracer une limite entre le monde clos du laboratoire et le reste de la société, où nous avons le sentiment d'être engagés dans des sortes d'expériences avant que nous puissions connaître les résultats. Nous sommes tous devenus des cobayes dans la société du risque.

Deux des développements d'Ulrich Beck méritent d'être soulignés :

  • le premier porte sur la perception des risques : ceux-ci sont devenus invisibles, imperceptibles, difficiles à décoder. Exemple : la radioactivité, ou un organisme génétiquement modifié. Comment distinguer Dolly de son clone ? Comment observer le trou dans la couche d'ozone ?
  • le second porte sur la distribution des risques : dans la société moderne, selon Ulrich Beck, le problème est moins la distribution des revenus et des patrimoines que l'exposition différentielle aux risques. Il s'agit là d'un vrai problème de justice, nouveau et difficile à traiter. Les concepts d'égalité des chances ou d'égalité des malchances pourraient se révéler utiles pour envisager les aspects distributifs associés à telle ou telle situation de risque. Ulrich Beck pose alors le problème de la responsabilité.

Organisation politique et société du risque

La société du risque construit ses propres formes politiques. Elle est la source de nouvelles formes d'organisations, comme on le constate en particulier au niveau international. La risk society est nécessairement une world risk society. Le risque est un facteur de mondialisation, de globalisation qui donne naissance au niveau mondial à de nouvelles formes de communautés, de nouvelles formes de mutualisation des risques, pour des risques devenus globaux. Cela est caractéristique des organisations construites autour des problèmes d'environnement, de protection des espèces, de lutte contre le réchauffement du climat. On observe une sorte de réciprocité entre risques et mondialisation.

Et, en même temps, on assiste à la naissance de nouvelles formes de mobilisations, qu'Ulrich Beck appelle subpolitics, ce que nous nommons « associations », qui se créent autour de problèmes de risques pour, en particulier, problématiser la manière dont les décisions sont prises – single purpose ou monomaniaques. La société du risque doit donner naissance à de nouvelles formes de démocraties, démocratie du risque, démocratie sanitaire comme celle que nous voyons naître autour des accidents médicaux, démocratie industrielle autour de la catastrophe de Toulouse, des OGM...

La société du risque a également des conséquences internes en matière de théorie de l'État, d'administration de la sécurité, de fonctionnement de l'expertise. Elle peut aussi inspirer de nouvelles pratiques, comme celles de « troisième voie » que j'évoquais au début.

Quels risques, quelle assurance des risques ?

Avant de conclure, je voudrais encore faire quelques remarques, à la fois du point de vue de la théorie du risque et de celui de l'assurance.

Du point de vue de l'assurance, la société du risque – la société mondiale du risque – articule, systématise et met en résonance de nombreux thèmes que nous connaissons bien.

Bien sûr, les assureurs pourront être surpris des avatars de cette notion de risque qui est la leur et qu'ils manipulent concrètement tous les jours. Précisément, chance ou malchance, la notion de risque est sortie du champ de l'assurance où elle a été cantonnée pour prendre une extension nouvelle. Longtemps, l'assurance a été pratiquement seule à regarder le monde à travers le prisme du risque. Maintenant, c'est au nom du risque, et de la théorie sociale qui lui correspond, que l'on regarde l'assurance. Étrange renversement.

La Société du risque décrit l'univers au sein duquel l'assurance doit se développer comme un univers qui la conteste. Nous retrouvons ici le thème lancinant de l'assurabilité. Ainsi, les conditions d'assurabilité deviennent souvent plus difficiles au moment même où l'assurance est le plus nécessaire...

Mais je voudrais exprimer un premier point de divergence, une première question. Le risque relève de la ruse, de la metis grecque, de l'art d'Ulysse. Les techniques du risque ne sont pas des applications linéaires de la science. Ce sont des « ruses » qui permettent de définir une conduite rigoureuse là même où la science fait défaut. L'assurance formule ainsi des lois statistiques là où l'on ne connaît pas la causalité des phénomènes. Il n'y a pas nécessairement une seule forme d'assurance. Elle peut se transformer, comme cela est le cas pour l'assurance attentat avec l'intervention de l'État ou pour les principes juridiques de la responsabilité civile.

Je voudrais également pointer quelque chose qui pourrait se révéler une contradiction. Pour Ulrich Beck, société industrielle et société assurancielle font partie de la première mondialisation, celle qui sera dépassée par la société du risque. Or, en même temps, il nous dit que la base de la société du risque n'est pas la nature mais la technologie. Je remarquerai tout d'abord que les risques naturels ont représenté plus de 70 % des dommages indemnisés en 2001. Par ailleurs, la société du risque ne suppose-t-elle pas la société assurancielle plutôt qu'elle ne l'exclut ? Notre nature ne peut en effet se concevoir aujourd'hui sans les nombreux dispositifs d'assurance – privés et sociaux – qui font que le premier des biens est l'assurabilité. L'assurance et l'assurabilité sont devenus des problèmes essentiels pour la société du risque.

En ce qui concerne la théorie du risque, je me demande également si la notion de risque que mobilise la Société du risque n'est pas trop large. Ulrich Beck associe le risque à l'incertitude et à la peur. On peut aussi bien dire que le risque est ce qui fait disparaître l'incertitude et la peur. On peut dire qu'il y a une contradiction entre menace et risque. De ce point de vue, il faut dire que la « société du risque » au sens d'Ulrich Beck est une société qui a perdu la notion de risque, une société plus régressive que progressive. On peut voir également que si les risques se transforment, se complexifient, la ruse de l'intelligence trouve toujours de nouveaux moyens pour les maîtriser et vivre avec eux, pour faire que les avantages l'emportent sur les inconvénients. Je pense en particulier à toutes les avancées dans l'analyse des risques financiers et à tous les montages complexes qui sont sans cesse élaborés.

Enfin, je terminerai sur les conflits sociaux, structurés par le risque selon Ulrich Beck. Sans doute. Mais le risque qui est ainsi produit dans ces conflits ne correspond pas à une réalité. Il est produit au service d'une volonté. Et la sociologie trouve peut-être ici sa limite. On ne peut pas se contenter de décrire, il faut trancher, il faut décider de la définition du risque en fonction des valeurs qui sont les siennes. On ne peut pas dire que cela répond seulement à un constat.

Pour conclure, je rappellerai seulement que le risque est surtout l'apanage du discours politique. La France en montre l'exemple. Le mauvais exemple ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Ulrich Beck : la Société du risque : sur la voie d'une autre modernité

Avis client

Sommaire

     I.        La société du risque

    II.        La modernisation réflexive

   III.        L'individualisation réflexive

  IV.        Mondialisation, travail civique et cosmopolitique

   V.        Mutation politique

Résumé de la fiche de lecture - cliquez ici

Cet ouvrage de Ulrich Beck est paru en Allemagne en 1986, après la catastrophe de Tchernobyl. Cet événement marque un tournant, une transition dans laquelle les dangers et les risques prennent une telle ampleur dans la réalité qu'ils transforment la société industrielle. En effet, le nouveau concept de société mondiale du risque dessine les contours d'une nouvelle société, d'une nouvelle modernité qui prend en compte les problèmes écologiques. Beck parle d'une « dynamique de danger qui abolit les frontières » (p13). Mais ces dangers sont imperceptibles, « ils deviennent les passagers aveugles de la consommation normale. Ils se déplacent avec le vent et l'eau, sont présents en tout et en chacun, et pénètrent avec ce qu'il y a de plus vital -…- toutes les zones protégées du monde moderne » (p17). L'auteur montre qu'aujourd'hui la société est confrontée à elle-même, elle ne peut plus imputer les situations de danger à des causes externes. Elle vit un vrai choc anthropologique car elle prend conscience que les formes civilisées dépendent de la nature. C'est en cela que la nouvelle modernité qui s'amorce est une modernisation réflexive. La société industrielle doit se repenser en mettant en cause ses fondements. Ainsi dit Bruno Latour « la société post-industrielle est une

> destruction de la société industrielle ».


[...] L'individualisation réflexive : La société du risque apporte aussi des incertitudes au plan des risques sociaux, biographiques et culturelles. Le processus de modernisation a ébranlé le système de coordonnées internes à la société industrielle, sa conception de la science et de la technique, les axes entre lesquels se joue l'existence humaine Parler d'individualisation c'est dire que l'existence des hommes se démarquent des ses aspects établis, prédéterminés, qu'elle relève de décisions personnelles et constitue une sorte de mission pour l'action de chaque individu. [...]

 

[...] Vivre sa vie cela équivaut à résoudre sur le plan biographique les contradictions du système Pour Beck, le marché de l'emploi est le moteur principal de l'individualisation réflexive. En effet, pour avoir une bonne position dans la société il faut avoir une bonne éducation et être mobile. Ainsi chacun stimule l'individualisation. Cette mobilité implique le mouvement d'émancipation vis à vis de la famille, de l'entreprise Le marché du travail est flexible, il engendre la précarité généralisée de l'emploi. Beaucoup évolue dans la zone du sous-emploi et donc vivent près du seuil de pauvreté. Beck souligne fortement l'apparition de cette nouvelle pauvreté. [...]

 

[...] La globalisation du risque touche la production et la reproduction ; les nouvelles menaces globales et transnationales (exemple : la menace nucléaire) s'accompagnent d'une dynamique sociale et de politiques nouvelles. Les relations sociales à travers le monde s'intensifient. Les événements locaux se trouvent influencés par des événements qui ont lieu à l'autre bout du monde. Beck conçoit la globalisation comme un processus de relocalisation : il n'y a pas de globalisation globale. Il y a seulement une globalisation qui a lieu localement et qui change le local Il existe une société mondiale qui est à l'image d'un village où toutes les cultures se retrouvent au même endroit. [...]

 

[...] Mutation politique : Dans la société du risque se dessine le potentiel politique des catastrophes. S'en prémunir et les gérer peut impliquer une réorganisation du pouvoir et des attributions. La question est de savoir comment gérer politiquement les menaces. L'ordre du monde change quand le processus de reconnaissance sociale des risques est accompli. Il apparaît une nouvelle morale écologique. Il se développe une politique dirigiste de l'état d'exception qui finit par prendre une forme institutionnalisée durable. Ce mouvement s'accompagne d'une nouvelle répartition du pouvoir. [...]

...

 

L’émergence d’une société nouvelle

Ulrich  Beck   La Société du risque - Sur la voie d'une autre modernité
Flammarion - Champs 2003 /  1.53 € -  10 ffr. / 522 pages
ISBN : 2-08-080058-2
FORMAT : 11x18 cm

L'auteur du compte rendu: Nathalie Beau est titulaire d'un DEA de sociologie politique (Paris-Sorbonne). Elle a notamment travaillé sur l'étude des mouvements sociaux.
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La principale œuvre du sociologue munichois Ulrich Beck n’est pas un livre sur le risque mais un livre sur la transformation de la société actuelle en une société post-industrielle où les rapports sociaux, l’organisation politique, la structure familiale, etc., seraient profondément modifiés.
Publié en Allemagne en 1986, en Grande-Bretagne en 1992, puis en France en 2001, ce livre a abondamment suscité le débat. Sa sortie en format poche cette année va permettre une large diffusion de cette œuvre d’un abord un peu fastidieux mais néanmoins indispensable car elle a contribué à l’émergence d’une «sociologie du risque» actuellement en plein essor.

Selon U.Beck, nous passons d’une société industrielle, où le problème central était la répartition des richesses, à une société centrée sur la répartition des risques. Autrement dit, le risque n’est plus une menace extérieure, mais bien un élément constitutif de la société.
Les risques apportés par la civilisation ont pour caractéristique qu’ils se dérobent à la perception tant physique, géographique que temporelle. Le risque est d’une nature nouvelle et entraîne une redéfinition de la dynamique sociale et politique en devenant un critère supérieur à la notion de répartition des richesses, qui structurait jusque là notre société capitaliste.

S’inscrivant dans la tradition allemande de la sociologie de Max Weber, Ulrich Beck cherche à faire une sociologie générale : chômage, vie familiale, inégalités sociales, politiques. Pour l’auteur, le mot risque est connoté d’une acceptation beaucoup plus large que l’idée d’un risque technologique majeur, mais il met alors sur le même plan, ce qui peut être critiquable, risques industriels (modernité réflexive), incertitudes scientifiques (risques scientifiques) et insécurité sociale (individualisation). Ainsi, étant donné le large éventail des sujets abordés, l'essai est écrit sous la forme d’un essai où l’on peut trouver trois livres en un.

L’auteur y développe le modèle théorique d’une «modernisation réflexive» de la société industrielle (elle est à elle-même «objet de réflexion et problème») selon deux axes d’argumentation : une étude de la logique de la répartition du risque (première partie), et une étude du théorème de l’individualisation (deuxième partie). A partir de cette modernisation réflexive, l’auteur montre alors l’effacement des frontières entre la science et la politique (troisième partie).
La modernisation réflexive, qui s’inscrit dans le contexte d’une démocratie ultra-développée et d’une scientificisation très poussée, conduit en effet à un effacement des frontières entre science et politique. Ainsi, la science aussi devient réflexive puisque confrontée à ses propres produits et à ses propres insuffisances. On assiste alors, selon U.Beck, à une disparition du monopole scientifique sur la connaissance, «la science devient de plus en plus nécessaire mais de moins en moins suffisante à l’élaboration d’une définition socialement établie de la vérité» (p.343).
Aujourd’hui ce n’est donc pas l’ampleur du risque qui change mais sa «scientificisation» qui ne permet plus de se décharger de ses responsabilités en accusant la nature. On sait que le risque est généré par la société industrielle elle même et généralisé au delà de l’organisation traditionnelle de la société en classes, production et reproduction, partis et sous-systèmes.

Là où Théodore Adorno et Max Horkeimer, penseurs de l’école de Francfort, considéraient la confusion entre nature et société comme une illusion, Beck estime cette fusion achevée, ce que symbolise à sa manière le nuage radiocatif de Tchernobyl (contemporain de la sortie du livre en Allemagne), avatar d’un produit de la civilisation, métamorphosé en puissance naturelle et revêtant également une configuration scientifique.
Le mythe de la fin de l’histoire, celui qui consiste à considérer la société industrielle développée comme l’apogée de la modernité, est donc largement mis à mal par le livre d’U.Beck. Le moteur de la modernisation devient désormais selon l’auteur ce qu’il nomme la sphère subpolitique (justice, médias et vies privées qui se politisent..).
Mais les formes traditionnelles, sociales, institutionnelles et familiales de maîtrise de l’insécurité n’étant plus assurées dans la «société du risque», on peut reprocher à l’auteur de faire alors reposer tout le poids de cette insécurité sur le seul individu.

Nathalie Beau
( Mis en ligne le 19/01/2004 )
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Le recit de vie.

10 Janvier 2012 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #sociologie

Une diversité de récits

Un premier classement organise les nombreuses formes de récits de vie selon deux grandes clés principales:

• selon qu'ils s'attachent à restituer le réel / créer de la fiction;
• selon le rapport qu'entretiennent entre eux, auteur, narrateur et héros.

Réel ou fiction

Certains récits sont appelés factuels, ils prétendent exprimer la réalité : des personnes ayant existé ou des événements qui se sont produits. Ils manifestent une volonté de vérité.

D'autres récits dits fictionnels, proposent des vies fictives

soit que les personnages n'aient jamais existé,

soit que ces événements ne se soient jamais produits.

Cet aspect fictionnel peut être partiel,

soit l'auteur compose la biographie d'un personnage réel et lui attribue des actions fictives,

soit que dans le cadre d'événements réels, il invente l'un ou l'autre personnage fictif.

Dans cette classe de récits de vie l'auteur se soucie surtout de vraisemblance, il crée l'apparence de la réalité.

Rapport entre auteur, narrateur et héros.

Ce critère permet de dégager trois grandes familles de récits de vie.

La transcription de témoignage oral est une forme de récit de vie où un auteur recueille les paroles de quelqu'un d'autre, en général moins familier des textes écrits. Il compose ensuite un texte en adaptant ces paroles au support de communication : livre, article, film, bande dessinée… (auteur >< narrateur - héros)

La biographie est un récit à la 3e personne qui restitue l'histoire de quelqu'un d'autre. L'auteur n'est pas le personnage principal, il raconte à la manière d'un historien. (auteur - narrateur >< héros)

Ce genre est très ancien. Il trouve sans doute son origine dans les traditionnels éloges funèbres , les discours de louange (apologies, panégyriques), les vies d'hommes illustres (Plutarque, Suétone) et les vies de saints (hagiographies) proposés comme modèles aux autres humains.

L'autobiographie est le "récit rétrospectif qu'une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa propre personnalité" (P. Lejeune, cité par Collès et Dufays).

(Auteur = narrateur = héros) Le Je s'observe, prend distance, explique… Le récit des événements alterne avec l'analyse. Un décalage apparaît entre les deux époques : le temps des événements et le temps de la rédaction.

Ce genre apparaît dès le 4e siècle avec les Confessions de Saint Augustin en latin.
Dans la littérature française, les Essais de Montaigne (16e), les Mémoires de Saint-Simon (17e) et les célèbres Confessions de J.-J. Rousseau (18e) constituent des étapes importantes.
Ensuite, le romantisme met en vogue le culte du Moi et voit fleurir de nombreuses autobiographies.

L'autobiographie se présente sous la forme de multiples sous-genres:

·         autobiographie traditionnelle : un auteur raconte sa propre vie.

·         autobiographie partielle : un épisode de la vie est raconté.

·         journal intime : ce genre de récit se reconnaît à certaines caractéristiques:

o    respect de l'ordre chronologique

o    récit très proche de l'événement, sans recul

o    les événements sont moins sélectionnés, la structure du récit est moins apparente, cela crée une impression de désordre assez proche des hasards de la vie réelle.

o    un journal n'est pas nécessairement écrit en vue d'une publication.

·         autobiographie simulée : à partir de propos recueillis, un auteur (appelé nègre) se fait le narrateur-héros d'une vie qu'il n'a pas vécue.

·         mémoires : récit où les événements prennent plus de place que les éléments personnels.

·         chroniques : tableaux d'histoires survolant parfois plusieurs générations, plusieurs régions, récits de voyages…

·         roman autobiographique où l'auteur mêle à des événements réels quelques éléments de fiction.

·         ...

Tout récit de vie peut ainsi être classé dans un tableau à double entrée: énonciation / rapport au réel

Enjeux

Pourquoi écrit-on un récit de vie ?

Quand il compose un récit de vie l'auteur peut poursuivre plusieurs buts :

L'immortalité

Laisser une trace d'une vie pour échapper à la mort, accéder à l'immortalité.

Le souvenir

Écrire sa vie pour se retrouver, se regarder par narcissisme.

La confession

Donner sa version des faits, avouer ses erreurs, montrer ses motivations pour justifier sa conduite, blanchir ses fautes...

L'identité

Donner un sens à sa vie, se définir comme différent, unique.

L'information

Témoigner d'une époque, sur des comportements, des valeurs. Dialogue interculturel entre des époques, des régions, des catégories sociales.

Un modèle moral

Offrir une leçon de vie, présenter un personnage de récit de vie comme modèle à imiter.

La complicité

Par le récit de vie, l'auteur entretient avec le lecteur une relation particulière en ceci que l'évocation des souvenirs de l'auteur entraîne, chez le lecteur, l'évocation de ses propres souvenirs. La curiosité (plus ou moins avouable) du lecteur y trouve son content : les grands hommes aussi ont eu leurs faiblesses…

Le récit de vie comme texte argumenté ?

"Ce qui est certain en tout cas, c'est que le lecteur d'une autobiographie doit être attentif à la possibilité d'une thèse (de thèses) sous-tendant le récit.
[...] bien des biographes considèrent la vie qu'ils racontent non comme une fin en soi, mais comme une occasion d'argumenter en faveur d'une thèse." (
Baar et Liemans).

Ces auteurs se demandent même s'il ne faut pas classer l'(auto)biographie comme un sous-genre de l'essai.

Pourquoi lit-on un récit de vie ?

Quand il lit un récit de vie, le lecteur aussi cherche à assouvir un ou plusieurs désirs :

Une information

Trouver des renseignements sur une époque, une culture, une région, une expérience.

Une identification

S'identifier à un modèle, à quelqu'un qui a "réussi".

Une édification

Devenir meilleur, autre, réussir mieux.

D'autres motivations encore:

• l'attrait pour le moi,

• le désir de lire en s'identifiant à quelqu'un,

• le besoin de lecture où l'on peut sauter des passages,

• le plaisir de lire en voyeur.

Le travail de la mémoire.

"C'est un gosse qui parle. Il a entre six et seize ans, ça dépend des fois. Pas moins de six, pas plus de seize. Des fois il parle au présent, et des fois au passé. Des fois il commence au présent et il finit au passé, et des fois l'inverse. C'est comme ça, la mémoire, ça va ça vient. Ça rend pas la chose plus compliquée à lire, pas du tout, mais j'ai pensé qu'il valait mieux vous dire avant. C'est rien que du vrai. Je veux dire, il n'y a rien d'inventé. Ce gosse, c'est moi quand j'étais gosse, avec mes exacts sentiments de ce temps-là. Enfin je crois. Disons que c'est le gosse de ce temps-là revécu par ce qu'il est aujourd'hui [...]"

François Cavanna, Les Ritals, cité par Collès et Dufays.

La mémoire reconstruit le passé, elle opère plusieurs transformations du réel vécu:

  1. Comme on ne peut pas ne pas oublier, la mémoire opère une première sélection des événements.
  2. L'agencement dans le récit (la manière dont le récit est composé, l'ordre dans lequel les événements sont rapportés) est un autre choix qui reflète moins le passé comme tel que la vision qu'en a gardé l'auteur-narrateur.
    1. Le récit de vie est toujours une reconstruction du réel. Aussi la composition d'une biographie ne se fait qu'en modifiant la chronologie des événements selon quatre procédés:

suppression : une grande période de temps ne prend que quelques lignes ou est escamotée;

dilatation : une courte période prend beaucoup de lignes;

suppression / adjonction: on supprime un événement vécu pour un autre inventé;

permutation : on déplace dans le temps des événements de manière à les anticiper ou les retarder.

  1. Comme les oublis risquent de rendre le récit chaotique, discontinu, le narrateur sera quelquefois amené à corriger sa mémoire afin d'en masquer les insuffisances.
  2. Le passé lointain semble retouché par l'imagination qui contamine son souvenir (l'adulte se remémorant son enfance avec la nostalgie d'un paradis perdu). La mémoire ne rapporte que des moments-clés. Un de ces moments privilégiés est l'enfance retracée depuis la naissance. Or, quelle est l'authenticité des souvenirs avant 4 ans ?
  3. Écrire son autobiographie c'est essayer de saisir sa personnalité dans sa totalité, c'est faire une synthèse de soi. En se racontant, le narrateur permet aux autres de le regarder, ceci explique le maquillage de certains événements ou leur arrangement… pas toujours conscient.

Le travail de la mémoire apparaît ainsi comme composé autant d'affabulation que de mémorisation.

Pour faire resurgir les événements, les lieux jouent un rôle important. La vue et les autres sens (ouïe, odorat, goût) obligent la mémoire à refaire un trajet qui permet d'éclairer une personnalité adulte car on attend le plus souvent d'avoir terminé quelque chose avant de le raconter... Le récit de vie est ainsi téléologique (tout entier tourné vers la fin, le sens qu'on veut lui donner).

Dans l'autobiographie, un Je raconte un Moi avec une distance dans le temps et dans l'espace. Le travail de la mémoire peut

  • soit nier cette distance. On peut montrer ainsi la continuité du vécu selon que l'on se centre
    • sur le présent, on montre que l'être d'aujourd'hui est le prolongement de l'être ancien;
    • sur le passé, on montre que l'être d'alors annonçait le personnage d'aujourd'hui.
  • soit accentuer cette distance en prenant du recul par rapport à son passé
    • sur le plan intellectuel : difficulté à comprendre ce qu'on a été.
    • sur le plan affectif : regret ou refus de ce qu'on a été.

La sincérité autobiographique

Un pacte de sincérité est établi dès le début d'une autobiographie. C'est une déclaration d'intention. Le narrateur de l'autobiographie, puisqu'il s'engage, oblige le lecteur à le croire (il est d'ailleurs difficile de tout vérifier).

(Lire et écouter le Préambule des Confessions de Rousseau)

Les stéréotypes

Sous la diversité des formes, les chercheurs découvrent un contenu assez stéréotypé dans les thèmes, les structures narratives et les valeurs idéologiques.

Le stéréotype ou cliché est, au sens propre, une plaque d'imprimerie portant une gravure en relief permettant sa reproduction, son tirage à de nombreux exemplaires.
Au sens figuré, le cliché, stéréotype aussi nommé poncif ou lieu commun, est une idée, une expression très (trop) souvent utilisée. C'est pourquoi on l'appelle également banalité.

Stéréotypes thématiques

Certains thèmes apparaissent régulièrement dans le récit de vie et ils correspondent à l'attente des lecteurs: naissance, portrait de famille, petite enfance, escapade, accident, maladie, entrée en apprentissage, premier amour… Le souvenir est imaginé d'après des récits appartenant à la mémoire collective.

Stéréotypes narratifs

Les étapes conventionnelles du récit biographiques ont été modélisées par Yves Stalloni (cité par Collès et Dufays) notamment:

Les discours biographiques répondent au schéma suivant : raconter sa vie c'est faire le récit d'une ascension vers la réussite. Trois schémas se dessinent ainsi:

·         biographie par vocation : tout petit on est déjà comme on sera plus tard;

·         biographie par convocation : un événement opère une bifurcation décisive;

·         biographie par répétition : la vie est une accumulation lente et progressive des faits qui façonnent le devenir.

Stéréotypes mentaux

L'insertion de lieux communs, citations "nobles" ou de vérités générales garantissent que les attitudes et les événements décrits sont conformes à une idéologie établie.

L'utilisation de stéréotypes remplit diverses fonctions:

fonction vraisemblabilisante

Le déjà-vu, déjà-entendu rend le texte plus "naturel", il assure un sentiment de reconnaissance authentique de l'histoire, une illusion de référence au réel.

fonction évocative

Un cliché en entraîne d'autres, les réactive, il fait référence à toute une mythologie populaire. Le lecteur s'y retrouve dans un univers familier.

fonction sociale

Les stéréotypes rassemblent ceux qui y adhèrent, créent un lien social.

fonction esthétique

Les stéréotypes font l'objet de variantes multiples, le plaisir de la surprise s'allie ainsi à celui de la reconnaissance.

fonction argumentative

La pérennité des clichés semble prouver leur pertinence.

Ces clichés produisent des effets recherchés ou non. Ils réussissent à séduire le plus grand nombre en même temps. Cependant si ces clichés appartiennent à une culture périmée, ils produisent l'effet inverse : moquerie, irritation, ennui.

 

Voulez-vous vérifier vos connaissances au moyen d'un diaporama ?

 

factuel

fictionnel

transcription

x

x

biographie

x

x

autobiographie

x

x

La naissance

(origines, famille et proches, lieux déterminants, formation)

L'entrée dans la vie

(adolescence, début de l'âge adulte, vie sentimentale, initiation professionnelle)

Grands événements

(voyages, rencontres, deuils, création, célébrité).

Le récit de vie connaît un grand succès sous ses multiples formes : livres, films, entretiens médiatisés... C'est un genre extrêmement vaste.

Une première lecture permet de répartir ces récits en six catégories.

La littérature biographique permet aussi de poser quelques questions particulières:

  • Pourquoi écrit-on et pourquoi lit-on un récit de vie ?
  • Comment fonctionne la mémoire ? Quel est le rapport entre réel et souvenir ?
  • Quelles sont les (macro)structures courantes des récits de vie? Qu'y trouve-t-on habituellement comme séquences? Quels en sont les "lieux communs" ?

D'après Luc Collès et Jean-Louis Dufays

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Le récit de vie.

10 Janvier 2012 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #sociologie

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L’islam peut-il être français ?

13 Décembre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #sociologie

L’islam peut-il être français ?
Yasmine BOUAGGA
John Bowen propose une anthropologie de l’islam dans la société française
contemporaine. Après avoir brossé un paysage de l’islam en France, il fait l’ethnographie
d’institutions présentes sur ce marché religieux ou identitaire. L’ouvrage, convaincant, se
termine par l’évocation des raisons d’une possible conciliation – et même complémentarité
– entre la constitution de communautés islamiques et l’intégration républicaine.
Recensé : John R. Bowen, Can Islam be French ? Pluralism and Pragmatism in a Secularist
State, Princeton University press, sept. 2009, 242 p., $35.
Dans le flot de publications concernant l’islam en France les travaux universitaires de
qualité sont suffisamment rares pour qu’on les signale. Le nouvel ouvrage de John Bowen – dont
le titre L’islam peut-il être français ? pourrait être un écho ironique à ces interpellations
médiatiques sur l’impossible assimilation des musulmans – fait partie de ces ouvrages qui
éclairent par la rigueur de la recherche et l’originalité des analyses.
L’accommodement de l’islam à la République
La question de départ est faussement simple, car il ne s’agit pas de savoir s’il est dans la
nature de l’islam d’être ou non compatible avec la culture ou l’identité françaises. En
anthropologue des religions, John Bowen propose un angle d’approche plus complexe qui
consiste à demander comment la normativité islamique s’adapte au contexte français. La France
constitue un cas d’école, caractérisée par, d’un côté, une forte minorité musulmane qui a la
particularité d’être largement homogène (à très forte majorité d’origine maghrébine) et présente
en France depuis plusieurs décennies ; et de l’autre côté un système politique qui accorde une
place minime à la religion – voire la considère comme une menace à l’unité du corps social. La
spécificité de la notion française de laïcité – et ses usages dans le traitement public de la question
du voile – avait fait l’objet du précédent ouvrage de Bowen Why the French don’t like
headscarves ? (2006, Princeton University Press). Il s’agissait de voir comment l’islam était traité
dans la sphère publique française, comment le raisonnement public façonné par l’histoire de la
séparation de l’Église et de l’État, des valeurs républicaines, du féminisme (et, de manière moins
avouable, par l’histoire des représentations coloniales et post-coloniales) justifiait l’encadrement
législatif de la pratique religieuse en France. Dans Can Islam be French ?, Bowen prend la
question par l’autre bout, et interroge les acteurs musulmans dans leur raisonnement sur la
traduction de l’islam en France : comment peut-on ancrer localement sa pratique religieuse sans
renoncer aux traditions ? quels sont les régimes de justification des accommodements choisis ?
Ce questionnement qui porte sur l’articulation publique du raisonnement religieux vise
plus largement une « anthropologie du raisonnement public » (anthropology of public reasoning)
dont les lignes théoriques restent à expliciter. L’auteur entend en premier lieu par anthropologie
l’étude qualitative des situations sociales et c’est ce à quoi il s’attelle. La méthode proposée est
une ethnographie de la mise en place d’institutions musulmanes et des débats sur la pratique
religieuse de l’islam en France : Bowen propose, à travers des entretiens et des observations dans
des lieux tels que des mosquées, des instituts religieux et des écoles privées musulmanes, de
montrer comment s’élabore le raisonnement islamique dans la sphère publique française. Il donne
ainsi la parole à des musulmans de France qui se revendiquent comme tels, et qui sont confrontés
à la dure tâche de définir un islam de France.
La tâche est difficile car il s’agit d’élaborer des justifications dans deux univers de
référence différents : celui de la France républicaine, et celui de l’Islam universaliste. Les
solutions doivent, dans ces deux sphères, être à la fois être tolérables – sur le plan légal comme
sur le plan moral – dans les deux sphères, et praticables, fonctionner dans les deux sphères (pour
le cas de l’enseignement par exemple il s’agira d’ « édifier un savoir islamique qui soit à la fois
légitime en termes transnationaux, et pertinent pour la situation française »).
Institutions et raisonnement
L’ouvrage est composé de trois parties : la première s’intéresse au contexte de formation
d’un paysage islamique en France ; la seconde consiste en études de cas, portant sur des
institutions islamiques émergentes ; la troisième partie porte sur des débats qu’on pourrait
qualifier de scolastiques, dans le contexte de l’islam de France. Bien mené, l’ouvrage articule les
données de terrain et les analyses avec finesse, et propose un argumentaire convaincant.
Le paysage islamique de France, rappelle l’auteur, se distingue par deux traits : d’une part
la très grande homogénéité des musulmans, et la faiblesse de leurs institutions (hormis les
communautés turque et ouest-africaine, la grande majorité des musulmans de France est issue de
l’immigration maghrébine, caractérisée par une similarité des pratiques mais, également, une
déficience de l’organisation communautaire) ; et d’autre part la forte implication de l’État dans
l’encadrement et le contrôle de l’islam, depuis la période coloniale et jusqu’à la création du
CFCM (Conseil français du culte musulman). Une troisième caractéristique du paysage islamique
en France serait, selon l’auteur, sa forte exposition à des controverses liées non seulement au
contexte international (l’assimilation de l’islam à la menace terroriste), mais aussi aux crises
sociales nationales telles que les émeutes des banlieues, pour lesquelles la religion a souvent été
dénoncée comme un obstacle à l’intégration sociale. Ces « points chauds » de la banlieue
parisienne occupent une place privilégiée dans l’enquête : on est ainsi emmené dans une mosquée
de Clichy sous-Bois, un institut d’études islamiques à Saint-Denis (CERSI) et une école privée à
Aubervilliers (La Réussite). Toutefois l’auteur ne cède jamais au sensationnel ; au contraire, ces
lieux sont envisagés dans leur positionnement par rapport au champ des institutions islamiques en
France, au même titre que les Grandes Mosquées de Paris et de Lyon, et que l’Institut Européen
des Sciences Humaines (destiné à la formation des imams) de Château-Chinon.
Chaque institution est présentée à travers la figure des leaders qui l’animent, et leurs
trajectoires : véritables entrepreneurs en religion, ils s’efforcent de tisser des réseaux pour
affirmer leur légitimité dans le paysage islamique français, légitimité tant vis-à-vis des autorités
françaises que vis-à-vis de la communauté musulmane dans son ensemble. Ce n’est pas chose
aisée, compte tenu de la concurrence dans le champ religieux, les entrepreneurs institutionnels se
trouvant en concurrence entre eux, et avec d’autres groupes, notamment les salafistes, pour la
captation du marché religieux. Les difficultés du côté des relations avec les autorités françaises ne
sont pas moindres, comme le montrent l’anecdote des injonctions contradictoires adressées à
l’imam de Clichy sous-Bois, d’intervenir et de ne pas intervenir pour calmer les émeutes de
quartier, et les déboires du directeur de l’école La Réussite, victime de son succès. Alors même
qu’elles sont le produit de tractations locales, avec les mairies notamment, les institutions
islamiques font l’objet d’un soupçon constant de sédition.
Pourtant, l’ethnographie attentive proposée par Bowen tend à réfuter ce fantasme du
risque de captation politique du public musulman. L’ouvrage montre en effet, à travers les
descriptions des cours des instituts religieux notamment, que les enseignements portent sur la
pratique quotidienne de l’islam et ses rites, comme la prière, les ablutions. Les étudiants
interrogés indiquent qu’ils cherchent avant tout à mieux se connaître eux-mêmes à travers
l’apprentissage de la religion. Le marché de ces instituts serait donc autant un marché religieux
qu’un marché identitaire. Une sociologie plus poussée des publics aurait toutefois permis de
mieux comprendre comment s’articulent les stratégies de distinction des leaders que suit
l’anthropologue, et les configurations d’une communauté musulmane en formation. On sait
finalement trop peu de chose sur les trajectoires des publics qui vont consacrer ces nouvelles
institutions comme légitimes – ou non.
La dernière partie de l’ouvrage étudie les débats dans lesquels se déploie un raisonnement
public musulman. Cette partie pourrait être austère, pour qui n’est pas familier avec le mode de
discussion théologique. C’est pourtant là qu’on peut mesurer l’originalité du regard d’un
anthropologue des religions sur la question de l’islam en France : à travers la mise en scène des
différents acteurs, on voit comment se déploient effectivement les tensions entre les contraintes
d’existence et les impératifs religieux. Tension n’est pas conflictualité systématique : certes le cas
de la riba’, l’intérêt bancaire, montre une véritable contradiction entre le système français (où les
banques pratiquent le prêt à intérêt) et la prohibition religieuse, contradiction qui ne peut se
résoudre que dans la non participation au système ou dans des accommodements pragmatiques
avec l’impératif religieux ; en revanche dans le cas du mariage, les prescriptions légales
françaises et les prescriptions religieuses musulmanes, malgré leurs différences, peuvent
facilement trouver des points de convergence dans le souci de préserver l’ordre public. Le
contraste entre ces deux cas peut s’observer au niveau de la sphère pertinente de discussion qui
est mise en avant : dans le premier cas, les avis religieux (fatwas) circulent de manière
transnationale (à travers la télévision et internet), et posent la question du respect par les
musulmans de normes universelles ; dans le cas du mariage en revanche ce sont les avis de
leaders locaux qui priment, et leur souci de s’inscrire dans le cadre légal français – alors même
que les fidèles, eux, peuvent souhaiter s’en démarquer. Cette tension entre des élites religieuses
plus ou moins cooptées, et des raisonnements oppositionnels de jeunes parfois en rupture de ban,
n’est pas développée dans l’ouvrage, bien qu’il y soit fait allusion à plusieurs reprises. La
question déborde, certes, le sujet de la normativité islamique, mais elle est centrale dans le débat
public sur la question de l’intégration.
Communautés et intégration
Can Islam Be French ? propose, malgré cette réserve, une contribution importante au
débat français, concluant l’enquête par une analyse très stimulante de la notion de
communautarisme. Ainsi, la constitution d’une communauté musulmane, structurée autour
d’institution, de leaders communautaires, d’associations culturelles, ne sonnerait pas le glas de
l’unité républicaine, mais au contraire permettrait l’intégration des musulmans comme un groupe
de citoyens à part entière. Il ne s’agit pas là seulement d’un déplacement produit par la culture
anglo-saxonne dont est issu l’auteur : Bowen rappelle que les catholiques et les juifs ont été
intégrés à la République via des associations communautaires qui leur permettaient de représenter
leurs intérêts. Ainsi, bien qu’étrangère à l’idéologie française, la participation des citoyens à la
vie publique au travers des groupes intermédiaires constitue pourtant une réalité historique et
sociologique. Au resserrement des « valeurs républicaines », et au rejet du pluralisme au nom de
l’intégration nationale (comme l’a encore montré la récente affaire de la burqa), il faudrait, selon
l’auteur, substituer une « pragmatique de la convergence ».
Publié dans laviedesidees.fr, le 11 janvier 2010
© laviedesidees.fr

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Nietzsche

22 Novembre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #philosophie

http://www.philo5.com/images/image002.gifhttp://www.philo5.com/images/philo200/Nietzsche200.jpg  XIXe SIÈCLE

Nietzsche

1844 1900

Philosophe allemand

Gigantisme vs Nihilisme

* SURHUMAIN *

Critique du nihilisme et mort de Dieuhttp://www.philo5.com/images/LivrAudi23.png

La volonté de puissance et le surhomme,

Amor Fati et éternel retour

L'esprit de pesanteur / L'esprit de danse

Dionysos vs Apollon

Les vertus sont nées du long exercice de préjugés conventionnels. La confiance dans la valeur des jugements rationnels est elle-même un phénomène moral. « La vie se fiche de la morale ». Le christianisme ramollit l'homme et lui offre la consolation d'un au-delà inexistant, d'un néant. Il faut combattre ce nihilismeauquel personne ne croit plus et l'hypocrisie des chrétiens qui ne vivent pas, qui se mortifient, en respectant ce en quoi ils prétendent croire. « Dieu est mort! Dieu reste mort! Et c'est nous qui l'avons tué! » L'être humain est forcé désormais de ne compter que sur lui-même, sans aucune espérance.

 Les bases kantiennes de la connaissance et du rationalisme scientiste ne tiennent plus. Les idées sont impuissantes à changer le monde car la volonté aura toujours le dessus sur la raison. Le monde avec tout ce qu'il contient n'est rien d'autre que volonté de puissance. Ce n'est pas l'amour de la vérité qui anime l'homme, ce sont les passions du vouloir-vivre. Les institutions et la religion cachent la vraie nature de l'homme, faite du combat entre la mort et la vie. L'unité du monde, bien comprise par les présocratiques, a été cassée par Socrate qui a inventé la coupure entre l'essence et l'apparence, puis par le christianisme qui a institué une « morale d'esclave ». Contre le christianisme et contre le socialisme, Nietzsche établit sa philosophie de la volonté de puissance, née de l'accroissement continu des forces vitales. Ainsi l'homme qui veut se réaliser tend-il vers le surhomme.

Le surhomme se révèle capable de créer ses propres valeurs ; il a la force d'accepter la vie concrète comme elle est, sans se réfugier dans le nihilisme par la croyance en un autre monde, un au-delà, un arrière monde invisible et éternel. Le surhomme c'est un homme qui ne cesse de transcender la réalité factuelle et les limites qu'elle implique, grâce à une force créatrice constamment renouvelée. Il faut faire, avec le désespoir le plus profond, l'espoir le plus invincible. La quête de la vérité est une tâche sans fin ; elle exige une faim de vérité illimitée et insatiable, et la vérité elle-même vit dans l'acte de dépasser toute prétendue vérité.

L'Amor Fati est l'amour du destin, le consentement au monde tel qu'il est ; c'est l'attitude du surhomme. La morale chrétienne doit être remplacée par l'Amor Fati qui s'exprime ainsi : « Vis comme si, dans tout ce que tu veux faire, tu veuilles le faire un nombre infini de fois. »  Le monde, ne parvenant jamais à son point d'équilibre, se déroule sur lui-même en un « éternel retour ». L'éternel retour c'est cette vie que tu devras vivre d'innombrables fois. L'éternel sablier de l'existence ne cesse d'être renversé à nouveau ― et toi avec lui, ô grain de poussière de la poussière. Notre action est morale lorsqu'on peut dire qu'elle est telle que l'on consentirait à la répéter indéfiniment.

L'esprit de pesanteur est l'attitude de ceux qui s'en tiennent à des règles de conduite rigides, à des principes précis, ou encore à un prétendu savoir. L'esprit de la danse est un esprit léger, qui jette par dessus bord tout ce qui pèse inutilement. Il façonne, par chacun de ses pas, l'instant présent.

Dionysos, dieu grec de l'instinct, de l'euphorie, s'oppose à Apollon dieu grec de l'ordre, de la Beauté. Ce qui est apollinien est équilibré, mesuré contrairement à ce qui est dionysiaque qui a un caractère de démesure, de foisonnement, d'exubérance.

http://www.philo5.com/images/fleche6_24x19.png

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http://www.philo5.com/images/image001.gifPhilo5...
                    ... à quelle source choisissez-vous d'alimenter votre esprit?

 

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Marx

22 Novembre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #philosophie

http://www.philo5.com/images/image002.gifhttp://www.philo5.com/images/philo200/Marx200.jpg  XIXe SIÈCLE

Marx (Karl)

1818 1883

Journaliste politique et rentier allemand

Matérialisme dialectique

Matérialisme historique

* HOMME MARCHANDISE *

Il faut faire la révolution et instaurer le communisme pour apporter le bonheur et la liberté. http://www.philo5.com/images/philo5livre23.png

L'essence humaine, c'est l'ensemble des rapports sociaux. La substance de toute réalité, c'est la matière en mouvement. Il faut partir du réel et non des idées abstraites pour comprendre le monde réel. Le rapport dynamique entre l'objet et le sujet détermine sa subjectivité, et non l'inverse ; le mouvement de la matière détermine celui de la conscience, et non l'inverse.

Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, ce qui importe, c'est de le transformer (par la révolution). Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, mais leur existence sociale qui détermine leur conscience. La conscience est, en quelque sorte, un produit social.

Notre manière de penser et nos opinions ne sont en fait que le résultat d'un déterminisme issu de la structure sociale et des conditions de production ambiantes. Ce qui est primordial, c'est la praxis : unité nécessaire de la pensée et de la pratique. L'être humain s'exprime par le travail qui doit être l'activité libre et consciente qui unit l'homme à la nature et aux autres hommes. En plus de répondre à la satisfaction de ses besoins propres, l'homme se créé lui-même par le travail productif. En régime capitaliste, l'ouvrier est dépossédé de son travail qui appartient à un autre ; tout comme les machines qu'il utilise pour le produire appartiennent à un autre. La division du travail fait qu'il est un simple accessoire de la machine. Déshumanisé par le travail, il devient étranger à lui-même. (il a vendu sa vie) Dans son travail, l'ouvrier ne s'affirme pas, mais se nie. C'est pourquoi il n'a le sentiment d'être soi qu'en dehors du travail. Son travail forcé ne satisfait pas un besoin, mais il est seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. Le rapport de l'ouvrier aux objets qu'il fabrique est  un rapport aliéné dans le sens où ces objets, situés en face de lui, contiennent sa force de travail dont il a été dépouillé, et qu'en plus, ces objets ne lui appartiennent pas en propre. La plus-value est carrément du travail non payé à l'ouvrier. Le profit se fait sur le dos du travailleur qui est littéralement volé par son patron.

L'histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de la lutte des classes : la classe bourgeoise (les oppresseurs) contre la classe prolétaire (les opprimés). Le matérialisme historique est passé de 1. commune primitive au 2. régime esclavagiste au 3. régime féodal au 4. capitalisme et doit se terminer par le 5. socialisme où la propriété collective des moyens de production mettra fin à la lutte des classes, à l'exploitation et à l'aliénation.

La religion, c'est l'opium du peuple, qui permet, en créant l'illusion d'un bonheur futur, de supporter l'aliénation. La révolution communiste (eschatologique) dont le stade ultime devrait être l'abolition de l'État, apportera le bonheur et la liberté (promise au paradis par la religion) dans le monde réel sur terre.

http://www.philo5.com/images/fleche6_24x19.png

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Perspectives anthropologiques sur l'islam

22 Novembre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #sociologie

Perspectives anthropologiques sur l'islam

Jean-Pierre Digard

Revue française de sociologie
Vol. 19, No. 4 (Oct. - Dec., 1978), pp. 497-523
(article consists of 27 pages)

Published by: Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie

Stable URL: http://www.jstor.org/stable/3320916

Perspectives anthropologiques sur l'islam

Revue française de sociologie © 1978 Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie

Abstract

Après avoir défini de quelle anthropologie il entendait parler - non pas d'une anthropologie de l'Islam, mais d'une anthropologie-méthode qui permet de situer cette religion dans le contexte total des sociétés qui s'en réclame, - l'auteur dresse un rapide bilan de l'insuffisance tant de l'ethnologie en milieu musulman que de l'islamologie classique sur son propre terrain. Puis, après avoir rappelé quelques caractéristiques essentielles de l'Islam, à la fois religion et civilisation, il explore, à titre d'exemple, trois domaines où l'anthropologie lui semble susceptible d'apporter à l'islamologie une contribution originale: 1o) les décalages entre norme et pratique, et les différences d'impact de cette religion en fonction des genres de vie, des catégories socio-économiques; 2o) les représentations, très variées et parfois même contradictoires, que se font de l'Islam les acteurs sociaux; 3o) des diverses " fonctions " sociales de cette religion. /// After a definition of the kind of anthropology he is speaking of-not an anthropology of Islam, but a methodical anthropology that allows one to situate this religion within the overall context of the societies that espouse it-the author quickly sums up the shortcomings both of ethnology in Muslim contexts and of classical Islamology in its own field. Then, after a review of some of the basic features of Islam, both as religion and civilization, he explores three areas where anthropology might make an original contribution to Islamology: 1) Discrepancies between norm and practice, and the differences in the religion's impact on different ways of life or socio-economic categories; 2) The quite varied and sometimes even contradictory images that those acting within societies have of Islam; 3) The various social "functions" of this religion. /// Después de definir la antropología de que se trata -no de una antropología de Islam sino de una antropología método que permite situar esa religión dentro del contexto total de las sociedades que dependen de ella- hace el autor un estado rápido de las insuficiencias tanto de la etnología del medio musulmano como de la islamogía clásica. Luego después de recordar algunas características esenciales de Islam, juntamente religión y civilización, explora como ejemplo, tres dominios en que la antropología a su parecer, puede dar a la islamología una contribución original: 1) las diferencias entre norma y práctica y las diversidades de impacto de esa religión según los modos de vida, de las categorías socio-económicas, 2) las representaciones muy variadas y a veces contradictorias que imaginan los actores sociales a propósito de Islam, 3) las diversas " funciones " sociales de esa religión. /// Eingehend definiert der Verfasser seine Anthropologie: nicht die Anthropologie des Islams, sondern eine Anthropologie-methode, die gestattet, diese Religion in den gesamten Zusammenhang der sich auf ihn berufenden Gesellschaften zu stellen. Anschliessend gibt er eine Bilanz der Unzulänglichkeiten sohwohl der Ethnologie in muselmanischer Umgebung als der klassischen Islamologie auf ihrem eigenen Gebiet. Er streift einige Haupteigenschaften des Islams, Religion und Zivilisation, und untersucht als Beispiel drei Gebiete auf denen die Anthropologie, seiner Ansicht nach, einen eigenen Beitrag zur Islamologie liefern kann: 1o) der Abstand zwischen Norm und Praxis, und der unterschiedliche Impakt dieser Religion in Abhängigkeit von den Lebensweisen und den sozioökonomischen Kategorien; 2o) die Vorstellungen, sehr unterschiedlich und manchmal selbst widersprüchlich, die sich die sozialen Aktoren von Islam machen; 3o) die verschiedenen sozialen Funktionen dieser Religion.

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Friedrich Nietzsche...

22 Novembre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #philosophie

1882-1886

Dieu est mort

par Friedrich Nietzsche

« Dieu est mort » et « L'éternel retour » extraits de « Le gai savoir » et « Une pensée vient quand "elle"veut » extrait de « Par-delà bien et mal »

Dieu est morthttp://www.philo5.com/images/AudiFlech23.png

L'éternel retour http://www.philo5.com/images/Fleche8.png

Écrasez l'infâmehttp://www.philo5.com/images/AudiFlech23.png

Une pensée vient quand « elle » veut http://www.philo5.com/images/Fleche8.png

Préjugés de philosopheshttp://www.philo5.com/images/AudiFlech23.png

 

Dieu est mort [2]

[Troisième Livre]

Le dément. — N'avez-vous pas entendu parler de ce dément qui, dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au marché et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! » — Étant donné qu'il y avait justement là beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, il déchaîna un énorme éclat de rire. S'est-il donc perdu ? disait l'un. S'est-il égaré comme un enfant ? disait l'autre. Ou bien s'est-il caché ? A-t-il peur de nous ? S'est-il embarqué ? A-t-il émigré ? — ainsi criaient-ils en riant dans une grande pagaille. Le dément se précipita au milieu d'eux et les transperça du regard.

« Où est passé Dieu ? lança-t-il, je vais vous le dire ! Nous l'avons tué, — vous et moi ! Nous sommes tous ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment pûmes-nous boire la mer jusqu'à la dernière goutte ? Qui nous donna l'éponge pour faire disparaître tout l'horizon ? Que fîmes-nous en détachant cette terre de son soleil ? Où l'emporte sa course désormais ? Où nous emporte notre course ? Loin de tous les soleils ? Ne nous abîmons-nous pas dans une chute permanente ? Et ce en arrière, de côté, en avant, de tous les côtés ? Est-il encore un haut et un bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? L'espace vide ne répand-il pas son souffle sur nous ? Ne s'est-il pas mis à faire plus froid ? La nuit ne tombe-t-elle pas continuellement, et toujours plus de nuit ? Ne faut-il pas allumer des lanternes à midi ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui ensevelissent Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la décomposition divine ? — les dieux aussi se décomposent ! Dieu est mort ! Dieu demeure mort ! Et nous l'avons tué ! Comment nous consolerons-nous, nous, assassins entre les assassins ? Ce que le monde possédait jusqu'alors de plus saint et de plus puissant, nos couteaux l'ont vidé de son sang, — qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles cérémonies expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne nous faut-il pas devenir nous-mêmes des dieux pour apparaître seulement dignes de lui ?Jamais il n'y eut acte plus grand, — et quiconque naît après nous appartient du fait de cet acte à une histoire supérieure à ce que fut jusqu'alors toute histoire ! »

— Le dément se tut alors et considéra de nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient déconcertés. Il jeta enfin sa lanterne à terre : elle se brisa et s'éteignit.

« Je viens trop tôt, dit-il alors, ce n'est pas encore mon heure. Cet événement formidable est encore en route et voyage, — il n'est pas encore arrivé jusqu'aux oreilles des hommes. La foudre et le tonnerre ont besoin de temps, la lumière des astres a besoin de temps, les actes ont besoin de temps, même après qu'ils ont été accomplis, pour être vus et entendus. Cet acte est encore plus éloigné d'eux que les plus éloignés des astres, — et pourtant ce sont eux qui l'ont accompli. »

— On raconte encore que ce même jour, le dément aurait fait irruption dans différentes églises et y aurait entonné son Requiem aeternam deo. Expulsé et interrogé, il se serait contenté de rétorquer constamment ceci :

« Que sont donc encore ces églises si ce ne sont pas les caveaux et les tombeaux de Dieu ? » —

 [Cinquième livre] [3]

L'événement récent le plus grandiose — à savoir que « Dieu est mort », que la foi dans le Dieu chrétien a cessé d'être crédible — commence déjà à projeter ses premières ombres sur l'Europe. Au moins pour le petit nombre de ceux qui ont la vue assez bonne, la méfiance assez avertie pour percevoir un tel spectacle ; du moins leur semble-t-il, à eux, qu'un soleil vient de décliner à l'horizon, qu'une confiance ancienne et bien ancrée s'est muée en doute ; notre vieux monde leur paraît fatalement tous les jours plus vespéral, plus soupçonneux, plus étranger, plus périmé. Mais d'une façon générale on peut dire que l'événement est beaucoup trop grandiose, trop lointain, trop étranger aux conceptions de la foule pour qu'on soit en droit de considérer que la nouvelle de ce fait — je ne parle que de la simple nouvelle — soit parvenue jusqu'aux esprits à même d'en prendre connaissance ; pour qu'on soit en droit de penser,  a fortiori, que beaucoup de gens s'avisent déjà précisément de ce qui a eu lieu et de tout ce qui va s'effondrer à présent que se trouve minée cette foi qui était l'assise, l'appui, le sol nourricier de tant de choses : entre autres détails, toute la morale européenne. Nous devons désormais nous attendre à une longue et abondante série de démolitions, de destructions, de ruines et de bouleversements : qui serait à même d'en deviner assez dès aujourd'hui pour enseigner cette monstrueuse logique, de devenir le prophète de ces terreurs, de ces ténèbres, de cette éclipse de soleil que la terre n'a sans doute encore jamais connues ?

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L'éternel retour

[4] Le poids le plus lourd. — Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « Cette vie, telle que tu la vis et l'a vécue, il te faudra la vivre encore une fois et encore d'innombrables fois ; et elle ne comportera rien de nouveau, au contraire, chaque douleur et chaque plaisir et chaque pensée et soupir et tout ce qu'il y a dans ta vie d'indiciblement petit et grand doit pour toi revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement — et également cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et moi-même. L'éternel sablier de l'existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières ! » — Ne te jetterais-tu pas par terre en grinçant des dents et en maudissant le démon qui parla ainsi ? Ou bien as-tu vécu une fois un instant formidable où tu lui répondrais : « Tu es un dieu et jamais je n'entendis rien de plus divin ! » Si cette pensée s'emparait de toi, elle te métamorphoserait, toi, tel que tu es, et, peut-être, t'écraserait ; la question, posée à propos de tout et de chaque chose, « veux-tu ceci encore une fois et encore d'innombrables fois ? » ferait peser sur ton agir le poids le plus lourd ! Ou combien te faudrait-il aimer et toi-même et la vie pour ne plus aspirer à rien d'autre qu'à donner cette approbation et apposer ce sceau ultime et éternel ?

* * *

[5] « Mais si tout est déterminé, comment puis-je disposer de mes actes ? » La pensée et la croyance sont un poids qui pèse sur toi, autant et plus que tout autre poids. Tu dis que la nourriture, le site, l'air, la société te transforment et te conditionnent ? Eh bien, tes opinions le font encore plus, car c'est elles qui te déterminent dans le choix de ta nourriture, de ta demeure, de ton air, de ta société. Si tu t'assimiles cette pensée entre les pensées, elle te transformera. Si, dans tout ce que tu veux faire, tu commences par te demander : « Est-il sûr que je veuille le faire un nombre infini de fois ? », ce sera pour toi le centre de gravité le plus solide.[5a]

L'illusion politique dont je souris autant que nos contemporains sourient de la chimère religieuse des temps anciens, c'est, avant tout, la sécularisation de l'idéal, la croyance au monde présent et la répudiation de l'« au-delà » et de l'« autre monde ». Son but est le bien-être de l'individu fugitif ; aussi le socialisme en est-il le fruit ; c'est-à-dire que les individus fugitifs veulent conquérir le bonheur en le socialisant, ils n'ont aucune raison d'attendre, comme en avaient les hommes qui croyaient à l'âme immortelle, à l'éternel devenir et à l'avenir meilleur. Ma doctrine enseigne : « Vis de telle sorte que tu doives souhaiter de revivre, c'est le devoir – car tu revivras, en tout cas ! Celui dont l'effort est la joie suprême, qu'il s'efforce ! Celui qui aime avant tout le repos, qu'il se repose ! Celui qui aime avant tout se soumettre, obéir et suivre, qu'il obéisse ! Mais qu'il sache bien où va sa préférence et qu'il ne recule devant aucun moyen ! Il y va de l'éternité ! »[5b]

Cette doctrine est douce envers ceux qui n'ont pas foi en elle ; elle n'a ni enfer ni menaces. Celui qui n'a pas la foi ne sentira en lui qu'une vie fugitive.[5c]

Ne pas regarder vers des félicités, des grâces et des bénédictions lointaines et inconnues; mais vivre de telle sorte que nous voudrions revivre de même, et ainsi de suite jusqu'en éternité. C'est à chaque instant que cette tâche nous est présente.[5d]

* * *

[6] La nouvelle conception du monde. – Le monde subsiste ; il n'est rien qui devienne, rien qui passe. Ou plutôt : il devient, il passe, mais n'a jamais commencé de devenir ni cessé de passer, – il se maintient dans l'une et l'autre activité... Il vit de soi : ses excréments sont sa nourriture.

L'hypothèse d'un monde créé ne doit pas nous arrêter un instant. Le concept de « créer » est aujourd'hui absolument indéfinissable, irréalisable, n'est plus qu'un mot, un signe rudimentaire qui date des âges de superstition ; avec un mot on n'explique rien. La dernière tentative de concevoir un monde qui commencea été faite récemment et à plusieurs reprises à l'aide du procédé logique – généralement, comme on le devine, dans une arrière-pensée théologique.

Récemment, on a voulu, à plusieurs reprises, trouver une contradiction dans le concept d'une « éternité de temps en arrière » (régressas in infinitum) ; on a même trouvé cette contradiction, à condition, il est vrai, de confondre la tête avec la queue. Rien ne peut m'empêcher de calculer à rebours à partir du moment présent et de dire : « Je n'arriverai jamais au terme », tout aussi bien que je peux, à partir du même instant présent, calculer en avant jusqu'à l'infini. Il me faudrait faire l'erreur – dont je me garderai – de confondre ce regressus in infinitum avec le concept irréalisable d'un progressus antérieur fini, il me faudrait poser comme indifférente en logique la direction avant ou arrière, si je devais prendre la tête – l'instant présent – pour la queue ; je vous abandonne ce procédé, M. Dühring !...

J'ai trouvé cette pensée chez des auteurs anciens ; chaque fois elle était déterminée par d'autres arrière-pensées (généralement théologiques, à l'honneur du Creator spiritus). Si le monde pouvait se figer, se dessécher, dépérir, revenir au néant, ou s'il pouvait atteindre un état d'équilibre, ou s'il avait un but quelconque qui impliquât la durée, l'immutabilité, le définitif (bref, en termes métaphysiques : si le devenir pouvait aboutir à l'être ou au néant), cet état aurait été atteint. Mais il n'est pas atteint : d'où il s'ensuit... C'est l'unique certitude que nous ayons en mains, pour servir de correctif à une grande foule d'hypothèses sur l'univers, possibles par elles-mêmes. Si, par exemple, le mécanisme ne peut échapper à la conséquence d'un état final, telle qu'elle a été tirée par William Thomson, le mécanisme est réfuté de ce fait.

S'il est permis d'imaginer le monde comme une grandeur de force définie et comme un nombre défini de centres de force – et toute autre représentation demeure vague, et par suite inutilisable – il s'ensuit qu'il doit traverser un nombre calculable de combinaisons, dans le grand jeu de dés qu'est l'existence. Dans un temps infini, toute combinaison possible serait réalisée au moins une fois ; bien plus, elle serait réalisée un nombre infini de fois. Et comme, entre cette combinaison et son premier retour, il faudrait que se fussent réalisées toutes les combinaisons possibles, et que chacune de ces combinaisons déterminât toute la suite des combinaisons de sa série, on aurait démontré l'existence de séries absolument identiques ; le monde serait un cycle qui se serait déjà répété un nombre infini de fois et dont le jeu se déroulerait à l'infini. – Cette conception n'est pas nécessairement mécaniste, car en ce cas elle n'aboutirait pas au retour éternel de cas identiques, mais à un état final. Puisque le monde n'a pas atteint cet état, le mécanisme doit nous apparaître comme une hypothèse imparfaite et seulement provisoire.

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Écrasez l'infâme [7]

— M'a-t-on compris ? Dans ce que je viens de dire, il n'y a pas un mot que je n'aurais déjà dit il y a cinq ans par la bouche de Zarathoustra. — La mise à découvert de la morale chrétienne est un événement qui n'a pas son pareil, une véritable catastrophe. Qui fait là-dessus la lumière est une force majeure, un destin, — il brise l'histoire de l'humanité en deux morceaux. On vit avant lui, on vit après lui... L'éclair de la vérité a justement frappé ce qui se tenait le plus haut : celui qui comprend ce qui a été là anéanti peut regarder s'il lui reste rien dans les mains. Tout ce qui jusqu'à présent s'appelait « vérité » est reconnu comme la forme la plus nuisible, la plus perfide, la plus souterraine de mensonge ; le prétexte sacré d'« améliorer » l'humanité reconnu comme la ruse pour pomper le sang de la vie, l'anémier. La morale comme vampirisme... Qui met à découvert la morale a du même coup mis à découvert la non-valeur de toutes les valeurs auxquelles on croit ou a cru ; il ne voit, dans les types d'hommes les plus vénérés, voire canonisés, plus rien de vénérable, il y voit l'espèce la plus néfaste d'avortons, néfastes parce qu'ils fascinaient... L'idée de « Dieu » inventée pour servir d'antithèse à la vie, — en elle, tout ce qu'il y a de nuisible, d'empoisonné, de calomniateur, toute l'hostilité mortelle contre la vie synthétisée en une épouvantable unité ! L'idée d'« au-delà », de « vrai monde » inventée pour dévaluer le seul monde qui existe — pour ne laisser à notre réalité terrestre aucun but, aucune raison, aucune tâche de reste ! L'idée d'« âme », d'« esprit » et finalement d'« immortalité de l'âme » inventée pour mépriser le corps, pour le rendre malade — « saint » —, pour opposer au contraire une affreuse insouciance à toutes les choses qui méritent le sérieux dans la vie, la question de l'alimentation, du logement, du régime intellectuel, du traitement des malades, de la propreté, de la météorologie. Au lieu de la santé, le « salut de l'âme »— j'entends une folie circulaire intermédiaire entre les convulsions de la pénitence et l'hystérie du salut ! L'idée de « péché » inventée avec l'instrument de torture idoine, l'idée de « volonté libre », afin de déconcerter les instincts, afin de muer la défiance à l'égard des instincts en seconde nature ! Dans l'idée du « désintéressé », de « celui qui renonce à soi », le véritable signe distinctif de la décadence, l'attirance pour le nuisible, l'incapacité à trouver son intérêt, l'autodestruction transformée en signe de la valeur, en « devoir », en « sainteté », en « divin » dans l'homme. Enfin, — c'est le plus effroyable — dans l'idée de l'homme bon, le parti pris pour tout ce qui est faible, malade, raté, souffrant de soi, de tout ce qui doit périr —, la loi de la sélection rayée, un idéal fabriqué à partir de l'opposition à l'homme fier et réussi, à l'homme affirmateur, à l'homme sûr d'un avenir, garant de l'avenir... Et on a cru à tout cela, sous le nom de morale ! — Écrasez l'infâme !

M'a-t-on compris ? — Dionysos contre le Crucifié.

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Une pensée vient quant « elle » veut [8]

Pour ce qui est de la superstition des logiciens : je ne me lasserai pas de souligner sans relâche un tout petit fait que ces superstitieux rechignent à admettre, – à savoir qu'une pensée vient quand « elle » veut, et non pas quand « je » veux ; de sorte que c'est une falsification de l'état de fait que de dire : le sujet « je » est la condition du prédicat « pense ». Ça pense : mais que ce « ça » soit précisément le fameux vieux « je », c'est, pour parler avec modération, simplement une supposition, une affirmation, surtout pas une « certitude immédiate ». En fin de compte, il y a déjà trop dans ce « ça pense » : ce « ça » enferme déjà une interprétation du processus et ne fait pas partie du processus lui-même. On raisonne ici en fonction de l'habitude grammaticale : « penser est une action, toute action implique quelqu'un qui agit, par conséquent – ». C'est à peu près en fonction du même schéma que l'atomisme antique chercha, pour l'adjoindre à la « force » qui exerce des effets, ce caillot de matière qui en est le siège, à partir duquel elle exerce des effets, l'atome ; des têtes plus rigoureuses enseignèrent finalement à se passer de ce « résidu de terre », et peut-être un jour s'habituera-t-on encore, chez les logiciens aussi, à se passer de ce petit « ça » (forme sous laquelle s'est sublimé l'honnête et antique je).

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Préjugés des philosophes [9]

Ce qui incite à considérer tous les philosophes d'un œil mi-méfiant, mi-sarcastique, ce n'est pas le fait que l'on n'en finisse plus de découvrir leur prodigieuse innocence — la fréquence et la facilité avec lesquelles ils se méprennent et s'égarent, bref leur puérilité et leur ingénuité — c'est bien plutôt qu'ils ne font pas preuve d'assez de probité : bien qu'ils élèvent un brouhaha de clameurs vertueuses dès qu'on aborde, fût-ce simplement de loin, le problème de la véracité. Ils se présentent tous sans exception comme des gens qui auraient découvert et atteint leurs opinions propres en vertu du déploiement autonome d'une dialectique froide, pure, d'un détachement divin (à la différence des mystiques de tout rang, qui sont plus honnêtes qu'eux et plus lourdauds — ceux-ci parlent d'« inspiration ») : alors qu'ils défendent au fond, avec des raisons cherchées après coup, un principe posé d'avance, un caprice, une « illumination », la plupart du temps un vœu de leur cœur rendu abstrait et passé au tamis : — ce sont, tous autant qu'ils sont, des avocats qui récusent cette dénomination, et même, pour la plupart, des porte-parole retors de leurs préjugés, qu'ils baptisent « vérités » — à mille lieues de ce courage de la conscience morale qui s'avoue ce point, ce point précis, à mille lieues de ce bon goût du courage qui donne à entendre également ce point, soit pour mettre en garde un ennemi ou un ami, soit par exubérance et pour se moquer de soi-même. La tartuferie aussi empesée que pudique avec laquelle le vieux Kant nous entraîne dans les tours et détours dialectiques qui conduisent, ou plus exactement séduisent et égarent jusqu'à son « impératif catégorique » — ce spectacle nous fait sourire — et nous sommes difficiles —, nous qui ne goûtons pas un mince amusement à scruter les subtiles perfidies des vieux moralistes et prédicateurs de morale. Ou bien encore cette supercherie qu'est la forme mathématique dont Spinoza a comme cuirassé de bronze et masqué sa philosophie — « l'amour de sa sagesse à lui », en fin de compte, si l'on interprète correctement et raisonnablement le mot —, pour ainsi inhiber d'emblée le courage de l'assaillant qui oserait porter le regard sur cette vierge invincible et cette Pallas Athénè : — que de timidité et de vulnérabilité personnelle trahit cette mascarade d'un malade érémitique !

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[1] Extraits audio de la conférence d'André Moreau, Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra, Vox Populi © 2008, première partie, 2e min. et 46e min.

[2] Extrait de Le gai savoir, Troisième livre, § 125, 1882, extrait de Friedrich Nietzsche, Œuvres, Éditions Flammarion, Mille & une pages © 1997, Pages 161 à 163.

[3] Ibid. Cinquième livre, § 343, 1882, extrait de Ibid., Pages 253 et 254.

[4] Ibid. Quatrième livre, § 341, 1882, extrait de Ibid., Pages 251 et 252.

[5] Extrait de La Volonté de puissance, recueil établi par la sœur du philosophe, Elisabeth Nietzsche, en 1901. (Voir la controverse sur la falsification posthume de ses écrits).
[5a] Ibid. Tome 2, Gallimard Tel © 1995, pages 344 et 345 (Livre 4, § 242).
1881-1882 (XII, 1re partie § 117)
[5b] Ibid. page 345 (Livre 4, § 243). 1881-1882 (XII, 1re partie § 116)
[5c] Ibid. page 345 (Livre 4, § 244). 1881-1882 (XII, 1re partie § 128)
[5d] Ibid. page 345 (Livre 4, § 245). 1881-1882 (XII, 1re partie § 125)

[6] Ibid. Tome 1, Gallimard Tel © 1995, pages 338 à 340 (Livre 2, § 329). III-VII 1888 (XVI, § 1066)

[7] Extrait de Ecce Homo, Pourquoi je suis un destin, § 8 et 9, 1888, extrait de Friedrich Nietzsche, Œuvres, Éditions Flammarion, Mille & une pages © 1997, Pages 161 à 163.

[8] Extrait de Par-delà bien et mal, Première section, § 17, 1886, extrait de Friedrich Nietzsche, Œuvres, Éditions Flammarion, Mille & une pages © 2000, page 640.

[9] Ibid., § 5, pages 628 et 629. Extraits audio de Michel Onfray, Contre-histoire de la Philosophie 15, Frémeaux & associés © 2010, CD1 [5]. (La traduction que lit M. Onfray provient d'une autre édition du texte ici reproduit.)

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                    ... à quelle source choisissez-vous d'alimenter votre esprit ?

 

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Dieu est mort (3:43 min) [1] 

Écrasez l'infâme (4:25 min)

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Le Sacré

22 Novembre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #sociologie

Sacré

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Mur des Lamentations et Dôme du Rocher à Jérusalem en Israël

Le sacré est une notion d'anthropologie culturale permettant à une société humaine de créer une séparation ou une opposition axiologique entre les différents éléments qui composent, définissent ou représentent son monde : objets, actes, espaces, parties du corps, valeurs, etc. Le sacré désigne donc ce qui est mis en dehors des choses ordinaires, banales, communes; il s'oppose essentiellement au profane, mais aussi à l'utilitaire.

Le sacré a toujours une origine naissant d'une tradition ethnique et peut être mythologique, religieuse ou idéologique (c'est-à-dire non religieuse). Il désigne ce qui est inaccessible, indisponible, mis hors du monde normal, objet de dévotion et de peur.

Mosquée de Djenné au Mali

Selon Camille Tarot, le concept du sacré est conçu par les anthropologues contemporains comme la réponse à un ensemble d'expériences propres non seulement aux sociétés archaïques et traditionnelles mais aussi à toutes les autres cultures qui leur ont succédé. Il semble devoir être admis comme une donnée constitutive de la condition humaine, c'est-à-dire comme : "une catégorie universelle de toute conscience humaine", face à sa finitude et à sa condition de mortel.

Sur le plan phénoménologique, nous pouvons entrevoir ce qui, dans les cultures humaines, est visé dans les expériences du sacré : avant tout, le "numineux". Le numineux est un concept avancé par [(Rudolf Otto)] et ensuite largement utilisé. Dans son ouvrage Das Heilige - Über das Irrationale in der Idee des Göttlichen und sein Verhältnis zum Rationalen (Du sacré - Sur l'irrationnel des idées du divin et de leur relation au rationnel) publié en 1917, Otto traduit le concept de sacré en référence au latin, où est le terme numen se rapporte à la divinité, soit en un sens personnalisé, soit en référence à la sphèredu divin en général. Pour Otto, le numineux regarde toute expérience non-rationnelle du mystère, se passant des sens ou des sentiments, et dont l'objet premier et immédiat se trouve en dehors du soi.

Le numineux est aussi, selon Carl Gustav Jung: "ce qui saisit l'individu, ce qui, venant d'ailleurs, lui donne le sentiment d'être", traduisant, par conséquent, une expérience affective d'être. Le sacré entre ainsi selon Camille Tarot dans : "la composition d'une essence, celle de son identité". Cette définition évoque irrésistiblement : "la profondeur ontologique dans laquelle s'enracine le "sentiment" du sacré et donc l'importance de celui-ci dans toutes les cultures".

Sur le plan historique, "tantôt il [le sacré] semble s'identifier ou se confondre avec le divin : c'est le cas des religions archaïques, tantôt c'est le sacré qui s'estompe au profit du divin ou de la transcendance : c'est le cas des formes religieuses qui relativisent mythes et rites ou préconisent l'accès au divin".

Pour Roger Caillois[1], il n'existe que deux attitudes face au sacré : le respect de l'interdit ou sa transgression. Si l'Homme fait l'expérience du sacré, c'est qu'il veut précisément échapper à sa condition d'être fini et mortel; pour ce faire, il y a a priori trois solutions : le tabou (totémisme), la magie (animisme) et la religion (surtout les religions dites naturistes).

Enfin, toujours pour Camille Tarot, le sacré serait à l’origine du fait religieux, lequel serait à reconnaître : "dans la conjonction du symbolique et du sacré".

Dans les religions romaine et grecque, sont sacrés les objets qui ont été officiellement et par un acte rituel, retranché du monde profane pour en donner la propriété à une divinité[2]. Dans le christianisme, l'expression le sacré désigne spécialement l'Eucharistie.

Cette notion est aujourd'hui utilisée de façon plus générale dans d'autres contextes : une nation peut définir comme sacrés ses principes fondateurs ; une société peut définir comme sacrées certaines de ses valeurs ; etc. Les anthropologuescontemporains disent d'ailleurs que la notion de sacré est trop floue pour pouvoir être utilisée dans l'étude des religions — même s'ils continuent à travailler dessus.

Les éléments du sacré sont généralement considérés comme intouchables : leur manipulation, même en pensée, doit obéir à certains rituels bien définis. Ne pas respecter ces règles, voire agir à leur encontre, est généralement considéré comme un péché ou crime réel ou symbolique : c'est ce qu'on nomme un sacrilège. Le pire des sacrilège est la profanation, qui est défini comme l'introduction d'éléments profanes dans un enceinte sacrée (réelle ou symbolique).

Pour Durkheim[3], les représentations religieuses sont en fait des représentations collectives : l'essence du religieux ne peut être que le sacré, tout autre phénomène ne caractérise pas toutes les religions. Le sacré, être collectif et impersonnel, représente ainsi la société elle-même.

« Les choses sacrées sont celles que les interdits protègent et isolent, et les choses profanes étant celles auxquelles ces interdits s'appliquent et qui doivent rester à l'écart des premières. La relation (ou l'opposition, l'ambivalence) entre Sacré et Profane est l'essence du fait religieux. »

— Émile Durkheim

Le sacré selon Mircéa Eliade[modifier]

Les hiérophanies[modifier]

« On pourrait dire », écrit Mircea Eliade, « que l'histoire des religions, des plus primitives aux plus élaborées, est constituée par une accumulation de hiérophanies […] L'occidental moderne éprouve un certain malaise devant certaines formes de manifestations du sacré : il lui est difficile d'accepter que, pour certains êtres humains, le sacré puisse se manifester dans des pierres ou dans des arbres. Or, […] il ne s'agit pas d'une vénération de la pierre ou de l'arbre en eux-mêmes. Les arbres sacrés ne sont pas adorés en tant que tels ; ils ne le sont justement que parce qu'ils sont des hiérophanies, parce qu'ils “montrent” quelque chose qui n'est ni pierre ni arbre, mais le sacré, le ganz anderes[4]. »

Et Eliade d'ajouter :

« On n'insistera jamais assez sur le paradoxe que constitue toute hiérophanie, même la plus élémentaire. En manifestant le sacré, un objet quelconque devient autre chose, sans cesser d'être lui-même, car il continue de participer à son milieu cosmique environnant. Une pierre sacrée reste une pierre ; apparemment (plus exactement : d'un point de vue profane) rien ne la distingue de toutes les autres pierres. Pour ceux auxquels une pierre se révèle sacrée, sa réalité immédiate se transmue au contraire en réalité surnaturelle[5]. »

Mais hormis ces considérations sur l’aspect duel de l’objet sacré, Eliade, en dépit d’une œuvre considérable dédiée au sujet, ne dit, en revanche, jamais rien sur la nature probable de « cet autre chose », invisible, qui irradie, effectivement, de l’objet en question[réf. nécessaire]. Quant aux forces qui déterminent le profane « à devenir une hiérophanie, ou a cessé de l'être à un moment donné[6] », Eliade reconnaît explicitement que « le problème dépasse la compétence de l'historien des religions[7]».

Stonehenge au solstice d'été en Angleterre (non loin de Salisbury, Comté de Wiltshire)

Selon Daniel Dubuisson, l’approche eliadienne, compte tenu de son incapacité foncière à définir « quels principes, quelles règles, quels mécanismes régissent la disposition et l'organisation[8]» de ce phénomène, conduit l’historien des religions sur une voie sans issue.

La nature relationnelle des hiérophanies[modifier]

« La seule chose qu'on puisse affirmer valablement » à propos du sacré, écrit Eliade, « c'est qu'il s'oppose au profane[9] ».

Selon Albert Assaraf une telle explication reste fondamentalement à la périphérie du phénomène. « Autant, dit-il, expliquer le feu – comme le faisaient autrefois les aristotéliciens – en l’opposant à l’eau ; la terre, en l’opposant à l’air…[10]»

Toujours selon cet auteur, la grande erreur d’Eliade – erreur d’où découleront les séries d’impasses précitées – est précisément là, dans sa tentative d’expliquer le sacré en l’opposant au profane, comme si sacré et profane étaient deux entités différentes que rien ne peut rapprocher alors que sacré et profane découlent d’un phénomène commun : à savoir la propension qu'ont les signes de lier et de délier les hommes.

«  C’est en raison de notre prédisposition innée, dit-il, à classer les objets du monde selon une échelle de force [verticale], qu’une simple pierre finit par désigner quelque chose de "tout autre" qu’elle-même. Et ce "tout autre", c’est le lien ; c’est la quantité d’énergie ligative qui se dégage d’un signe à un moment donné de son histoire.[11] »

Même Eliade, fait remarquer Albert Assaraf, n’est pas sans admettre implicitement l’origine relationnelle du sacré :

«  Il subsiste, écrit Eliade, des endroits privilégiés, qualitativement différents des autres : le paysage natal, le site des premières amours, ou une rue ou un coin de la première ville étrangère visitée dans la jeunesse. Tous ces lieux gardent, même pour l'homme le plus franchement non-religieux, une qualité exceptionnelle, « unique » : ce sont les « lieux saints » de son univers privé, comme si cet être non-religieux avait eu la révélation d'une autre réalité que celle à laquelle il participe par son existence quotidienne[12]. »

« Paysage natal », « site des premiers amours », « une rue ou un coin de la première ville étrangère visitée dans la jeunesse », ne sont-ce pas là tout simplement des objets d’attachements initiaux que l’esprit humain place très haut sur une échelle imaginaire verticale ?

Il paraît urgent de rappeler, en lisant ces lignes, que l'expérience du sacré est celle de la transcendance: l'ouverture sur l'absolu. Il est évident qu'une telle notion ne peut pas être définie puisque le fini n'a pas la capacité de décrire l'infini. Ainsi que René Guénon l'a souligné, l'on ne peut avoir recours qu'à une formule négative: "l'infini est ce qui n'a pas de limite". Affirmer que La nature du sacré est mystérieuse serait un pléonasme. Aussi est-il aisé de comprendre que Mircéa Eliade ait dû utiliser une comparaison approximative en évoquant ce qui n'est qu'un sentiment de la notion de sacré. Une confusion est-elle possible lorsque l'éminent historien des religions ajoute: "Le Monde n'est pas un Chaos mais un Cosmos (...) cette oeuvre divine garde toujours une transparence, elle dévoile spontanément les multiples aspects du sacré. Le Ciel révèle directement, "naturellement", la distance infinie, la transcendance du dieu. La Terre, elle aussi est transparente: elle se présente comme mère et nourricière universelle. Les rythmes cosmiques manifestent l'ordre, l'harmonie, la permanence, la fécondité. Dans son ensemble, le Cosmos est à la fois un organisme réel, vivant et sacré: il découvre à la fois les modalités de l'Etre et de la sacralité."

Pour conclure cette brève intervention, l'ouvrage de Monsieur Albert Assaraf, dont le titre Le Sacré, une force quantifiable? annonce une assimilation du qualitatif au quantitatif, pourrait avantageusement s'intituler La Lumière est-elle obscurité?

Cela dit, attention à ne pas confondre l'"expérience" du sacré et la "force" qui irradie de l'objet sacré. L'une est, effectivement, impossible à définir comme il est impossible de définir ce que l'on ressent face au bleu du ciel ; l'autre, en revanche, comme l'explique Albert Assaraf, est parfaitement quantifiable suivant une échelle de force de 1 à 10, de la même manière que la longueur d'onde du bleu du ciel est parfaitement quantifiable. Peut-être n'est-il pas inutile de préciser que si la science est capable de mesurer des longueurs d'ondes, c'est par référence à l'espace et au temps qui sont des "grandeurs" physiques. Il conviendra donc d'expliquer comment on prétend quantifier une "énergie ligative" qui n'est rien d'autre qu'une image sensée représenter l'attrait d'une population pour un objet particulier. Si l'on y parvient, pourquoi ne pas mettre au point un appareil de mesure de l'amour? Ainsi On pourra avantageusement consulter le compteur avant de rédiger un testament ou de passer une bague au doigt...

Utilisation courante[modifier]

Le terme est parfois utilisé par extension, éventuellement par des non-croyants, pour qualifier des valeurs qui paraissent essentielles à une civilisation(exemple : Le respect de la propriété est une chose sacrée, etc.).

Il apparaît en ce sens dans la Marseillaise au 6e couplet :

Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs !
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs !

Notes et références[modifier]

  1. L'Homme et le sacré, Paris, Leroux, 1939, XI-148 p. ; 2e éd. augmentée de trois appendices sur le sexe, le jeu, la guerre dans leurs rapports avec le sacré, Paris, Gallimard, 1950, 255 p.
  2. Jon Scheid, Le Culte des sources et des eaux dans le monde romain, in Diffusion des cours du Collège de France, Religion, institutions et sociétés de la Rome antique, n° 2
  3. Émile Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse, 1912 — lire en ligne [archive] et Émile Durkheim - De la définition des phénomènes religieux — [PDF] lire en ligne [archive]
  4. Mircéa Eliade, Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1957, p. 17.
  5. Ibid., p. 18.
  6. Cf. Mircea Eliade, Traité d'histoire des religions, Paris, Payot, 1964, § 4
  7. Mircea Eliade, Le sacré…, op. cit., p. 12.
  8. Daniel Dubuisson, Mythologies du XXe siècle, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1993, p. 259.
  9. Mircea Eliade, Traité d'histoire des religions, Paris, Payot, 1964, p. 12.
  10. Albert Assaraf, « Le sacré, une force quantifiable ? », Médium, n° 7, Paris, Editions Babylone, 2006
  11. cf. Albert Assaraf, « Le sacré, une force quantifiable ? », Médium, n° 7, op. cit., p. 42.
  12. Mircea Eliade, Le sacré et le profane, op. cit., pp. 27-28.

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·         « Sacré », sur le Wiktionnaire (dictionnaire universel)

Bibliographie[modifier]

  • Robert Tessier et José A. Prades, Le sacré, éd. Les Editions Fides, 1991
  • Camille Tarot, Le symbolique et le sacré : théories de la religion, Paris, La Découverte, 2008, 910 p. (ISBN 978-2-7071-5428-6).

Voir aussi[modifier]

Articles connexes[modifier]

·         Portail de la sociologie

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